Les Libanais relisent assurément ces jours-ci Le livre de Job. Qui dira l’ampleur du malheur qui frappe leur pays !

Alors que 300 000 personnes ont dû fuir leur foyer, que presque tous les habitants ont été privés de revenus et sont obligés de survivre grâce à la soupe populaire. Ce pays, dont la gastronomie a longtemps fait la réputation vit maintenant sous le signe de la faim. Le pays importait 80% de ingrédients pour sa cuisine traditionnelle : les graines de sésame de la sauce tahini qui accompagnes falafels et poissons frits venaient du Soudan ; les pois chiches pour le houmous du Mexique ; les fèves de Grande-Bretagne et d’Australie. L’inflation explose. Les coupures d’électricité sont quotidiennes et l’hiver est proche.

Le Liban était un pays riche, prospère, célèbre pour sa place financière, son tourisme, sa mode… Son système éducatif secondaire et supérieur attirait des étudiants en provenance de partout. Le voilà qui retrouve la pauvreté et n’a d’autre recours, pour le moment, que le genre de vie de ses ancêtres.

Heureux, si l’on peut dire, ceux qui possèdent de la terre. Les plus chanceux sont ceux qui ont encore, dans la montagne, la maison de leurs aïeux, où ils réunissaient leur famille et passaient leurs vacances. Depuis longtemps, le jardin ou le pré restaient à l’abandon : à quoi bon se donner du mal, alors qu’on peut acheter tout ce dont on a besoin ?

De nos jours, ces lopins de terre sont une bénédiction pour leurs propriétaires. Ils y cultivent des légumes, y élèvent des poulets et des moutons, fabriquent du fromage. Ils nourrissent ainsi leurs proches et s’ils le peuvent vendent l’excédent pour se procurer quelques ressources. Ils ont appris ces métiers sur des tutoriels de YouTube. Tous ceux qui n’ont pas de terre, c’est-à-dire de loin les plus nombreux, en particulier les immigrés, les Syriens exilés, ne peuvent que subir…

Attention, le Liban c’est aussi nos racines, depuis Athènes jadis, peut-être créée par des Phéniciens, l’un des théâtres où s’est, au fil des siècles, déroulée l’histoire du monde, avec ses moments de gloire et ses nombreux drames. Ce qui s’y passe pourrait, si nous n’y prenons garde, préfigurer ce qui nous attend peut-être…

Vivian Yee – International New York Times – 8 septembre 2020

Prospective.fr

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