L’éclatement de la Yougoslavie a provoqué la guerre de Bosnie qui s’est déroulée de 1992 à 1995. Sa fin, avec les Accords de Dayton, le 14 décembre 1995 a été le grand succès du président américain Bill Clinton. Ce conflit, qui s’est particulièrement illustré par des crimes de guerre et des génocides, a fait 100 000 morts, dont la moitié de civils, et a entraîné la fuite de 2 millions de personnes qui sont devenues des réfugiés. Qui, en Europe et dans le monde, se souvient de tout cela ? Il n’en reste dans la mémoire collective que deux images : celle du terrible siège subi par la ville de Sarajevo, celle du pont de Mostar, ce pont du XVIe siècle qui est devenu le symbole de l’inéluctable mais impossible coexistence entre les Serbes, les Croates et les Bosniaques ? Depuis, cette coexistence était pacifique mais distante car marquée par la proximité des souvenirs, les drames subis par les uns et les autres. Les discours enflammés, mais heureusement non suivis d’effets, étaient chose habituelle. Même à l’occasion des terribles inondations de 2014, chacun était resté parmi les siens.

La pandémie, qui a créé tant de drames ailleurs, a peut-être exercé un effet positif là-bas. Alors que chacun était désigné jusque-là par son groupe ethnique, il n’est plus question aujourd’hui que de personnes. Étrangement, tout le monde s’est mis à s’entraider. Le ministre de la Santé, le Dr. Alen Šeranić, est devenu l’homme le plus populaire du pays, « un héros de notre temps », selon la formule d’un journaliste. Dr. Šeranić est musulman : c’est dire à quel point le mur de haine qui séparait les communautés s’est soudain effondré.

Volker PabstNeue Zürcher Zeitung – 7 août 2020

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