L’Europe a désormais conscience de la crise démographique qu’elle subit.

Celle-ci s’est d’abord manifestée en Europe centrale. En Bulgarie, en Roumanie, en Hongrie et dans les pays Baltes, d’innombrables villages se sont progressivement vidés. Le nombre d’enfants nés de parents roumains à l’étranger dépasse le nombre d’enfants nés dans le pays. La Hongrie multiplie les aides natalistes et le taux de fécondité y est passé de 1,2 à 1,5 enfant par femme ; mais il stagne à ce niveau.

Et il n’y a pas que les pays de l’Est : dans la péninsule Ibérique, le sud de l’Italie et certaines régions de Grèce, le taux de fécondité ne dépasse pas 1,25 enfant par femme, bien loin des 2,1 enfants nécessaires au renouvellement des générations. Un revenu par habitant très en dessous de la moyenne va de pair avec ce déclin. Une même situation se retrouve désormais sur les rives de la Méditerranée. Selon un sondage publié en mai 2019 par le European Council on Foreign Relations, en Espagne, en Italie et en Grèce, les personnes interrogées disent maintenant s’inquiéter davantage de l’émigration que de l’immigration.

Les données statistiques sont importantes, mais les circonstances influençant les comportements individuels doivent aussi être prises en compte. Ainsi, en Sardaigne, où à la fin du XXe siècle la fécondité était plus élevée qu’ailleurs, chaque femme n’a plus en moyenne qu’un seul enfant. La désindustrialisation violente a changé les perspectives d’emploi et conduit à différer les projets d’enfant. Mais il y a aussi un modèle familial hyper-protecteur, un marché du travail rigide, un système qui favorise la propriété de la résidence au détriment de la mobilité, une fiscalité dissuasive et l’insuffisance de services publics à l’enfance, contraignant les familles à s’appuyer intégralement sur les mères et les grands-mères. Et encore l’immigration régulière, qui a été multipliée par quatre, a-t-elle limité le vieillissement et le dépeuplement de Cagliari, la capitale provinciale, où les cimetières ont plus d’activité que les maternités.

Nous connaissions l’essentiel de ces données, mais jusqu’ici nous ne nous sentions pas concernés. Voilà qui est en train de changer. Comme toujours, ce sont les points faibles qui lâchent les premiers. Ainsi, le Covid a-t-il révélé la pénurie de personnel médical. Cette pénurie est encore plus grave dans les maisons de retraite, qui recherchent désespérément du personnel.

Cyrille Louis – Le Figaro – 17 juin 2020

Prospective.fr

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