EDITORIAUX 2005
Mai 2005
Un regard prospectif sur la société française :
« A l’écoute des gens ordinaires »…

Nous consacrons cet éditorial à une rencontre avec Alain de Vulpian, sociologue, co-fondateur de la COFREMCA, auteur d’un ouvrage* consacré à l’observation de la société française dont nous avons remarqué la dimension prospective.

Se référant notamment aux travaux, dès les années 1950, de David Riesman (La foule solitaire) et de Norbert Elias, qui a décrit le passage de la société féodale à la société moderne, Alain de Vulpian souligne l’extraordinaire niveau de complexité atteint par notre société. D’un côté, « changement des gens, du tissu social, de la technologie, de la gouvernance, tout cela est interactif et fait système ». De l’autre, « un étonnant processus d’intégration des technologies, de moins en moins un monde à part », comme le montrent par exemple l’extraordinaire développement de la musique ou l’apparition de véritables tribus musicales : techno, rap… et demain, les nouveaux usages du téléphone portable amplifieront encore cette évolution.

Nous passons d’une société hiérarchisée et massive à une société ouverte qui s’auto organise, où se déroule un chassé-croisé entre ce qui reste de pouvoir hiérarchique et les nouvelles manières d’être des gens ordinaires.

C’est l’émergence de la personne autonome, responsable d’elle-même, en quête du genre de vie qui lui convient, adepte du networking. Il semble bien que nous soyons sur le chemin d’une meilleure intégration entre les dimensions sensorielle, émotionnelle et intellectuelle du cerveau.

Les organisations, quelle que soit leur taille, sont conduites à développer de nouvelles interactions entre le sujet et le système, à accompagner l’alignement du formel sur l’informel. Certaines sont plus avancées que d’autres : on n’aurait pas attendu ici l’Union européenne, réputée bureaucratique et qui pourtant, en ce moment, donne un assez bon exemple dans le domaine de la prise de décision complexe.

C’est peut-être dans l’entreprise que ce passage s’effectue le plus difficilement. Encore très marquée par le modèle antérieur, soumise à une compétition intense et désormais mondiale, parfois en difficulté sur le front de l’innovation, l’entreprise est exposée au danger d’un double décalage : dans ses relations avec ses environnements extérieurs d’un côté, avec les salariés, dont elle a du mal à tirer parti de l’énergie latente, de l’autre.

Envisageant ensemble ces différentes données, Alain de Vulpian évoque la montée d’une nouvelle morale, le caractère essentiel de la gouvernance, voire le commencement d’une nouvelle phase, marquée par l’auto organisation, de l’histoire humaine. C’est effectivement d’un commencement qu’il s’agit, avec dans la société le thème de la gouvernance afin que les sociétés de citoyens ne se transforment pas en sociétés de tribus, dans l’entreprise la nécessité d’une réflexion renouvelée, car l’entreprise est l’un des creusets essentiels, par la création de richesses, du monde en transformation.

Armand Braun

* A l’écoute des gens ordinaires ; comment ils transforment le monde, Alain de Vulpian – Editions Dunod.

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