Prospective - Edito : Le bien, le souhaitable, le vrai

Le WWF souhaite faire de la forêt camerounaise une zone naturelle protégée. C’est évidemment une excellente idée. Il n’y a qu’un problème : cette zone forestière a des habitants, des tribus de Pygmées. Pour faire place nette, les brigades anti-braconnage du WWF les harcelleraient, les brutaliseraient,  les chasseraient…

Les Etats européens développent des projets d’équipement. Evoquons la Grande-Bretagne  pour ne pas parler de la France : elle a décidé de créer en milieu rural des villes nouvelles destinées à aider à faire face à l’augmentation de la population (soixante cinq millions aujourd’hui, soixante dix millions dans dix ans). Problème : les populations locales n’en veulent pas. D’où des contentieux qui peuvent se prolonger indéfiniment et qui prennent un tour violent.

De grandes métropoles ont le souci de lutter contre la pollution et de préserver le genre de vie de leurs habitants. Londres a été la première, les villes françaises suivent.  Chacune à sa manière, elles rétablissent les octrois abolis en France par la Révolution : alors, ce sont les biens qui étaient taxés, aujourd'hui, c’est le travail. Les habitants de la périphérie, (cinq à six fois plus nombreux que ceux de la cité même), et notamment les plus pauvres,  sont accablés par l’affront quotidien qu’ils subissent de la part de systèmes de transport public à la fois dépassés et ambitieux.

Où sont le bien, le souhaitable, le vrai ?

Chaque partie se dit sincère, démocrate, témoigne de ses bonnes intentions, mais n’agit que dans son propre intérêt. Les autres, et plus particulièrement les personnes, n’ont qu’à suivre et s’adapter. Le Droit n’intéresse que ceux auxquels il est favorable et les juges sont contraints par la complication des dossiers et les arguties à reporter leurs décisions en un temps où il y aura fait accompli.

Dans ces conditions, les situations conflictuelles se multiplient, avec des protagonistes de plus en plus nombreux, à propos de toutes sortes de sujets, dans tous les contextes. Durcissement, violence parfois, se généralisent. On retrouve, sous les habillages les plus variés, le bon vieux rapport de force, assaisonné de cynisme, que nous pensions avoir quelque peu écarté. Et la capacité d’action et de médiation des Pouvoirs publics se réduit à la mesure de leur capacité de financement et de la profusion règlementaire.

Il devient souvent préférable de ne rien faire, de se résigner à sacrifier l’avenir.  La concertation et la recherche du consensus sont en recul, des thèmes aussi essentiels que la confiance et la coopération sont mis en doute.

Ce tableau est peut-être simpliste. Peut-être certains sauront-ils faire la part du bien, du souhaitable et du vrai. Je leur serais reconnaissant de m’en informer. Plus modestement, ce serait déjà très bien si chaque partie admettait qu’elle n’en a pas le monopole. L’art de régler les conflits n’est-il pas l’un des fondements de la civilisation ?

Armand Braun

Si peu d’enfants à San-Francisco !

San Francisco est, on le sait, une ville florissante, l’une de celles où se loger coûte le plus cher. Tout y contribue. Sa beauté, son climat, le prestige de son histoire et de son image sont depuis longtemps de formidables attracteurs. Le cinéma en a tiré parti, renforçant encore son rayonnement. Et, depuis quelques dizaines d’années, San Francisco est aussi l’une des capitales, la plus importante, de la Silicone Valley, siège d’entreprises renommées (Google, Twitter, etc.), de nombreuses start-up et attracteur d’une nombreuse population très qualifiée et très bien rémunérée.

Problème : cette nouvelle population, dont l’âge se situe entre 22 et 35 ans, est très concentrée sur son travail et ne fonde pas de famille. Tout est trop cher : « Si vous ne disposez pas au départ d’au moins 1 million de dollars, vous avez intérêt à envisager de déménager », explique un jeune couple qui a décidé de fonder une famille. Les logements construits en quantité ces dernières années sont essentiellement des studios et des deux pièces, conçus pour des célibataires ou des couples sans enfant.

Avant le boom technologique, les rues et les parcs étaient pleins d’enfants. Aujourd'hui la ville compte 865.000 habitants et seulement 120.000 enfants … autant que de chiens ! Et, fort heureusement, les immigrés qui s’entassent dans les faubourgs ont encore un fort taux de natalité.

Les jeunes de moins de 18 ans comptent pour 13% de la population, contre 21% à New-York et 23% à Chicago, villes où la vie est aussi chère. Les enfants n’ont tout simplement pas leur place à San Francisco.

La municipalité fait ce qu’elle peut. Elle favorise l’installation d’autres classes d’âges : « vous ne rencontrez ici que des gens qui sont exactement comme vous. » Elle investit lourdement dans la création d’espaces de jeux et de jardins publics. Elle exige des entreprises installées sur son territoire d’accorder six semaines de vacances dans l’année à leur personnel.

Thomas Fuller – International New York Times – 27 janvier 2017

Mésaventures d’un élevage en plein air

Bientôt, on ne trouvera plus dans le commerce des œufs de poules élevées en batterie. Et le nec plus ultra, ce sont les œufs de poules élevées en plein air. Mais les meilleures des intentions peuvent parfois entraîner des conséquences initialement inconcevables. 

En 2010, Will Harris, propriétaire d’une immense ferme dans le sud des Etats-Unis, qui comptait déjà de nombreuses vaches, moutons et chèvres, est devenu aussi éleveur de volailles. Des milliers de poulets, de dindes, de canards, d’oies et de pintades se mirent à courir sur son domaine, grattant la terre, se perchant sur les arbustes, fertilisant les prés.

Quand, l’année suivante, il vit apparaître sur un arbre, le premier pygargue à tête blanche, il s’en réjouit d’abord. Il savait, comme tous les Américains, que le pygargue à tête blanche ou « aigle chauve » a été choisi par Thomas Jefferson comme emblème de la nation. Et, avec son âme d’écologiste, Will Harris savait que les prédateurs  - loups, cougars… - contribuent à l’équilibre naturel et se disait que le pygargue jouerait le même rôle.
Mais bientôt, les pygargues furent nombreux comme des décorations de Noël sur les arbres. Bien entendu, ils étaient là pour se nourrir de jeunes volailles à point.

Or le pygargue à tête blanche est une espèce protégée. Sa population a été fortement réduite au temps du DDT, jusqu’à ce qu’il soit interdit en 1973.  Il a fallu prendre des mesures énergiques pour la sauver. A partir de 1979, on a relâché dans la nature des pygargues élevés en captivité et la population s’est peu à peu reconstituée. Aujourd'hui il est interdit d’un tuer un seul.

Que faire ? On a tout essayé dans cette ferme.

On les a laissés prélever leur part, en espérant que rassasiés ils s’en contenteraient. Mais du coup ils se sont enhardis, sont venus encore plus nombreux, la ferme est devenue leur restaurant…

On a essayé les filets de protection. Les pygargues ont vite appris à se faufiler en dessous. Et un seul immense filet est inenvisageable sur une si vaste surface.

Les chiens ne peuvent rien contre les oiseaux.

Tentative autorisée : effrayer les oiseaux  avec des feux d’artifice, des épouvantails et autres pistolets d’alarme... Mais pour de faire, il faudrait obtenir un permis… et il n’est pas possible de le faire à cette échelle et en permanence.

Les autres éleveurs, lui rétorque-t-on, n’ont pas ce problème : leurs volailles vivent à l’abri, dans des hangars. Ce qui avait été jugé immoral s’est soudain retrouvé en solution. En son temps, un autre héros de l’Histoire américaine, Benjamin Franklin, avait dit : « Je regrette que l’Amérique ait choisi pour emblème cet oiseau immoral, qui gagne sa vie de manière malhonnête. »

Et cette histoire devrait intéresser, parmi d’autres, les éleveurs de moutons confrontés au loup.

Wyatt Williams – International New York Times – 25 janvier 2017

Néandertal est en nous !

Jusqu’à une époque très récente, traiter quelqu’un de Néandertalien était une insulte. Depuis, nous sommes obligés de reconnaître qu’ils font partie de nos ancêtres. Il y a environ 50 000 ans, lorsque certains de nos ancêtres africains sont venus en Eurasie, ils ont rencontré l’homme de Néandertal qui y était déjà présent. Il y eut des unions entre eux. L’homme de Néandertal a disparu mais il en reste des traces dans l’ADN de l’homme moderne.

A partir de cette constatation, le généticien américain John Anthony Capra s’est demandé quel rôle spécifique pouvait jouer cet ADN dans notre génome et comment il pouvait plus particulièrement  influencer notre santé. Des tests génétiques effectués sur des échantillons de sang de 28 000 patients et affinés par l’outil informatique  ont permis de mettre en évidence plusieurs données étonnantes.

En effet, l’ADN de Néandertal affecterait notre système immunitaire.

Dans le bilan approfondi qu’il devient possible d’établir, on trouve entre autres la tendance du sang à coaguler rapidement. Jadis, elle a aidé les chasseurs préhistoriques à hâter la cicatrisation des blessures.  Elle signifie aujourd'hui un plus grand risque de complications cardiaques et de problèmes durant les grossesses.

L’ADN de Néandertal a aussi un lien étrange avec la tendance  à la dépression. Selon  sa localisation dans le génome, il l’augmente ou la diminue.

Enfin, il joue un rôle dans l’addiction au tabac. Comment cela peut-il s’expliquer ? Il n’y avait à l’époque ni tabac, ni cigarettes ! C’est peut-être parce qu’il y a une fraction d’ADN de Néandertal tout près du gène qui est un neurotransmetteur impliqué dans le risque d’addiction en général. Et cet ADN fonctionnerait comme un interrupteur qui allume ou éteint des gènes.

Claudia Dreifus – International New York Times – 25 janvier 2017

La Tour de Babel va-t-elle s’écrouler?

Bientôt, il sera possible de traduire instantanément toutes les langues. Nous le devons à la convergence de la reconnaissance vocale et des moteurs neuronaux de traduction. Ces derniers  façonnent une intelligence artificielle « neuronale », proche du fonctionnement d’un cerveau humain, qui intègre la complexité d’une langue mieux qu’une personne non native.

L’aboutissement de ces technologies va aboutir à des outils de traduction instantanée de qualité irréprochable dans les cinq prochaines années. Le pidgin English ou anglais simplifié (moins de 2.000 mots maîtrisés par un non-natif contre 20.000 par un natif) ne sera plus la langue du commerce et le vecteur de l’échange. Deux interlocuteurs pourront utiliser les nuances de leur propre langue, quelle qu’elle soit. Les négociations commerciales et diplomatiques se feront sans intermédiaire et les « partenaires » parleront le même langage. L’apprentissage d’une langue étrangère se fera par envie de découvrir plutôt que par nécessité. Voilà une conséquence inattendue de la révolution numérique : la disparition de l’hégémonie de l’anglais.

Nous devinons votre première réaction : « ce n’est pas pour ça qu’il n’y aura plus d’erreur. » Et vous aurez raison… momentanément. Nous allons très vite vers un renouvellement profond de la communication linguistique. Espérons que les étudiants, les enseignants  et les professionnels concernés sont non seulement au courant mais qu’ils s’en occupent !

Bruno Bonnell – Les Echos – 10 janvier 2017
Prospective.fr

En quête de l’abeille parfaite

Tout le monde est au courant, les abeilles sont en danger d’extinction. En 1916, la récolte française de miel a été inférieure de 70% à celle de l’année précédente. Les chercheurs sont à l’œuvre dans le monde entier, et plus particulièrement en France. Près de 500 colonies d’abeilles ont déjà été analysées pour repérer lesquelles pourraient survivre à la catastrophe. Mais comment dénicher une espèce aux performances universelles et résistante    aux maladies et aux prédateurs qui sévissent en ce moment ? Se fondant sur le résultat d’études épidémiologiques qui ont montré cette difficulté,  certains apiculteurs ironisent : « c’est comme trouver des moutons résistants au loup.»

Quelques données illustrent la complexité de la situation : il faut de 20.000 à 100.000 voyages à une abeille pour ramener 1 litre de nectar, autrement dit 5,5 millions de fleurs pour fabriquer 1 kilo de miel ; 20.000 plantes à fleurs et à fruits sont pollinisées par les abeilles ; selon l’INRA, 35% de la quantité de notre alimentation et 65% de sa diversité en dépendent.

D’autre part, avoir une seule sorte d’abeille « parfaite » partout, c’est aggraver les risques. Par exemple, c’est l’exportation d’une espèce d’abeille qui est à l’origine de la pandémie planétaire de la maladie des ailes déformées. Les abeilles locales issues de programmes de conservation survivent mieux que les autres, preuve de la nécessité de préserver la diversité des ressources génétiques agricoles. 

En ira-t-il de la pollinisation comme il en va ailleurs ? Remplacer les insectes pollinisateurs représente un marché potentiel considérable pour les nouvelles technologies. Google s’en occupe… Et, après 12 ans de recherches, une équipe de Harvard vient de présenter un drone de 80 mg, qui vole grâce à de minuscules ailes bougeant au rythme de 100 battements par seconde et qui se pose seul sur des objets guidés par l’électricité statique. Ce robot pourrait être capable de polliniser d’ici à 10 ans.

Nous sommes bien en route vers le « meilleur des mondes »…

Paul Molga – Les Echos – 9 janvier 2017

Rencontre du troisième type … au fond des océans

La rencontre avec des « aliens » est un thème essentiel de la science-fiction. C’est elle qui, par exemple, a fait le succès de E.T., le film de Steven Spielberg en 1982. Le thème en était l’arrivée sur Terre d’un être doué d’une sensibilité et d’une intelligence différentes des nôtres. Et le grand moment a été celui où l’enfant et l’alien ont perçu réciproquement la même étincelle dans leurs yeux. C’est cet effet qu’a vécu Peter Godfrey-Smith, philosophe et plongeur, en se trouvant face à face avec des pieuvres au large de l’Australie.

Est-il nécessaire de le rappeler, une pieuvre n’a rien à voir avec un être humain : elle a un corps mou qui peut se déformer pour se glisser un peu partout ; elle a trois cœurs ; ses bras multiples sont aussi autant de bouches et … autant de cerveaux ! Ou plus exactement, les neurones sont distribués de telle sorte dans son corps que son cerveau est partout.

Les pieuvres pensent, prennent des décisions. Elles ont chacune leur caractère. Il en est de timides, de hardies, de joyeuses, de joueuses… Chacune semble avoir son opinion et ses préférences.

La pieuvre communique avec l’homme. Un plongeur lui tend la main et le doigt ; elle déplie doucement son tentacule pour le goûter tandis qu’un grand œil le regarde, le « prend par la main » pour l’emmener vers son antre.

Elles font la différence entre des hommes habillés de la même manière, elles s’attachent à certains, en agressent d’autres avec des jets d’eau.

Elles semblent s’intéresser à nous… un peu comme nous nous intéressons aux aliens.

Peter Godfrey-Smith – “Other Minds : The Octopus, the Sea and the Deep Origins of Consciousness” (Ed. Farrar, Strauss & Giroux)

Carl Safina, auteur de “Beyond Words: What Animals Think and Feel” – International New York Times – 4 janvier 2017

Respirer !

La prochaine bataille environnementale mondiale sera celle de « l’air potable ». Aujourd'hui déjà, selon l’OMS, 80% des populations urbaines respirent un air pollué et les grands groupes qui gèrent ces mégalopoles vont devoir intégrer les problématiques de qualité de l’air dans leur action.

La pollution de l’air serait responsable chaque année dans le monde de 7 millions de décès prématurés. En France, ce sont 48.000 décès dus aux particules fines, soit 9% de la mortalité selon l’Agence Santé Publique France. Sans parler des dernières découvertes scientifiques qui lient pollution de l’air et maladies neurodégénératives comme Alzheimer ou Parkinson.

Un rapport du Sénat de juillet 2015 estime son coût au double du coût du tabac. A terme, ce phénomène pourrait coûter en 2060 1% du PIB mondial.

Pour relever ce défi, il faut changer de paradigme et penser l’air comme une ressource, une infrastructure, au même titre que l’eau et l’intégrer en amont de toutes les réflexions sur la ville de demain. Ce qui signifie s’inscrire dans une vision globale, faire adhérer les populations et évoluer les organisations.

Les chantiers sont immenses et très intéressants : mutations industrielles, co-working, mobilité, agriculture en ville…

Dans cette bataille de l’air potable, l’expertise française n’est plus à démontrer. Un appel a été lancé pour pousser les entreprises à faire émerger un modèle français de la gestion de l’air aussi performant que celui de la gestion de l’eau.

Thomas Kerting et Mathilde Lorenzi, co-auteurs de « La Bataille de l’air » (Ed Descartes, 2015)  – Les Echos – 30 décembre 2016

Docteur Tarzan et Mister Chloroforme

L’idée de cette brève nous est venue en remarquant qu’un journaliste australien portait le noble prénom d’Odysseus, c'est à dire Ulysse. Au même moment nous avons trouvé ce compte-rendu par un journaliste allemand de son plus récent voyage en Chine. « Quand je suis arrivé au restaurant, ma commande a été prise par Sky, qui m’a aussi apporté de la salade et de l’eau. C’est Melody qui a servi le café. Et quand j’ai demandé l’addition, c’est Maybe qui me l’a présentée. Melody était une jeune femme ; Sky, Fly et Maybe, des garçons. Déjà, dans le passé, alors que j’étais étudiant en Chine, j’ai rencontré beaucoup de Hans et de Grete. Quand je suis devenu guide touristique, j’ai été accueilli à Suzhou par Typhon, puis à Hong Kong par Chloroforme. Tout cela n’est pas nouveau, mais de plus en plus à la mode. La célèbre actrice Yang Ying a pour nom de scène Angela Baby. Mon épouse a reçu à son bureau, ces jours-ci, des mails envoyés par Capri Wu, le Dr Tarzan Jiang et Edelweiss Zhu.

On trouve des prénoms plus « classiques » tels que Castor, Encore, Steack ou Danger. Une employée que connaît l’un de mes collègues se prénomme Meurtre. »

Qui dit mieux ?

Kai Strittmatter – Süddeutsche Zeitung – 24 décembre 2016

 

Des saumons dans les rizières

Le riz pousse dans l’eau… Les poissons vivent dans l’eau…  Une opportunité pour la Californie frappée par la sécheresse depuis trois ans : élever des poissons dans les rizières, en y introduisant des juvéniles.

Parmi toutes les espèces, c’est le saumon qui a été choisi. En effet, avant de poursuivre leur voyage vers l’océan, les saumons naissent et grandissent dans l’eau douce entre janvier et mars, période aussi la plus propice à la riziculture. Ces saumons y prennent des forces, ont accès à une nourriture abondante et atteignent une taille presque deux fois supérieure à celle de leurs congénères des rivières. La Californie cultive le riz sur environ 225.000 ha les bonnes années, essentiellement dans la vallée du Sacramento. On estime que presque toute cette superficie pourrait servir d’habitat aux saumons, créant ainsi aux Etats-Unis l’un des liens les plus créatifs entre agriculture et préservation de la nature.

Pour les promoteurs de ce projet, ce dernier montre comment l’agriculture moderne peut travailler avec, et non contre, la nature – ce qui de plus en plus nécessaire à mesure que se raréfient les ressources en Californie : « l’idée est de ne pas se limiter à une culture par terrain. Les riz, les oiseaux d’eau, les poissons et beaucoup d’autres créatures peuvent cohabiter. Il nous suffit d’adapter légèrement notre gestion. »

Anna Roth – Lucky Peach (New York) – 29 juin 2016
Repris par Courrier International – 21 septembre 2016

A propos de la diversité des langues

Le langage est probablement apparu il y a 160 à 200.000 ans en même temps que l’homme moderne. Depuis, 500.000 langues différentes ou davantage, se seraient développées et auraient disparu. Cette extinction se poursuit : 6.909 langues – dont beaucoup ne sont même pas répertoriées – risquent de mourir.

Nous vivons dans une époque où la diversité linguistique s’efface. Seulement 20 langues sont parlées par la plupart des habitants de la Terre. Les autres, sont des vestiges qui n’ont au plus que quelques milliers de locuteurs chacune.

Sur les côtes de Papouasie Nouvelle-Guinée, on trouve une nouvelle langue tous les quelques kilomètres. Une explication : le climat qui permet l’autosuffisance de petits groupes, qui n’ont du coup pas le besoin vital de communiquer avec les autres et peuvent rester entre eux. Le langage d’une tribu lui permet de marquer son territoire et de le distinguer des autres tribus, autrement dit de marquer ses frontières.

 Le climat joue aussi un rôle dans l’articulation des langues. On trouve plus de voyelles dans les langues des pays chauds car elles portent plus loin et permettent de communiquer en plein air. Mais les régions froides où l’on parle surtout à l’intérieur n’ont pas ce problème et comptent beaucoup de consonnes.

Les langues les plus parlées dans le monde sont le mandarin, l’hindi, l’espagnol, l’anglais. La particularité de l’anglais c’est d’être aussi la deuxième langue de la plupart des gens.

Les langues disparaissent pour des raisons politiques ou géographiques. Celles qui tiennent le coup ont eu la chance d’être parlée par des sociétés qui ont réussi. Ou ont trouvé des champions pour les défendre : c’est le cas, par exemple, pour la tribu amérindienne des Cherokee, qui a connu au temps de la deuxième Guerre mondiale une nouvelle célébrité parce que, en matière de communication secrète, elle n’était pas déchiffrable par les Allemands. Les Cherokee se consacrent aujourd'hui à la défense de leur langue, alors même qu’ils sont rares parmi les moins de 50 ans à la parler couramment.

L’esperanto, comme langue universelle, partait d’un bon sentiment, mais il a échoué car c’était une fabrication artificielle, sans histoire, sans évolution, sans compétition avec les autres.

Certains disent que puisqu’aucune langue n’est supérieure à une autre, que toutes servent également à communiquer, qu’importe qu’il en reste plusieurs milliers, quelques-unes , voire une seule. Mais perdre cette diversité serait perdre la diversité des expériences et des cultures.

James Gillespie – The Sunday Times – 12 décembre 2011

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