EDITORIAUX 2005
Octobre 2005
Prospective de la mobilité en Ile-de-France

Déjà victimes, dans une économie en stagnation, des problèmes de logement, les Franciliens subissent désormais aussi la hausse rapide des dépenses de transport, devenues (15 % du budget familial moyen en 2004) le poste de dépenses le plus élevé après le logement, devant l’alimentation, sans parler du chauffage. Et cela devrait encore s’aggraver dans les années à venir.

Comment favoriser la mobilité tout en stabilisant les dépenses des particuliers ? Comment promouvoir les transports publics pour pallier les problèmes de l’automobile ? Les idées actuellement avancées ne nous convainquent pas. Beaucoup d’utilisateurs – salariés en premier lieu – ne se conformeront ni aux exhortations des Pouvoirs publics, ni à d’éventuelles mesures autoritaires : les contraintes auxquelles ils sont soumis ne le leur permettraient pas. Et il n’y a pas lieu de mettre en cause des investissements publics qui, depuis des décennies, sont considérables. Certes, des retards manifestes sont regrettables – notamment dans la mise en place du réseau ferré régional Orbitale – mais l’équipement existant, routier et même ferré, est remarquable.

Le contexte de crise imposera des innovations. Toutes les propositions ne seront pas pertinentes. Nous croyons en la valeur de celle-ci : dans la mobilité globale des Franciliens, la part du transport public ne représente que 12 % pour les réseaux ferrés, 1 % pour les bus ; ces proportions très inadéquates pourraient être augmentées, assez rapidement et sans investissements lourds si la coordination dans les zones périurbaines entre les territoires et les réseaux ferrés de la SNCF et de la RATP était mieux assurée.

En pratique, on le sait, l’habitat et l’emploi périurbains, en se dispersant, se déconnectent largement de réseaux ferrés rapides et sûrs (sinon confortables). Du coup, l’accessibilité aux territoires non desservis et leur intégration à la mobilité globale ne peuvent se faire que par la voiture. Les réseaux ferrés, malgré l’importance de leur trafic, restent en sous capacité.

Cette mise en relation des territoires déconnectés avec les réseaux ferrés est à la fois le lieu des problèmes et le lieu des solutions. Les réseaux de bus qui relient ces territoires aux réseaux ferrés étant très insuffisants, tant en termes de circuits que de fréquence, il s’agirait…

… de laisser se créer, à l’initiative des acteurs reconnus mais aussi de nouveaux entrepreneurs, à partir des besoins du terrain, de nouvelles lignes de bus d’intérêt local ; le besoin de ces nouvelles lignes a été mis en valeur, dans le cadre des bassins de déplacements, par la dernière Enquête générale transport (EGT).

… et, pour que les nouvelles lignes puissent circuler et bénéficier de priorités, d’organiser, dans le cadre d’agences partenariales de mobilité, la coopération entre les collectivités publiques et les entreprises ; ces dernières sont désormais les porte-parole de leurs salariés, fournisseurs et clients dans le domaine de la mobilité ; et il restera du ressort de la puissance publique de poursuivre son rôle de régulateur, prescripteur et financeur.

Cette approche consistant, comme en hydrographie, à alimenter les fleuves par d’innombrables rivières et ruisseaux, pourrait être rapidement efficace. Elle s’inscrirait par ailleurs dans le cadre des recommandations de l’Union européenne.

Aujourd’hui, les évolutions induisent un processus d’implosion sociale et territoriale qui, s’il s’exprime encore peu, est pourtant potentiellement massif et redoutable ; l’accès facile de tous les territoires aux réseaux ferrés est peut-être l’unique manière de conjurer cette menace.

Est-il déraisonnable de proposer qu’ainsi les réseaux ferrés puissent retrouver leur rôle originel, qui s’est progressivement séparé de l’évolution de l’habitat et du travail ; et que leur part dans la mobilité en Ile-de-France atteigne des proportions plus appropriées aux besoins, de l’ordre de 25 à 30 % ?

Armand Braun

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