Prospective.fr – février 2019 – Edito

Prospective de la lorgnette

Tout dépend du point de vue.

Si l’on parcourt les rues de Paris et d’autres grandes villes de France et du monde développé, on voit de plus en plus de mendiants sur les trottoirs et l’on se dit que la pauvreté augmente. Si l’on regarde les courbes de Our World in Data (« Notre monde de données »), on se rend compte que la pauvreté dans le monde a énormément régressé en 40 ans. Les deux sont vrais : la pauvreté a diminué d’un côté et augmenté de l’autre.

Faut-il le rappeler, la faim et la misère ont accompagné l’humanité tout au long de son Histoire. Aujourd’hui, enfin, les choses sont peut-être en train de changer. La pauvreté diminue spectaculairement dans les pays en voie de développement. Ainsi, en 1980, la moitié de la population du globe vivait dans la plus extrême pauvreté, avec moins que le minimum vital (1,90$ par jour). En 2018, c’était 8,6%. Aujourd’hui la moitié de la population mondiale fait partie des classes moyennes ou riches. Chaque jour, 620 000 personnes de plus accèdent pour la première fois à l’Internet. L’illettrisme recule, les maladies aussi… Mais parce qu’ils sont graduels, continus et sans surprise, ces progrès ne font pas la une des journaux.

Une seule image pour se représenter les progrès accomplis : le banquier Nathan Rothschild, l’homme le plus riche de son époque, est mort en 1836 d’une infection qui aujourd’hui aurait été facilement soignée pour quelques centimes d’antibiotiques.

Cependant, nous sommes témoins d’un impensable paradoxe : c’est dans les pays développés que la pauvreté revient ! Une pauvreté relative, si on considère que, toutes choses égales par ailleurs, il vaut mieux être pauvre dans un environnement prospère que dans un contexte, tel qu’il en existe en Afrique, où tout le monde subit la pauvreté et avec elle la violence, l’absence de perspectives, une mortalité infantile en baisse, certes, mais toujours présente…

Et puis la réalité est beaucoup plus complexe que ce que nous pouvons déduire du spectacle de la rue ou des courbes statistiques. Car tout s’imbrique. Quand la pauvreté recule dans les pays où elle était au plus haut, en Chine et en Inde, la consommation d’énergie augmente, et avec elle la pollution. Et quand la pollution augmente, non seulement la planète est en danger, mais aussi la santé des personnes, comme en période de pauvreté.

Et puis, toutes ces problématiques requièrent un consensus des acteurs sur les moyens à employer. Et ces moyens sont très difficiles à définir puisque tout est lié, interactif et qu’il n’est guère de question dont le diagnostic et le traitement ne donnent lieu à débat entre nations, idéologies, intérêts…

Car, sur les remèdes eux-mêmes, tout est question de point de vue… autrement dit, de bout de lorgnette !

Hélène Braun

Pour consulter les courbes des données mondiales : https://ourworldindata.org

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