« Une autre coalition multinationale de peuples fort divers, avec un gouvernement central, est mieux conçue que l’Union européenne, c’est la République indienne ».
Charles Stewart
Bavardages et brouhaha occupent les pensées et les antennes au lendemain du Brexit. Nous savons bien que les contemporains se trompent toujours et que seul l’avenir révèlera le sens profond de cet événement.
Que l’on nous permette de prendre le risque d’esquisser des hypothèses.
La mondialisation se poursuivra en dépit des efforts des politiques pour la contrer. Les réseaux sociaux, les échanges économiques et culturels, les mouvements de populations sont des expressions d’une dynamique irréversible. Ceux-là même qui sont aujourd'hui opposés à la mondialisation changeront d’avis quand sera réinstallé le vieil attirail des Etats : frontières, douane, contrôle d’Internet, etc. Observons dès maintenant les inquiétudes des Ecossais et des Irlandais du Nord.
Ce sont les habitants des régions pauvres de l’Angleterre, principaux bénéficiaires de l’Europe Unie, qui ont voté pour le Brexit. Le Brexit aggravera encore leur situation puisque leur Etat national s’appauvrira avec elles. Par contre, pour les métropoles où se concentre de plus en plus la richesse, on se rendra bientôt compte que cet événement est loin d’avoir la portée qu’on lui attribue. Les Etats ne mesurent pas à quel point leur conception du monde est en décalage avec la réalité.
Il faut réfléchir à la critique majeure faite à Bruxelles. Elle ne porte pas sur l’intégration européenne mais sur la bureaucratie. Or, cette bureaucratie n’est pas une donnée constitutive de la construction européenne : elle ne s’est déployée qu’à partir du moment où Jacques Delors est devenu en 1985 le président de la Commission européenne jusqu’en 1995. Ce remarquable homme d’Etat apportait avec lui la social-démocratie, alors à l’honneur dans plusieurs pays européens, conforme à l’esprit de ce temps et à la culture des fonctionnaires européens.
Dès cette époque, certains se sont opposés à son action par crainte d’une inflation bureaucratique. Mais comment résister à des intentions si pures, acclamées par les bons esprits de l’époque ? Nous n’y sommes pas allés voir, mais il serait intéressant de comparer la surface des bureaux des institutions européennes avant 1985 et après 1995.
Dans ce cas, peut-être les causes du Brexit ne seraient-elles pas politiques. Le vrai péril serait la bureaucratie. Quoiqu’on en pense par ailleurs, le Brexit va imposer une fracture, la première, dans cette « banquise ». Après le départ de la Grande-Bretagne, d’autres Nations poursuivront ce combat. L’Union européenne sortira renforcée de l’épreuve si, capable de s’élever au-dessus des dossiers du jour, elle sait en revenir à sa vocation politique, unificatrice et inspirante, celle que lui assignaient dans ses débuts ses Pères fondateurs.
Si cet objectif était atteint, le Brexit finirait par être une bonne nouvelle pour l’Europe.
Armand Braun
De nombreux chantiers, dont celui de prolongement du tramway T3 entre la porte de la Chapelle et celle d’Asnières à Paris, ont été brusquement arrêtés en attendant que l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail ait réuni son panel d’experts pour dire si l’actinoline, une forme d’amiante naturel présente dans certains granulats servant à la fabrication du bitume, est cancérigène ou pas.
Autre absurdité : il a été démontré que les antennes-relais sont sans danger pour les riverains car le champ électromagnétique se dilue très vite avec la distance. Mais cela ne dissipe pas les inquiétudes des personnes concernées.
Dans un rapport à l’Académie des Technologies, le physicien Etienne Klein et le sociologue Gérald Bronner mettent en lumière notre rapport de plus en plus ambivalent à la science et à la technologie : nombreux sont ceux qui loin d’être sensibles aux progrès, n’aperçoivent dans chaque innovation qu’un risque ; or celui-ci est souvent surestimé, voire imaginaire.
Lorsque le grand accélérateur de particules du CERN s’est lancé dans sa quête du boson de Higgs, deux plaintes ont été déposées devant les tribunaux au motif que cette débauche d’énergie risquait de provoquer un mini-trou noir : un événement aux conséquences apocalyptiques, mais à la probabilité infinitésimale.
Deux facteurs viennent aggraver la risquophobie aiguë. D’une part, la nécessité de publier à tout prix a des conséquences sur la qualité moyenne de la littérature scientifique. Si bien qu’on est assuré de trouver au moins une étude susceptible de venir à l’appui des thèses les plus folles des contempteurs de la technoscience. D’autre part, l’Internet permet une diffusion massive de ces peurs irrationnelles.
Les activistes antivaccinalistes, par exemple, en font un usage immodéré et lancent des rumeurs qui apparaissent bientôt comme des démonstrations. En 2013 40% des Français étaient défavorables à la vaccination, contre 8,5% en 2010. C’est ainsi qu’au pays de Louis Pasteur, la défiance à l’égard des vaccins, accusés de tout et n’importe quoi, augmente … au risque, celui-là bien réel d’une réapparition (déjà constatée) de maladies très dangereuses comme la rougeole, la rubéole, la scarlatine… qu’on avait pourtant éradiquées !
Yann Verdo – Les Echos – 20 juin 2016
Tandis que les mammifères étaient occupés à grandir, les oiseaux étaient occupés à rapetisser. Tandis que nos ancêtres apprenaient à marcher sur deux pieds, les oiseaux, de plus en plus légers, prenaient leur envol. Longtemps, on a cru que leur petit crâne limitait leurs capacités cognitives. Comment des créatures au cerveau si petit, tellement plus petit que le nôtre, et si différentes de nous pouvaient-elles être intelligentes ?
Eh bien, c’était une erreur.
D’abord, certaines espèces d’oiseaux sont dotées d’un cerveau relativement grand pour leur taille et avec une densité de neurones bien plus importante que celle de primates de taille comparable. Pour une masse cérébrale équivalente de 1,8 gramme, le corbeau freux, par exemple, a deux fois plus de neurones que le ouistiti.
D’autre part, on a pu le constater, de nombreux oiseaux sont capables des mêmes performances que nos cousins primates les plus proches. Ils enseignent, apprennent, résolvent des problèmes, fabriquent des outils, comptent, se souviennent de l’endroit où ils ont posé des objets, rusent et trompent, argumentent et consolent. Les mieux pourvus sont les corbeaux et les perroquets. Les perroquets sont bien sûr particulièrement doués en langues étrangères. Et si vous apercevez et entendez une bruyante réunion de corbeaux, vous pouvez être sûrs qu’ils tiennent un congrès, voire un tribunal.
D’autres oiseaux aussi sont doués d’intelligence. Le Ganga namaqua, par exemple, qui vit dans le désert au sud de l’Afrique, trouve à des kilomètres de son nid, des mares pour s‘y tremper le ventre et rapporter ainsi à ses petits de l’eau dans son plumage. Et pas la peine d’aller si loin pour trouver des illustrations de la débrouillardise des oiseaux : on sait que les mésanges savent percer l’opercule des bouteilles de lait déposées sur les seuils des maisons anglaises.
Le plus amusant à observer est peut-être la façon dont les petits de toutes les espèces d’oiseaux apprennent à parler. Comme les humains, ils écoutent en silence leur père chanter pendant des heures, puis commencent à l’imiter, s’essaient à toutes sortes de gazouillis comparables aux vocalises de bébés, se trompent, bégaient puis s’améliorent et finissent par maîtriser le chant qui est leur langage.
Seweryn Olkowicz et al. – Actes de l’Académie américaine des sciences – 13 juin 2016
Jennifer Ackerman – The Wall Street Journal – 20 juin 2016
« Un journaliste d’Europe 1 qui m’interroge à propos de mon dernier livre sur la dictature invisible du numérique s’étonne qu’un pourfendeur des excès de cette technologie puisse avoir un compte Twitter sur lequel il tweet allégrement.
- Mais je n’ai pas de compte Twitter, je ne suis pas plus sur Facebook et je n’ai pas de blog !
- Et pourtant, on tweet en votre nom sur Twitter.
Effectivement, quelqu’un s’exprime en mon nom sur le fameux réseau social. Je n’ai jamais lu ce qu’il écrit puisque je ne suis pas connecté. On me dit qu’il est assez bienveillant. Malgré tout, je demande au service juridique de Gallimard de faire le nécessaire pour que cesse cette imposture, même si elle n’a rien de dramatique. Et là, splendeur d’un monde merveilleux, je découvre que n’importe qui peut emprunter le nom de quelqu’un d’autre impunément, sans avoir à se justifier. S’il fallait vérifier tous les noms des gens qui s’inscrivent sur Twitter, vous imaginez ? En revanche, si vous contestez le nom de l’usurpateur, c’est à vous de justifier de votre identité avec documents à l’appui.
Evidemment, le monde numérique n’étant pas à l’abri de la bureaucratie qu’il dénonce, l’opération ne se fait pas en un seul clic. Je dois avouer que cette aventure ne me réconcilie pas avec ces réseaux sociaux qui ont transformé une partie des êtres humains en suricates bondissants, trop heureux d’exister à travers ce média confus et débilitant. Non seulement on peut emprunter le nom de quelqu’un sur Twitter, mais on peut aussi agir sous pseudo, le pseudo étant au courage ce que la collaboration a été à la Résistance. Et c’est ainsi que sous couvert d’anonymat on peut lire les pires horreurs… »
Marc Dugain – Les Echos week-end – 10 juin 2016
C’est une victoire posthume pour le paléoanthropologue Michael Morwood, décédé en 2013. La revue Nature a publié deux articles dont il était cosignataire, entérinant ainsi sa théorie : l’homme de Flores, alias le Hobbit, qu’il avait découvert en 2003 dans une grotte de cette île indonésienne, n’est pas un Homo sapiens atteint de microcéphalie ou d’autres pathologies pouvant expliquer la taille réduite de son crâne. Ce petit homme d’à peine plus d’un mètre de haut appartenait bien, comme Michael Morwood en était persuadé, à une espèce à part entière. Elle a subsisté sur l’île pendant plusieurs centaines de milliers d’années, jusqu’à sa disparition il y a environ 50 000 ans.
Les travaux publiés dans Nature présentent de nouveaux restes fossiles (un fragment de mâchoire et des dents) retrouvés fin 2014 sur un autre site et datant de 700 000 ans. Ils montrent qu’une humanité de petite taille était déjà présente sur place alors qu’Homo sapiens n’avait pas encore vu le jour en Afrique. La morphologie des dents et la présence d’outils suggère que cette lignée humaine représente une descendance naine d’Homo erectus (1m50) qui s’est trouvée isolé sur l’île.
C’est un phénomène de sélection naturelle bien connu : sur les îles, de nombreux animaux rapetissent pour faire face à la restriction alimentaire. Mais l’homme de Flores est le premier exemple de nanisme insulaire affectant une espèce humaine.
C’est ce qui avait, au départ, engendré tant de scepticisme. « Imaginer qu’un homme récent ait pu à ce point être influencé par son environnement était contraire à notre vision d’Homo sapiens comme maître du monde », explique Antoine Balzeau, paléoanthropologue au Muséum d’Histoire naturelle. « L’idée que la taille du cerveau conditionne l’intelligence a aussi joué, certains jugeant impossible que l’homme de Flores ait pu fabriquer des outils. »
Hervé Morin – Le Monde – 10 juin 2016
Dans son cycle de romans, Dune, publié en 1965, Frank Herbert montrait comment des êtres humains exilés sur une lointaine planète sans eau et sans atmosphère survivaient dans des scaphandres où tout était recyclé. Cette invention ne sera bientôt plus du domaine de la science-fiction.
Pour un voyage spatial long de plusieurs mois ou plusieurs années, voire une installation sur un autre astre, il s’agira autant de tout recycler (air, eaux, déchets) que de produire de la nourriture. Impossible en effet d’embarquer tous les éléments nécessaires à la survie.
Mais quand on n’est plus dans la fiction, on se heurte à toutes sortes d’obstacles.
A Barcelone, le projet Melissa, tente l’expérience sur des rats et toute une série de modules de recyclage. Les rats vivent dans un module. Le module suivant transforme en bulles d’oxygène le CO² qu’ils expirent, à l’aide d’algues, elles-mêmes nourries avec des nutriments issus du recyclage, etc. On prévoit d’installer un tel système à bord de la Station spatiale internationale. Trois souris respireront l’oxygène généré sous forme de bulles par ces algues. Mais l’apesanteur est un autre défi : les bulles d’oxygène ne remontent pas à la surface du liquide de culture des algues et ne peuvent donc être séparées facilement. Il faudra trouver une solution.
Pour un voyage de trois ans avec six membres d’équipage, il faudrait 79 tonnes d’eau. Comment, comme dans Dune, transformer l’urine en eau potable ?... Là encore on n’est en qu’aux débuts.
Comme pour les matériaux ultralégers de l’aviation qui ont trouvé de nombreuses autres applications, ces technologies peuvent déjà – même avant que la Terre ne devienne inhabitable – être utilisées ici et maintenant : la maîtrise du recyclage des déchets aurait une application directe dans le développement des toilettes pour les pays pauvres ; il existe déjà, pour les plongées sous-marines, des scaphandres qui recyclent le gaz carbonique et permettent une autonomie de trois heures au fond des océans.
Olivier Dessibourg – Le Temps (Lausanne) – 10 juin 2016
Xinghan Chen, plus connu sous son pseudo Jenova Chen est internationalement reconnu comme « le gourou du jeu vidéo ». Ses créations sont poétiques et onirique. Par exemple, dans Flower, le joueur est une bourrasque qui souffle des pétales. La simplicité des commandes rend le jeu abordable par tous les enfants y compris ceux qui souffrent d’autisme et de trisomie 21. C’est plus un « poème interactif » qu’un jeu vidéo classique. Cloud aussi est très différent : il place le joueur dans la peau d’un personnage cloué au lit et qui rêve de s’envoler. Ce fantasme, Jenova, asthmatique, l’a vécu dans son enfance à Shanghai.
Une enfance typique du fils unique chinois. « Nous habitions un appartement minuscule. J’étais au septième étage et je voyais de ma fenêtre une jungle bétonnée. Une forêt de gratte-ciel. Nous n’avions qu’une petite pièce et une grande pièce, et des tonnes de livres. Il y en avait tant qu’il fallait en ranger sous mon lit. Mais, à cause de la politique de l’enfant unique, je n’avais pas le droit de lire des romans. Comme de nombreux pays en développement, la Chine ne garantit pas vraiment de retraite, alors les enfants jouent le rôle de l’assurance-retraite. Pour cette raison, tous les parents veulent que leur progéniture, leur unique enfant, s’en sorte bien financièrement afin qu’il puisse s’occuper d’eux à la fin de leur vie. D’où le cliché des Asiatiques qui sont toujours avocats, médecins ou ingénieurs. Et pour que l’enfant réussisse à l’école, les parents veulent à tout prix éviter les distractions – le rock, mais aussi les grands romans où l’on est absorbé au point d’oublier ses devoirs. Je n’avais même pas le droit au mah-jong, car ce jeu rend accro. J’étais seulement autorisé à me servir des pièces comme jeu de construction ».
Matthew Baker - Guernica (New-York) – 16 mai 2016 – repris par Courrier international – 2 juin 2016
Une œuvre d’art est à la fois un objet esthétique, un bien marchand, le témoignage d’un lieu et d’une époque. Pour Amy E. Herman, c’est avant tout un outil pédagogique. Ses clients sont des chefs d’entreprise, des étudiants en médecine, des policiers…
Elle les emmène au musée et leur propose de regarder attentivement tous les détails de peintures célèbres et de raconter ce qu’elles représentent. Au début, ses élèves décrivent ce qui est le plus évident : le profil d’une femme assise, les fruits posés devant elle sur la table ; puis ils remarquent la façon exquise dont sont rendus la dentelle de la robe, les ornements de la coiffe. « Mais pas un ne remarque, s’étonne Amy, que la table est en acajou ».
Voir très vite les détails pertinents, apercevoir ce qui n’est pas le sujet central, c’est important dans toutes sortes de professions. D’ailleurs chacun réagit selon son métier. Les étudiants en médecine s’expriment avec réserve, ils ont peur de se tromper. Les policiers sont plus directs et n’hésitent pas à tirer des conclusions. « Ils viennent certainement de se disputer », remarque l’un de ces derniers devant le couple représenté par Picasso au Lapin Agile. Et devant La purification du temple du Greco, l’un d’eux s’exclame : « le coupable, c’est le type habillé en rose, c’est lui a provoqué tout le tintouin ! ». « Le type habillé en rose », c’est Jésus lui-même ! L’autre titre de l’œuvre est : Le Christ chassant les marchands du temple.
L’un des tableaux préférés d’Amy, parce qu’il est ambigu, c’est un Vermeer, La maîtresse et la servante. La maîtresse est assise à une table, s’apprête à écrire ou vient d’écrire. La servante tient un petit papier. Elles sont en conversation. Mais que se disent-elles ? Qui parle ? Qui écoute ? Qu’est-il écrit sur la lettre et le billet ? Quelle est l’histoire derrière cette image ? De la plus triviale à la plus romanesque, toutes les interprétations sont possibles…
Confronter sa vision à celle des autres, apprendre à décrire ce qu’on voit, non ce qu’on sait, c’est une façon de développer la perception du réel et le sixième sens indispensables à tous ceux qui doivent trouver des explications et prendre des décisions dans le monde complexe des affaires, en parlant avec un malade, en analysant une scène de crime.
Sarah Lyall – International New York Times – 30 avril 2016
Fruits, viandes, poissons, fleurs coupées, vins, médicaments … plus de 200 tonnes de marchandises réfrigérées transitent aujourd'hui par la mer. Et cela grâce à des conteneurs très performants. Dotés de systèmes de pulsation et d’aération sophistiqués, ils peuvent couvrir une large gamme de températures allant de -65°, pour figer les saveurs de certaines denrées coûteuses, à +25°, pour conserver la tenue d’huiles ou de vins, quels que soient les climats traversés.
De nouveaux conteneurs encore plus en pointe permettront d’acheminer des homards vivants destinés à la consommation. Un conteneur baptisé Aquaviva, où l’eau est purifiée en circuit fermé, recrée les conditions de vie de l’habitat naturel de ces crustacés, stockés dans des compartiments individuels préservant la teneur en oxygène de l’eau, la température de leur milieu (entre 1 et 2° pour maintenir l’animal en état de quasi-hibernation) et son nettoyage à l’aide de micro-organismes dévoreurs d’ammoniaque.
Les inventeurs de ce procédé promettent que « les crustacés prélevés dans la zone de pêche de l’Atlantique Nord parviendront sur les tables des gourmets européens dans un état de fraîcheur inégalée ».
Ces conteneurs aquarium pourront embarquer jusqu’à 3 000 homards pour un coût sensiblement proche du fret aérien mais avec un taux de mortalité proche de zéro, contre 18% environ quand ils voyagent par avion.
C’est en état d’hibernation que les astronautes de 2001 Odyssée de l’espace pouvaient voyager à travers le temps et l’espace. Il en sera bientôt de même pour les homards…
Paul Molga – Les Echos – 26 avril 2016
Murray Grey ne regrette pas les méthodes d’élevage traditionnelles. Chaque année, par une chaleur étouffante, il devait enfourcher son cheval pour rassembler les quelque 5 000 têtes de bétail dispersées sur son immense propriété de l’Australie profonde, l’outback désertique, dont les paysages font parfois penser à la planète Mars. Cela paraît romantique, mais il devait camper à la belle étoile au risque des moustiques et des serpents venimeux. Et le bétail perdait du poids sur le trajet de retour au pâturage.
Aujourd'hui, le cow-boy a troqué la selle pour le canapé et le fouet pour le téléphone portable ou la tablette. Avec quatre autres propriétaires de ranch, il participe à une expérience : le projet Outback. Ils gèrent leurs troupeaux grâce aux données recueillies par des satellites de la Nasa. Chaque jour, ces satellites photographient la totalité de la superficie des ranchs par zones d’environ 80 m². Au sol, des balances automatiques fonctionnant à l’aide de panneaux solaires pèsent au moment où elles vont à l’abreuvoir les bêtes, dotées d’une puce électronique à l’oreille.
Au reçu des données traitées par un programme informatique, les fermiers peuvent évaluer si le bétail a suffisamment à brouter sur les terres où il se trouve et savoir exactement à quel moment une bête pèse le poids idéal pour être vendue sur le marché.
Cela ne va pas sans problèmes. Des températures dépassant les 43° peuvent causer un dysfonctionnement des panneaux solaires ou des puces. Des tempêtes de poussière balaient périodiquement le paysage et recouvrent les panneaux d’une couche d’argile rouge.
Et les bêtes ? En l’absence d’êtres humains, avec leurs bruyants camions et leurs chevaux, elles se conduisent comme un bon vieux troupeau de vaches laitières et gagnent sagement leur abreuvoir en file indienne.
Rachel Pannett – The Wall Street Journal – 24 janvier 2016 – repris par Courrier international
C’était au début des années 1990, non loin d’une nouvelle laverie flambant neuf, une laverie désaffectée à revendre. Personne ne voulait de ce local miteux aux vitrines condamnées par des planches, à l’auvent déchiré. Tom Benson, l’agent immobilier spécialisé dans l’achat et la vente de pressings, en charge de la transaction, a fini par l’acheter lui-même à un prix très bas.
Et il a su tirer parti de son potentiel à proximité d’un parking municipal gratuit. Il a effectué des travaux - l’eau est chauffée par des panneaux solaires - et embauché du personnel. On est dans une banlieue assez pauvre de Chicago où la majorité des gens sont locataires et ne disposent pas d’un lave-linge. (Aux Etats-Unis, les gens les plus aisés habitent une maison particulière ou une belle copropriété disposant d’une buanderie commune). Benson a racheté des boutiques mitoyennes et a créé Le plus grand Lavomatic du monde (1250 m² contre une moyenne de 230 m²). En outre, il n’y a aucun Starbuck ou autre bistro dans la commune.
Au fil des années il l’a perfectionné. Sachant que ceux qui salissent le plus de vêtements sont les petits, il a pensé aux familles et fait en sorte que les parents puissent venir faire leur lessive en emmenant les enfants : toilettes correctes, espace de jeu, beignets et café gratuits tous les jours, pizza chaque mercredi… Les familles viennent maintenant d’assez loin se retrouver dans ce véritable lieu de vie.
Avant de seconder son père, Mark Benson était correcteur dans un journal. Il raconte : « Cela paraît bizarre pour une laverie, mais nous essayons de créer un lien affectif. L’idée m’aurait fait rire avant que je ne travaille ici. Personne ne vient faire sa lessive par plaisir. Pourtant, quand toute votre famille s’attable pour partager une pizza pendant que votre lessive est en train de tourner, c’est un lien affectif qui se crée au sein de la famille. C’est un repas familial qui n’est pas perdu à cause de la corvée de linge. »
Wailin Wong – The Distance – février 2015 – repris par Courrier international – 19 mars 2015