Prospective.fr – Octobre 2014 – Edito

Prospective de l’Europe. Pour mémoire …

Depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, la carte de l’Europe occidentale est restée la même. Mais l’impression répandue de son caractère historique et immuable est aujourd’hui mise en cause par ce qui se passe un peu partout. La sécession écossaise n’a finalement pas eu lieu mais nous ne pouvons savoir ce qui se passera en Espagne, où le prochain test se déroulera en Catalogne. Il y en aura d’autres. En France même, qui sait quels vieux démons va réveiller la réforme régionale ?

Il faut rappeler que cette carte de l’Europe a été entièrement différente hier de ce qu’elle est aujourd’hui. Parmi cent exemples, j’évoque la Lotharingie, créée après la mort de Charlemagne. Entre la France et la Germanie, elle s’étendait de la Mer du Nord jusqu’aux abords de la Suisse. Quoique très ancienne, son souvenir demeure dans les régions concernées.

Il faut remarquer aussi que des esprits distingués élaborent actuellement des scénarios entièrement différents. Ils ont compris que détricoter les nations, c’est préparer la réapparition des empires. Ainsi, l’historien britannique Niall Ferguson a-t-il, en 2011, imaginé une Europe entièrement reconfigurée dès 2021, avec Vienne pour capitale et pour président un descendant Habsbourg.

L’Histoire, c’est évident, ne repassera pas les plats. « Jamais plus cela », cette expression qui a fait l’unanimité après les deux guerres et qui est à l’origine de la construction européenne, n’est pas complètement oubliée. Par ailleurs, ce sera désormais aux électeurs de prendre les décisions qui relevaient dans le passé de la fortune des armes. (Espérons que ce qui se passe en Ukraine orientale est une exception et non un recommencement.)

Le péril, c’est l’inquiétude ambiante. Après 1945, toute l’Europe a vécu et s’est épanouie sous le signe de l’espoir. Aujourd’hui, tout a changé. Nous ne sommes plus seuls : les Etats-Unis, la Russie, la Chine, même le Qatar ont plus que leur mot à dire à propos de notre avenir. Nous sommes pour la plupart endettés au-delà de toute perspective de redressement avant longtemps : en politique comme ailleurs, la parole du débiteur a moins de force que celle du créancier. Nos projets de rétablissement de l’autorité de l’Europe dans le monde font tristement sourire un peu partout.

Et pourtant nous avons tant d’atouts ! Ceux que nous continuons de développer : les compétences, la qualité de nos industries et de nos équipements … Et ceux que la révolution de l’information nous offrent.

C’est le moment ou jamais de se rappeler, pour enfin en tirer l’enseignement, ce mot bien connu de Hölderlin :  » Plus proche le danger, plus grand le pouvoir de sauver. « 

Armand Braun

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