Prospective.fr – juillet  août 2016 – Edito
Après le Brexit

« Une autre coalition multinationale de peuples fort divers, avec un gouvernement central,
est mieux conçue que l’Union européenne, c’est la République indienne ».
Charles Stewart

Bavardages et brouhaha occupent les pensées et les antennes au lendemain du Brexit. Nous savons bien que les contemporains se trompent toujours et que seul l’avenir révèlera le sens profond de cet événement.

Que l’on nous permette de prendre le risque d’esquisser des hypothèses.

La mondialisation se poursuivra en dépit des efforts des politiques pour la contrer. Les réseaux sociaux, les échanges économiques et culturels, les mouvements de populations sont des expressions d’une dynamique irréversible. Ceux-là même qui sont aujourd’hui opposés à la mondialisation changeront d’avis quand sera réinstallé le vieil attirail des Etats : frontières, douane, contrôle d’Internet, etc. Observons dès maintenant les inquiétudes des Ecossais et des Irlandais du Nord.

Ce sont les habitants des régions pauvres de l’Angleterre, principaux bénéficiaires de l’Europe Unie, qui ont voté pour le Brexit. Le Brexit aggravera encore leur situation puisque leur Etat national s’appauvrira avec elles. Par contre, pour les métropoles où se concentre de plus en plus la richesse, on se rendra bientôt compte que cet événement est loin d’avoir la portée qu’on lui attribue. Les Etats ne mesurent pas à quel point leur conception du monde est en décalage avec la réalité.

Il faut réfléchir à la critique majeure faite à Bruxelles. Elle ne porte pas sur l’intégration européenne mais sur la bureaucratie. Or, cette bureaucratie n’est pas une donnée constitutive de la construction européenne : elle ne s’est déployée qu’à partir du moment où Jacques Delors est devenu en 1985 le président de la Commission européenne jusqu’en 1995. Ce remarquable homme d’Etat apportait avec lui la social-démocratie, alors à l’honneur dans plusieurs pays européens, conforme à l’esprit de ce temps et à la culture des fonctionnaires européens.

Dès cette époque, certains se sont opposés à son action par crainte d’une inflation bureaucratique. Mais comment résister à des intentions si pures, acclamées par les bons esprits de l’époque ? Nous n’y sommes pas allés voir, mais il serait intéressant de comparer la surface des bureaux des institutions européennes avant 1985 et après 1995.

Dans ce cas, peut-être les causes du Brexit ne seraient-elles pas politiques. Le vrai péril serait la bureaucratie. Quoiqu’on en pense par ailleurs, le Brexit va imposer une fracture, la première, dans cette « banquise ». Après le départ de la Grande-Bretagne, d’autres Nations poursuivront ce combat. L’Union européenne sortira renforcée de l’épreuve si, capable de s’élever au-dessus des dossiers du jour, elle sait en revenir à sa vocation politique, unificatrice et inspirante, celle que lui assignaient dans ses débuts ses Pères fondateurs.

Si cet objectif était atteint, le Brexit finirait par être une bonne nouvelle pour l’Europe.

Armand Braun

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