EDITORIAUX 2002

Février 2002
Pratique de la prospective

Pratiquer la prospective, c’est identifier le souhaitable et le mettre en œuvre dans de nouvelles configurations.

La prospective est faite pour les transformations, pour les ruptures, subies ou voulues. Elle éclaire la décision et l’action des responsables qui ont à y faire face, le regard sur l’avenir de ceux qui le vivront. Par temps calme, quand il s’agit seulement de maintenir, de gérer, ou encore tant que l’avenir ne paraît pas en cause, elle n’est qu’un exercice académique.

Mais, qu’il s’agisse d’affaires publiques, du devenir des groupes ou de l’évolution des organisations, rares sont aujourd’hui les situations sans enjeu : la prospective est bien un art pour notre époque.

Rien de plus difficile que d’identifier le souhaitable. La pensée courante, encombrée de rémanences, de doctrines, de modes est rarement en mesure de dépasser d’éphémères généralités. La recherche du souhaitable est une maïeutique. Alimentée par le souci de l’information personnelle, celle que l’on va chercher soi-même là où elle est, ainsi que par la réflexion libre, celle qui sait échapper au carcan des disciplines, la recherche du souhaitable se fonde sur l’histoire et la connaissance du présent pour préparer l’avenir, sans prétendre le décrire. Elle est aléatoire, aussi bien quant au temps qu’elle va requérir qu’au résultat qu’elle proposera peut-être.

Nous apprenons progressivement à donner au souhaitable forme concrète : élaborer ou révéler des formes et des modèles, eux-mêmes destinés à évoluer sans cesse, par l’expérimentation ; tout au long du processus, dialoguer, échanger, impliquer les acteurs sans pour autant se ranger à leurs approches, éviter les pièges du concret, du consensus, des priorités, progresser avec patience et réflexion et laisser aux partenaires le temps de s’impliquer. C’est ainsi que peuvent surgir les nouvelles configurations – véritable production de la prospective – qui renouvelleront les organisations et les situations.

Mais qui peut agir ? Qui a qualité pour conduire l’identification du souhaitable ? Qui saura le plaider, le vérifier, éventuellement lutter pour l’imposer ? Certes, le souhaitable n’est a priori du ressort de personne, mais si personne ne s’y consacre, il n’y a guère de chance qu’il apparaisse. C’est le rôle des responsables, ceux qui sont en situation, ceux qui s’y placent. Ce qui nous met sur le chemin de ce que l’on pourrait qualifier de « talon d’Achille de la prospective » : elle requiert un leadership.

Armand Braun

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