Quand on demande aux gens « êtes-vous heureux ? » et que l’on relie leur degré de satisfaction à leur âge, on obtient une courbe qui est la même chez presque tout le monde. Elle part d’en haut vers 20 ans, puis descend petit à petit, est au plus bas entre 40 et 55 ans. C’est à ces âges que peuvent apparaître l’angoisse, la solitude, le stress, la dépression, les phobies, les crises de panique, le mauvais sommeil, la perte de confiance en soi, le sentiment d’exclusion… Ensuite, nous dit-on, la courbe remonte régulièrement et, à partir de la soixantaine, revient le sentiment du bonheur. La courbe ressemble à un sourire ! Ce sont là des données statistiques largement et universellement vérifiées : dans 132 pays, tous milieux confondus.

Certes, le passage de la cinquantaine est difficile : c’est aborder une autre époque de sa vie, c’est subir des tourments spécifiques, avec entre autres le célèbre « démon de midi », c’est surtout le moment où s’instaure chez beaucoup une insécurité refoulée que les choses de la vie confirment souvent. La cinquantaine, c’est, pour quelques-uns, l’époque du sommet de la réussite, de l’aisance, de l’autorité. Pour le plus grand nombre, l’époque où il est trop tard pour attendre autre chose qu’une succession de renoncements.

La réalité et le ressenti ne sont pas si simples. Tout schématiser en une courbe universelle, non, nous ne sommes pas d’accord ! Ce type d’affirmation fondé sur le calcul rejoint assez rarement les circonstances de la vie : le raisonnement de groupe est fallacieux, c’est la vie de chacun qui compte. Si d’aventure un éminent statisticien, conforté dans ses certitudes par de longues et rigoureuses enquêtes, lit cette brève, qu’il nous accorde son indulgence.

David Blanchflower – Prospect – Avril 2020
Prospective.fr

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