Prospective.fr – Décembre 2015 – Edito
« Là où je me sens bien… »

L’Europe redécouvre les migrations qui ont, à tant d’époques, façonné son histoire. Des vagues successives, en provenance surtout du Moyen-Orient et d’Afrique, nous arrivent ou attendent que nous leur ouvrions les frontières. Ce ne devrait pas être une surprise, et pourtant c’en est une. Et nous avons toutes les raisons de craindre que le mouvement ne se poursuive et ne s’amplifie. La plupart de ces migrants ne sont porteurs d’aucune compétence.

En même temps, l’Europe continue de subir l’émigration de sa jeunesse qualifiée. Celle-ci s’en va chercher fortune ailleurs, sur un marché du travail désormais mondial qui s’appuie sur un fonctionnement en réseau de plus en plus performant. La demande est immense. Ainsi, même la Chine subit maintenant des pénuries de personnel qualifié ! Dans certains cas, ces jeunes accompagnent des entreprises européennes qui prennent elles aussi le chemin de l’expatriation.

En regard de ce paysage mélancolique, la volonté de vivre et la fidélité à l’histoire des Européens devraient nous encourager à agir avec la clairvoyance et le courage qui nous ont tant manqué ces dernières années. Car tout n’est pas perdu.

D’abord, nous vieillissons, mais d’autres aussi. Le ratio actifs/retraités va se dégrader partout, sauf en Afrique évidemment, en Inde et en Indonésie. La croissance de la population mondiale est tombée à environ 1,25 % et déclinera encore jusqu’à 0,75 % d’ici à 2040. Dans les économies avancées, elle est actuellement de 0,5 % et pourrait tomber autour de 0 vers 2040.

Ensuite, nous devrions être capables de rétablir nous-mêmes le rapport économique et politique entre jeunes et vieux dans nos pays : entre le souci de sécurité et l’esprit de création, les ressources devraient être mieux partagées. Il faudra beaucoup d’efforts – et l’appui de ceux parmi les retraités qui sont pourvus de sens civique – pour que les jeunes soient mieux écoutés et les nouveaux arrivants mieux intégrés.

Enfin, nous avons des atouts, notamment scientifiques et technologiques, créons enfin les conditions de leur pleine réussite. Le progrès éducatif est aujourd’hui extraordinairement rapide… ailleurs. Il met à terre les institutions qui ne savent pas l’accompagner. Partout surgissent de nouveaux acteurs, de nouvelles pratiques. L’intégration de l’éducation et de la formation à la vie de travail est acquise dans beaucoup de domaines. Nous devrions nous fixer pour objectif de rester et de devenir une destination recherchée pour les plus dynamiques et les plus capables.

Mais comment ne pas comprendre ceux qui changent de pays, se référant sans le savoir à l’ancien adage : Ubi bene, ibi patria , « là où je me sens bien, là est ma patrie ».

Armand Braun

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