Prospective.fr – Janvier 2017 – Edito
Science et controverse

Alors que Louis Pasteur (1822-1895) inventait la vaccination contre la rage, il reçut cette lettre d’une certaine Mme Huot, secrétaire de la Ligue Populaire contre la Vivisection : « Nous sommes prêts, mon fils et moi, à nous faire mordre en votre présence par n’importe quel animal enragé de votre laboratoire ; nous soignerons nous-mêmes nos blessures, sans avoir recours à votre ministère. »

Ignace Semmelweis (1818-1865), obstétricien hongrois, fit scandale et s’attira beaucoup d’ennuis en exigeant des médecins qu’ils se lavent les mains avant de procéder à un accouchement, en particulier lorsqu’ils avaient auparavant pratiqué une autopsie… pour essayer de comprendre la cause de la fièvre puerpérale qui décimait à l’époque les femmes en couche. Il avait observé que les parturientes assistées par une sage-femme qui, elle, ne touchait pas aux cadavres, tombaient plus rarement malades.

De nos jours, les avancées de la science et de la technologie sont, plus que jamais, un domaine d’élection pour des controverses passionnées et farouches qui trouvent dans les réseaux sociaux un média dont aurait rêvé Mme Huot. La vaccination, la vivisection, la souffrance animale font de nouveau débat, et d’autres sujets surgissent. Il y a les domaines comme la diététique ou la médecine où chacun est certain de détenir une compétence, avec l’appui de sites dédiés ; ceux où chacun affirme une opinion, alors même qu’il avoue n’y rien connaître (OGM, manipulations génétiques…) ; d’autre encore… Tous ces thèmes enflamment les esprits, occupent les médias, donnent lieu à des pétitions sur la Toile et font les beaux soirs du Café du Commerce.

Comment gérer les phénomènes d’opinion publique, être à la fois à l’écoute et distancié ? Comment éviter que les bonnes intentions et les bons sentiments ne justifient l’irresponsabilité, que les thématiques à la mode ne prennent la place de la recherche de la réalité et n’interprètent les notions fondatrices de bien et de mal qu’en fonction des passions d’une personne ou des calculs d’un groupe ? Quand toute parole a la même valeur, reste-t-il une place pour la reconnaissance de la compétence et la vérité des faits ? Comment accueillir avec tolérance ce qui surgit, même quand nous ne le comprenons pas encore ? Ce sont là quelques-unes des questions de fond qui se posent aujourd’hui et se poseront de manière encore plus aiguë demain.

Hélène Braun

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