Prospective edito: Prospective de l’autonomie et de la dépendance

Les Français avaient oublié que les révoltes contre les excès fiscaux faisaient partie de leurs traditions. Le fisc avait oublié que les Français en arrivaient toujours à sanctionner ses excès. Les gilets jaunes sont une protestation contre l’extension sans limite du domaine de la fiscalité et de la paperasse administrative qui lui tient compagnie.

La hausse du prix des carburants a été la goutte d’essence qui a fait déborder une colère depuis longtemps contenue et dont les pouvoirs politiques successifs n’imaginaient pas qu’elle exploserait un jour. Il faut citer aussi le sentiment d’injustice éprouvé par des communautés locales mal reliées et pauvres qui se sentent victimes de la décroissance constante des services publics que l’impôt est censé financer.

Ces événements auraient pu, auraient dû se produire beaucoup plus tôt. D’un autre côté, on peut penser que nos dirigeants des récentes décennies passées n’auraient pas su les interpréter. Dommage que l’équipe dirigeante qui subit cette crise soit précisément la première qui a commencé à freiner cette folle expansion fiscale.

Ce phénomène surgit là où on ne l’attendait pas : chez les habitants, en général modestes, des zones économiques déprimées, des petites villes, des villages et des territoires périurbains. Résoudre ce problème n’est pas facile car les données structurelles du monde rural – vieillissement et départ des jeunes, sous-qualification, pauvreté, difficultés liées aux déplacements – sont ce qu’elles sont et, sauf cas particuliers, on voit mal comment les améliorer soudainement toutes ensemble. Il n’est pas propre à la France : on peut penser que le Brexit en est une autre expression ; et le président Donald Trump doit son élection à forgotten America (« les oubliés de l’Amérique »).

La grande question est la suivante : entre le désir d’autonomie et le désir de dépendance, de quel côté ce mouvement international surgissant va-t-il pencher ? Vers ceux qui rêvent de se calfeutrer à l’abri de frontières et qui s‘imaginent que la vocation de l’État est de satisfaire leurs exigences ? Ou ceux, revêtus des mêmes gilets imposés aux automobilistes par quelque administration dite compétente, qui réclament au contraire la liberté de se prendre en charge dans un environnement moins procédurier ? La même césure s’observe en Grande-Bretagne.

C’est à ceux qui aspirent à la liberté que va ma sympathie. Et je proposerais volontiers aux autres d’aller voir comment des communautés locales tirent parti de leurs handicaps pour en faire des atouts. Les exemples abondent, en France (le Choletais, petit territoire de l’ouest qui a su générer, avec la participation de tous, la richesse et l’emploi à la création d’un grand nombre d’entreprises) et dans les pays voisins (la Suisse, le Piémont…).

L’alternative dépasse largement l’affaire des gilets jaunes. Les aléas liés aux réseaux sociaux pourraient se développer de manière imprévisible, comme une sorte de tourbillon. Des milieux qui n’avaient pas le droit à la parole – chômeurs, travailleurs pauvres et précaires, retraités – la retrouvent. Espérons que cette césure se résorbera. Espérons que la paix civile reviendra.  Espérons que la trajectoire historique de la France et des autres nations ne soit pas victime de quelque accident.

Voilà, parmi bien d’autres, un dossier prospectif qu’il faut reprendre à zéro.

Armand Braun

Pour sauver la Planète, sauvons d’abord le ver de terre !

 « La disparition des vers de terre est un phénomène aussi inquiétant que la fonte des glaces, » a dit Hubert Reeves.

Le ver de terre est le partenaire ancestral de l’agriculteur, son abondance signant la fertilité et la bonne santé des sols. Les vers de terre nourrissent les sols et les sols nourrissent les plantes qui nous nourrissent ou les animaux que nous mangeons.

Mais depuis cinquante ans, l’agriculture intensive et les produits chimiques, l’érosion des sols tuent les vers de terre ainsi que toute la diversité biologique. Les vers de terre peuvent représenter jusqu’à 80% de la masse des êtres vivants qui fabriquent la nourriture des plantes. Et en cessant de les nourrir, c’est bien l’ensemble d’un agrosystème qui s’est effondré, mort de faim ou empoisonné.

Il y a urgence à sauver les sols. Pour les sauver, il faut commencer par sauver cet infatigable laboureur qui les rajeunit en permanence, les oxygène, les fertilise.

Mon projet « Sauvons le ver de terre » est arrivé au printemps en tête de la catégorie biodiversité de l’élection citoyenne organisée par le ministère de la Transition écologique et solidaire. Or, le gouvernement investit des millions d’euros pour réhabiliter l’ours et le loup, mais pas un seul centime sur la tête de notre allié le plus précieux pour une agriculture durable et économe en énergie. Pire, l’État l’a carrément oublié puisqu’il ne bénéficie d’aucune protection, d’aucun plan d’action national ou européen et d’aucune mesure dans la loi pour la reconquête de la biodiversité.

Le loup, l’ours ou l’abeille ont des droits et rien ne justifie que le lombric terrestre n’en ait aucun.

Il y a urgence à sauver le ver de terre, moteur de la transition écologique et solidaire, car sans lui pas de sols nourriciers, pas de nourriture, pas de transition.
Des solutions existent, je me tiens à votre disposition pour vous les présenter.

Christophe Gatineau, cultivateur, agronome et auteur d’Éloge du ver de terre – Lettre ouverte au président de la République – Le Monde – 22 décembre 2018

Une nouvelle vie pour des films anciens

La manie de coloriser les vieux films en noir et blanc leur ôte une partie de leur charme. Mais cette technique se justifie dans d’autres cas, comme la restauration toute récente de films britanniques de la Première guerre

À l’origine du projet, un partenariat entre « 14-18 Now », un programme culturel basé à Londres qui a commandé à des artistes des œuvres pour célébrer le centenaire de la Grande Guerre et le Musée Impérial britannique de l’Armée. Peter Jackson, le réalisateur du Seigneur des Anneaux, a été approché pour réaliser un film en utilisant uniquement les prises de vue du front britannique conservées dans les archives et en le faisant d’une manière originale. La plupart étaient des courts métrages projetés dans les salles de cinéma, entre, par exemple, un dessin animé et un film de Charlie Chaplin et accompagnés d’une musique jouée au piano.

Peter Jackson, dont le grand-père, soldat professionnel, a combattu pendant toute la Guerre, et qui avait une connaissance historique approfondie du conflit, a accepté avec enthousiasme ce projet orienté sur la vie quotidienne des simples soldats au front.

Avec son équipe, il a, avec des techniques toutes récentes, restauré les vieilles pellicules: il les a digitalisées, amélioré le mouvement souvent saccadé, rendu les images plus nettes, ajusté les cadrages, colorisé le tout, ajouté la 3D... Au lieu de sous-titres ou autres textes, des commentaires ont été choisis parmi des centaines d’heures d’interviews de vétérans enregistrées dans les années 1960 et 1970.  Enfin, des spécialistes de la lecture sur les lèvres ainsi que des comédiens en provenance des mêmes régions différentes de Grande-Bretagne que les soldats, avec chacun son accent, ont rendu leur voix aux protagonistes. Le résultat est They Shall Not Grow Old (« Ils ne vieilliront pas »), un documentaire saisissant de vérité.

Mekado Murphy – International New York Times – 21 décembre 2018

Droit d’asile : l’église au secours d’une famille

Dans le temple protestant de Bethel, à la Haye aux Pays-Bas, se tient un service religieux apparemment ordinaire mais dont la caractéristique est qu’il est célébré sans discontinuer depuis la fin du mois d’octobre.

Le but est d’empêcher l’expulsion d’une famille arménienne après neuf ans de séjour aux Pays-Bas. Cette famille avait demandé et obtenu le droit d’asile à son arrivé, en 2009, puis le jugement a été invalidé. Et ce malgré l’existence du kinderpardon, une exception censée s’appliquer aux familles dont les enfants vivent aux Pays-Bas depuis plus de cinq ans. Les autorités refusent de prendre en compte le fait que cette famille a quitté l’Arménie suite à des menaces de mort dues aux engagements politiques du père. Lui-même, son épouse et leurs trois enfants de 21, 19 et 14 ans, seraient en grave danger, dussent-ils retourner en Arménie.

D’après une loi remontant au Moyen-Âge, les autorités n’ont pas le droit d’intervenir durant un office religieux. C’est pourquoi plus de 450 volontaires de tout le pays et même de l’étranger, pasteurs, diacres et même curés et laïcs, se passent le relais nuit et jour pour que l’office – dit la plupart du temps en néerlandais mais parfois en français, en anglais ou en allemand – ne s’interrompe pas une seule minute.

Richard Pérez-Peña – International New York Times – 1er décembre 2018
Daniel Boffey – The Guardian – 21 décembre 2018

Monnaie locale : La Racine

Les monnaies locales ou complémentaires, apparues en France à partir de 2010, ont été encouragées par une loi de 2014 les reconnaissant comme paiement légal. Elles sont émises et acceptées uniquement au sein d’une communauté.

Après l’Abeille en Nouvelle Aquitaine, le Bou’Sol dans le Boulonnais, l’Eusko au Pays basque, le Sol-violette à Toulouse, les premiers billets de la Racine sont désormais en circulation dans la Vallée de la Chevreuse. Soixante-cinq professionnels l’acceptent déjà et bientôt 120 communes de la Vallée vont être concernées. Les particuliers peuvent échanger leurs euros contre des racines chez 10 commerçants équipés d’un comptoir de change : 1 € = 1 Racine.  Les billets – de 1, 3, 5, 10, 20 et 50 Racines –   sont imprimés sur du papier bancaire filigrané et sécurisé.

Son usage encourage l’achat de biens et services au sein d’une région. C’est, explique Xavier Stéphan, chargé de développement économique au Parc naturel régional, « un outil innovant, pouvant favoriser l’économie locale et les circuits courts ». Et Sébastien Cattanéo, coprésident de l’Association La Racine, de renchérir : « Les commerçants apprennent à se connaître et à travailler ensemble. Il vaut mieux que la supérette vende du miel produit à quelques kilomètres plutôt que celui d’une industrie agroalimentaire. »

Une monnaie locale n’étant pas thésaurisée tourne trois à cinq fois plus vite que l’euro. Ce qui n’a pas empêché le premier hold-up en octobre 2018 : 48 000 billets d’une valeur de 40 000 € ont été dérobés dans un coffre du musée de Port-Royal des Champs !

Alain Piffaretti – Les Echos – 19 décembre 2018

Des gardes-pêche ailés et zélés

Les ressources marines sont en voie d’épuisement : victimes de la pêche intensive, encore aggravée par le braconnage, toutes sortes d’espèces de poisson disparaissent. Mais aussi des oiseaux marins, victimes des grandes lignes munies d’appâts que sont les palangres. Les albatros et les pétrels qui suivent les bateaux pour se nourrir des déchets essaient d’attraper les petits poissons qui servent d’appâts, s’accrochent aux lignes et se noient.

Pour remédier à cette situation, il faudrait mieux connaître la distribution des bateaux de pêche dans les eaux internationales.

Dans le cadre du programme européen « Ocean Sentinel », l’équipe du Centre d’études biologiques de Chizé a eu l’idée de se servir des albatros comme vigies. Voyageurs infatigables, capables de parcourir des milliers de kilomètre sans revenir à terre, ceux-ci quadrillent en permanence les mers et les océans. Cinquante albatros sont capable de couvrir à eux seuls 10 millions de km2.

Avec une société néozélandaise, a été développé un capteur qui, fixé sur le dos de ces oiseaux, est à même de détecter le signal radar émis par les navires et d’enregistrer leurs emplacements. Il a été testé avec succès dans les îles Crozet. Puis a été mis au point un capteur plus perfectionné qui, par une balise Argos, transmet par satellite l’information en temps réel. On a pu ainsi suivre en direct les multiples rencontres avec des bateaux survenues au cours du long voyage effectué par de jeunes albatros. On peut comparer les bateaux déclarés et ceux qui ne le sont pas et savoir quels sont ceux qui braconnent. De novembre 2018 à mars 2019, 150 albatros des îles Crozet, Kerguelen, et Amsterdam vont être équipés.

Vahé Ter Minassian – Le Monde – 19 décembre 2018

Les peuples autochtones dans le monde

Cachée dans la forêt d’une île au milieu de l’Océan Indien, la petite tribu des Sentinelles vit à l’écart du monde. Qui brave l’interdiction de les approcher tombe sous ses flèches. D’autres populations autochtones dans le monde luttent plus difficilement pour échapper aux maladies, à la convoitise des ressources naturelles, au tourisme, au développement économique et à la pression urbaine. Selon les estimations des Nations unies, 8 000 à 10 000 groupes ethniques, pour un total de 370 millions de personnes – chiffre donné par les Nations Unies, dont prospective.fr s’étonne – habitant dans plus de 90 pays, y compris en Europe, notamment en Sibérie, en Finlande et en Norvège. Ainsi, une centaine de peuplades vivent totalement isolées de la civilisation moderne, dont les deux tiers dans la forêt amazonienne très difficile d’accès en certains endroits.

Quand il arrive qu’il y ait un contact, on se rend compte que ces hommes « en savent plus sur nous que nous ne le pensons. Ils nous observent, devinent que notre monde est plein de dangers et ont pris la décision de rester isolés pour leur survie. Mais ils restent curieux », constate Fiona Watson, directrice de recherche de l’ONG Survival international qui se consacre aux droits des peuples indigènes.

Ils sont menacés, vivent pour la plupart par une extrême pauvreté, avec une espérance de vie inférieur de 20 ans à celle des autres. Il faut se soucier de leur survie parce que, parlant la majorité des 7 000 langues du monde, ils représentent une diversité culturelle précieuse. Parce que, bien que peu nombreux et n’étant présents que sur un quart de la surface de la planète, ils sont en réalité gardiens de 80% de la biodiversité mondiale. Et parce que ce sont des hommes.

Paul Molga – Les Echos – 17 décembre 2018

Quand les peureux gagnent contre les braves

Le monde vivant offre de nombreux exemples de cas où une tactique de survie apparemment gagnante, impliquant la plupart du temps une grande agressivité, se révèle en définitive victime de son propre succès. Car un équilibre entre force et faiblesse finit par s’installer.

N’en citons qu’un : le poisson américain Lepomis gibbosus ou Crapet-soleil, dont les mâles défendent farouchement leur territoire en période de fraie. On pourrait penser que la sélection naturelle favorisera les mâles les plus gros, les plus colorés, les plus agressifs. Mais lorsque ceux-ci deviennent prépondérants, apparaît une opportunité pour les mâles différents qui se déguisent en femelles, sont accueillis sans méfiance par les autres et en profitent pour se faufiler en douce et féconder les œufs des femelles dès qu’elles ont pondu. Tant que les poissons camouflés sont minoritaires, tout va bien. Lorsqu’ils deviennent trop nombreux, les autres finissent par s’en méfier, les tiennent à l’écart et reprennent l’avantage. Et ainsi de suite…

Moralité : la sélection naturelle est très intéressante à étudier, mais il ne faut surtout pas s’en inspirer pour en tirer des leçons plus générales.

De même, la Bible est un livre formidable et la base de notre culture occidentale. Cependant, tous ses enseignements ne sont pas bons à mettre en pratique, car elle contient aussi des encouragements à l’esclavage, à l’intolérance, au meurtre, à l’infanticide et au génocide.

Il n’est pas sûr que les plus déshérités (hommes ou animaux) hériteront de la terre. Mais il est bon de noter que notre compréhension actuelle du comportement animal et de l’évolution est compatible avec d’autres passage des Écritures : la recommandation d’une attitude douce et bienveillante dans la vie.

David P. Barash, professeur de psychologie à l’université de Washington – International New York Times – 17 décembre 2018

Guerre, paix et oiseaux migrateurs

Interdite à la population et à toute infrastructure, la zone démilitarisée d’une centaine de km² qui, depuis plus de soixante ans, séparait les deux Corées s’était, avec le temps, métamorphosée en réserve naturelle pour des espèces comme l’ours noirs, le lynx, le cerf porte-musc, la martre, la grue.

Les deux Corées étant déterminées à se réconcilier, il est maintenant question que les deux pays joignent leurs efforts pour transformer la zone démilitarisée en « zone de paix », avec routes, voies ferrées, usines.

Les naturalistes qui ont passé là des années à étudier les oiseaux migrateurs, les plantes rares, les insectes et les mammifères s’alarment. Ils soulignent, par exemple, que les nouveaux développements vont mettre en danger les centaines de grues à couronne rouge ainsi que les rares grues à cou blanc qui transitent là chaque année d’octobre à mars. « Construire des usines et reconnecter les voies ferrées dans la zone démilitarisée, serait comme construire une usine en haut des Alpes ou de Montmartre », s’indigne Kim Sung-ho, qui dirige l’Institut de recherches écologiques de la zone démilitarisée.

Les autorités de Séoul répondent qu’elles veilleront à conserver des zones intactes et celles de Pyongyang évoquent la nécessité de protéger « nos amis à plumes ».

Les écologistes craignent toutefois que la perspective d’une alliance économique entre le Nord et le Sud soit plus forte que la volonté de préserver la faune.

D’ailleurs, il arrive même que les meilleures intentions se retournent si elles sont mises en œuvre de façon irréfléchie. Ainsi d’un observatoire installé à proximité pour permettre aux amateurs de voir passer les grues à couronne rouge lors de leur migration l’a été trop près des zones où les oiseaux se nourrissent et ceux-ci vont ailleurs désormais.

Dasl Yoon et Andrew Jeong – International New York Times – 4 décembre 2018

Il était une fois…

Les contes de fées et les fables nous enseignent nos premières leçons de vie : si un inconnu te propose une trop bonne affaire, méfie-toi (c’est sans doute le diable déguisé) ; si un animal demande ton aide, va à son secours (c’est sans doute un dieu déguisé) ; un cœur pur vaut davantage que l’intelligence et le courage (mais avoir de l’intelligence et du courage, cela aide). Toutes ces histoires nous apprennent que, selon les cas, il faut tantôt faire confiance, tantôt être prudent ; tantôt être généreux, tantôt être économe ; qu’il faut coopérer mais aussi être autonome.

Cependant les contes nous montrent plus que des façons de nous comporter. Ils nous offrent aussi des leçons, souvent subtiles, sur les cultures dont ils sont issus et leurs valeurs, qui peuvent nous étonner lorsqu’elles sont éloignées des nôtres : une leçon de tolérance, peut-être.

Originaire d’Hawaï, je n’avais vécu qu’en ville et sous les Tropiques, mais je connaissais la forêt grâce aux frère Grimm. La première fois que je me suis rendue en Europe, j’avoue que j’ai d’abord été un peu déçue : où étaient les renards, les puits, les elfes ?...  Et puis j’ai compris : aujourd'hui, comme du temps d’Ésope, voyager c’est partir à la recherche des lieux magiques et imaginaires qui ont bercé les récits de notre enfance, c’est réaliser le désir d’être ensorcelé encore et encore.

« Les belles histoires, dit Philip Pullman, auteur de nombreux livres fantastiques pour la jeunesse, notamment la trilogie A la croisée des mondes, « ne sont pas faites de mots mais de vie ». Il est vrai qu’il a de qui tenir, élevé par son grand-père qui « avait le don de façonner une histoire à partir du moindre événement. »

Laura Miller – International New York Times – 20 octobre 2018
Hanya Yangihara – The New York Times Style Magazine – 10 novembre 2018

La technologie : ni solution, ni problème

Chaque génération a l’impression que son époque diffère à tous égards des précédentes et s’inquiète de l’impact des nouveautés, notamment techniques, sur les jeunes générations. Nos parents avaient peur de l’influence d’Elvis Presley. Je me demande constamment : pourquoi cela serait-il différent aujourd'hui ? Ceci dit, je me rends quand même compte que les changements qui se produisent actuellement sont bien plus rapide qu’ils ne l’ont jamais été. L’optimisme demeure, mais tempéré par la réflexion. Nous nous posons bien plus de questions qu’autrefois et nous sommes bien plus conscients de ce que nous faisons.

J’ai longtemps eu la naïveté de croire que la technologie pouvait tout résoudre. Je sais aujourd'hui que c’est faux. En fait, c’est un paradoxe : nous misons trop sur la technologie pour résoudre les problèmes de l’humanité et en même temps nous l’accusons à tort de tous ses problèmes.

En tout cas, j’ai fait en sorte que mon petit garçon n’ait pas encore de téléphone portable.

Sundar Pichai, PDG de Google – International New York Times – 12 octobre 2018 – propos recueillis par David Gelles

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