Prospective.fr – Février 2017 – Edito
Le bien, le souhaitable, le vrai

Le WWF souhaite faire de la forêt camerounaise une zone naturelle protégée. C’est évidemment une excellente idée. Il n’y a qu’un problème : cette zone forestière a des habitants, des tribus de Pygmées. Pour faire place nette, les brigades anti-braconnage du WWF les harcelleraient, les brutaliseraient,  les chasseraient…

Les Etats européens développent des projets d’équipement. Evoquons la Grande-Bretagne  pour ne pas parler de la France : elle a décidé de créer en milieu rural des villes nouvelles destinées à aider à faire face à l’augmentation de la population (soixante cinq millions aujourd’hui, soixante dix millions dans dix ans). Problème : les populations locales n’en veulent pas. D’où des contentieux qui peuvent se prolonger indéfiniment et qui prennent un tour violent.

De grandes métropoles ont le souci de lutter contre la pollution et de préserver le genre de vie de leurs habitants. Londres a été la première, les villes françaises suivent.  Chacune à sa manière, elles rétablissent les octrois abolis en France par la Révolution : alors, ce sont les biens qui étaient taxés, aujourd’hui, c’est le travail. Les habitants de la périphérie, (cinq à six fois plus nombreux que ceux de la cité même), et notamment les plus pauvres,  sont accablés par l’affront quotidien qu’ils subissent de la part de systèmes de transport public à la fois dépassés et ambitieux.

Où sont le bien, le souhaitable, le vrai ?

Chaque partie se dit sincère, démocrate, témoigne de ses bonnes intentions, mais n’agit que dans son propre intérêt. Les autres, et plus particulièrement les personnes, n’ont qu’à suivre et s’adapter. Le Droit n’intéresse que ceux auxquels il est favorable et les juges sont contraints par la complication des dossiers et les arguties à reporter leurs décisions en un temps où il y aura fait accompli.

Dans ces conditions, les situations conflictuelles se multiplient, avec des protagonistes de plus en plus nombreux, à propos de toutes sortes de sujets, dans tous les contextes. Durcissement, violence parfois, se généralisent. On retrouve, sous les habillages les plus variés, le bon vieux rapport de force, assaisonné de cynisme, que nous pensions avoir quelque peu écarté. Et la capacité d’action et de médiation des Pouvoirs publics se réduit à la mesure de leur capacité de financement et de la profusion règlementaire.

Il devient souvent préférable de ne rien faire, de se résigner à sacrifier l’avenir.  La concertation et la recherche du consensus sont en recul, des thèmes aussi essentiels que la confiance et la coopération sont mis en doute.

Ce tableau est peut-être simpliste. Peut-être certains sauront-ils faire la part du bien, du souhaitable et du vrai. Je leur serais reconnaissant de m’en informer. Plus modestement, ce serait déjà très bien si chaque partie admettait qu’elle n’en a pas le monopole. L’art de régler les conflits n’est-il pas l’un des fondements de la civilisation ?

Armand Braun

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