EDITORIAUX 2005
Juillet 2005
Paris, 10 millions d’habitants :
appel aux collectivités territoriales de province !

Pour les collectivités territoriales, il n’est pas juste que Paris et l’Ile-de-France se voient attribuer davantage de moyens que les autres. Elles n’oublient pas que, si longtemps, la capitale s’est adjugée la part du lion. Et elles s’inquiètent de trouver les ressources dont elles ont besoin et qu’elles sont rarement en mesure de mobiliser elles-mêmes.

La compétition pour les ressources a changé grâce à la régionalisation, qui a rendu possible un bien meilleur équilibre entre les régions et a donné leur chance à des métropoles régionales. Ainsi ont été réorientés des flux importants d’équipements, sans que l’Ile-de-France ait pour autant été réellement pénalisée.

Mais voilà que s’affirme un fait nouveau, qui se dessinait depuis des années : deux groupes sont en train de se différencier parmi les très grandes villes des pays développés. D’un côté, les mégapoles de commandement, peu nombreuses, vibrantes d’activités et de richesses, sièges interconnectés du pouvoir mondial de décision : New York, Londres, Shanghai, Tokyo… De l’autre… les autres, parmi lesquelles certaines se battent farouchement (Barcelone…) pour s’imposer dans cette compétition darwinienne. Celles qui se sentent distancées sont à la recherche d’une vocation spécifique en tant que métropoles régionales… redoutant d’être instrumentalisées par les mégapoles.

Et Paris ? Il s’agit évidemment de l’agglomération, avec ses 10 millions d’habitants. Aujourd’hui, le destin hésite, malgré des atouts et des performances remarquables. Le rythme de développement n’est pas satisfaisant et les indices d’un décalage croissant se multiplient dangereusement : trop peu de centres de décision de grandes entreprises, de savoir-faire financier, de métiers rares et hautement rémunérés, voire de lieux culturels contemporains. Et déjà se répand cette nouvelle vocation proposée : Paris devrait devenir la métropole de l’aire continentale de l’Europe… Il faut affirmer haut et fort que si Paris renonçait à se vouloir mégapole de commandement, c’est toute la France et l’Europe qui en seraient durablement blessées ! Comment pourrions-nous alors prétendre rester « branchés », demeurer l’un de ces générateurs qui façonnent désormais le monde ?

Il est possible de faire quelque chose : localement, déployer, tous acteurs réunis, la stratégie de développement de Paris. Actuellement cette stratégie n’existe pas, elle ne peut se confondre avec celle de la Région Ile-de-France, ni bien entendu avec celles des collectivités – Ville de Paris, autres communes, départements… – qui se partagent le territoire de l’agglomération. Paris est l’unique grande capitale sans véritable projet ! Et pour ce qu’on sait des travaux préparatoires au Schéma Directeur, ce n’est pas demain qu’il en ira autrement. Ne comptons pas sur un ressaut francilien pour sauver Paris.

Comptons par contre sur les collectivités territoriales de province. Elles ont réfléchi et s’efforcent de préparer leur avenir. La différence que nous établissons entre mégapoles de commandement et simples métropoles, elles en savent la signification. Elles savent que leur propre avenir est désormais interdépendant de l’existence d’une mégapole proche et amicale pour, à travers celle-ci, demeurer présentes en acteurs dans les échanges mondiaux. Elles savent enfin que si les métropoles n’ont pas grand-chose à leur apporter (elles sont prédatrices pour leurs environnements), les mégapoles, denses et hautes, travaillent en réseau et complémentarité avec régions, villes et milieux ruraux.

C’est pourquoi nous plaidons en faveur de « Paris, 10 millions d’habitants » : c’est la masse critique, le niveau qui permet de construire et de mettre en œuvre une stratégie de développement qui n’a que trop tardé !

C’est pourquoi, dans cette réconciliation historique née d’une intelligence partagée des réalités du XXIe siècle, en attendant le jour où l’Ile-de-France s’éveillera… – nous plaidons pour que l’enjeu de « Paris, mégapole mondiale » soit porté par les régions, départements et villes de France.

Armand Braun

Print Friendly, PDF & Email