PROMOUVOIR LA DÉMARCHE PROSPECTIVE

prospective>>> Les musées débordés par leur succès
>>> Les néerlandais repeuplent le désert médical français
>>> Productivité en pilules
>>> De précieuses gouttes d’eau dans l’océan
>>> Sur la plage, le corps de mes frères …
>>> Comédie musicale pour leçon d’économie
>>> L’aventurier de la carte postale perdue
>>> Une plume d’oie dans votre ordinateur
>>> Plaidoyer pour l’autonomie des écoles
>>> En avant la musique

Les musées débordés par leur succès

La situation des musées d’Europe illustre le propos plaidé par prospective.fr dans tant de domaines : la saturation est là ; on aura beau inventer des « réformes », des perfectionnements, des accommodements, les institutions qui gèrent les musées ne se départiront pas de leur comportement habituel, qui est de fermer les yeux. Pour deux raisons aussi fortes l’une que l’autre : ce chaos qui va continuer leur profite, contribue à équilibrer leurs comptes et donne l’illusion du succès ; et ils ne semblent pas capables d’imaginer autre chose. A ce titre, le projet du ministre des Affaires étrangères – « 100 millions de touristes à Paris » – rappelle par son absurdité le précédent d’un autre ministre, de l’Education nationale celui-là : « 80% de réussite au bac » !

Avec un change favorable, des tarifs cassés sur les voyages et l’hébergement, des paquebots transportant jusqu’à 4 000 personnes, les sites historiques et les musées d’Europe affrontent le plus grand embouteillage culturel de leur histoire.

Dans le livre d’or de Giverny : « S’il y a un enfer sur Terre, c’est ici ». Dans celui du Louvre : « on fait la queue pendant des heures pour entrer au musée, pour accéder aux toilettes, aux restaurants, enfin pour voir les peintures … A éviter comme la guillotine ! » Sur celui de la National Gallery à Londres : «Mon mari a eu une attaque de panique. » Et en ligne, à propos de la maison d’Anne Franck à Amsterdam : « Ne perdez pas votre temps. Tapez plutôt “ visite de Beyoncé à la maison d’Anne Franck ʺ sur Google, ce sera aussi bien.»

Les touristes expérimentés conseillent de visiter le Colisée avant 11 h 30, car il faut une bonne heure à ceux qui débarquent des bateaux de croisière pour arriver en ville, ou d’attendre 16 h pour visiter Dubrovnik, quand les mêmes sont repartis, d’éviter Versailles le mardi, jour de fermeture des autres sites, etc.

Les musées et les offices de tourisme inventent toutes sortes de stratégies pour faire face à l’afflux de visiteurs. La Chapelle Sixtine fait nocturne le vendredi jusqu’à minuit. La Galerie des Offices à Florence vend des entrées meilleur marché pour des mini-visites. Depuis des années, dans la Tour de Londres, on passe sur un tapis roulant devant les bijoux de la Couronne. Après ses transformations, le Rijkmuseum, ouvert 7 jours sur 7, peut maintenant accueillir 5 millions de visiteurs par an, deux fois plus qu’avant. Vous n’avez pu vous procurer un billet pour admirer La Cène de Léonard de Vinci  à l’Eglise Santa Maria delle Grazie à Milan ? Allez donc voir sa copie du XVIIème siècle dans la crypte d’une autre église, vous recommande –t-on … Il y a même eu un week-end de mai où le site officiel du Château de Versailles conseillait aux touristes, non de s’inscrire à l’avance, mais de ne pas venir du tout !

Le Louvre est le musée le plus visité au monde et on se demande si cela ne joue pas contre lui. On a beau faire transformations sur transformations, élargir les horaires, améliorer la réservation en ligne, c’est toujours la foire d’empoigne. La Joconde est le « ground zero » du tourisme. 40 000 personnes par an vont admirer son mystérieux sourire pendant 11 secondes (si elles y arrivent)… et prennent une photo des gens en train de prendre une photo … Remarque d’un étudiant venu d’Italie : « Cela ferait bien rigoler Léonard ! ».

Ellen Gamersan, Inti Landauro et Liam Moloney – The Wall Street Journal – 29 mai 2015
Prospective.fr

 

Les Néerlandais repeuplent le désert médical français

« Les jeunes médecins français, une fois leurs études terminées, restent généralement en ville. Ils ne veulent pas habiter à la campagne, leurs conjoints encore moins. De plus, on forme trop peu de médecins en France pour répondre à la demande et certains praticiens prennent leur retraite dès 55 ans. Prenez une région comme la Bourgogne (aussi grande que les Pays-Bas), où la population s’élève à 1,6 million d’habitants : chaque année, 50 à 60 médecins partent à la retraite. Mais sur les 70 médecins nouvellement formés, un seul tout au plus s’installe à la campagne. »

Celui qui parle ainsi, c’est Jan van der Lee, « importateur de médecins ». Il y a une quinzaine d’années ce Néerlandais âgé aujourd’hui de 61 ans, s’est installé en France. Au cours des huit dernières années, il a fait venir 70 à 80 médecins néerlandais et belges dans les campagnes françaises. Et il reste beaucoup à faire : « Dans les années à venir, il y aura au moins 1 000 nouveaux postes à pourvoir. »

Outre de nombreux Conseils Généraux, de plus en plus d’hôpitaux s’adressent à lui. Les Néerlandais sont bien vus des Français : ils se mettent rapidement à la langue et ont la réputation d’être sérieux. Ceux qui viennent sont surtout des jeunes et des quinquagénaires. Certes, on savait déjà qu’ils aimaient nos campagnes et nos montagnes puisqu’ils y ont déjà beaucoup de résidences secondaires. Leurs motivations pour exercer leur métier en France : ils y gagnent mieux leur vie car les frais de logements sont moins élevés, les écoles et les crèches gratuites ;  et – ne riez pas – ils estiment que les contraintes administratives sont moins lourdes en France que chez eux !

Frans Van Halder – Brabant Dagblad – 21 mars 2015 – repris par Courrier International – 30 avril 2015

Productivité en pilules

New-York, 23 heures passées. Elizabeth, patronne d’une PME de haute technologie, doit préparer une présentation pour le lendemain et les informations dont elle a besoin continuent de lui parvenir par mail. Elle envoie un SMS à son « dealer ». Une demi-heure plus tard il sonne à son appartement. Elle lui tend une liasse de billets, reçoit en échange une enveloppe et se remet à son ordinateur. C’est qu’elle a encore au moins quatre heures de travail devant elle. Elle avale une pilule orange pâle. Hésite une seconde, en avale une rose. Et se remet au travail. Elle tiendra ainsi jusqu’à 7 h du matin, dormira 90 mn et arrivera au bureau à 9 h.

Cela fait longtemps que les étudiants américains détournent, pour augmenter leurs capacités de raisonnement et de mémorisation, l’Adderall, un psychostimulant constitué de quatre sels d’amphétamine, normalement prescrit dans le traitement du trouble déficitaire de l’attention ou hyperactivité et de la narcolepsie. Des professionnels de tous domaines commencent à faire de même. Et ils sont de plus en plus nombreux à en devenir dépendants, au grand dam des médecins qui soulignent les risques des effets indésirables et de l’addiction elle-même.
« Mes concurrents en prennent. Si je n’en prenais pas aussi », se justifie Elizabeth, « ce serait comme disputer un match de tennis avec une raquette en bois. Ce médicament est nécessaire à la survie des meilleurs. »

Un avocat raconte qu’à force de se doper il avait atteint une productivité incroyable, qui impressionnait ses patrons et ses clients. Et puis, il y a eu les battements de cœur, la transpiration excessive, l’anxiété, l’insomnie… Son travail s’en est ressenti, son caractère a changé … Il a perdu son travail et son épouse … Il a pu recommencer sa vie après six semaines dans une clinique de désintoxication. « Les amphétamines étaient vite devenues pour moi des béquilles et je ne pouvais plus marcher sans elles. »

La plupart des gens qui veulent travailler ainsi sous amphétamines obtiennent une ordonnance en simulant les symptômes de l’hyperactivité. A Elizabeth il a suffi d’aller voir un psychiatre et de lui dire qu’elle ne parvenait plus à se concentrer sur son travail. Et quand elle se sent trop excitée par ses médicaments … elle ajoute un décontractant !

Alan Schwarz – International New York Times – 20 avril 2015


De précieuses gouttes d’eau dans l’océan

Pollution, pêche intensive, destruction des lieux de reproduction : de plus en plus d’espèces maritimes sont menacées d’extinction. Les actions d’envergure sont difficiles à mettre en œuvre. L’Aquarium de la Nouvelle Angleterre à Boston a choisi d’accorder quelques milliers de dollars à des projets très précis. Depuis 1999, 700 000 $ ont permis de soutenir, dans 40 pays et sur six continents, 122 projets porteurs d’espoir pour l’océan.

Par exemple : 6 700 $ pour acheter un compresseur d’occasion pour scaphandre afin d’aller explorer les récifs de coraux de la Mer d’Oman ; 5 000 $ pour aller étudier les dauphins au large de l’Iran, là où aucune organisation officielle n’ose se rendre, puis en Inde et au Pakistan le dauphin aveugle de l’Indus, piégé par les barrages ; 8 000 $ pour une grande campagne d’information et de sensibilisation afin de sauver la Raie Manta et sa cousine la Mobula, victimes collatérales de la pêche industrielle au filet et de plus recherchées par la pharmacopée chinoise pour les vertus prétendues de leurs branchies séchées.

Les pêcheurs chiliens avaient l’habitude de rejeter à l’eau leurs filets abîmés impossibles à réparer. Or ces filets sont des pièges mortels pour les poissons et les oiseaux marins. Avec 6 000 $, on a pu installer un peu partout des containers destinés à les recueillir. Les filets ensuite recyclés deviennent des skateboards, dont le produit de la vente est reversé aux villages pour financer leur équipement.

« Les subventions importantes sont assorties de toutes sortes de limitations. Mais les subventions modestes vous laissent plus de liberté et la possibilité de changer votre action en cours de route si vous le jugez nécessaire », commente l’un des heureux bénéficiaires.

La Fondation de l’Aquarium de Boston a créé un réseau pour conjuguer toutes ces réussites. Les chercheurs qui travaillent sur les mêmes espèces dans des régions différentes peuvent ainsi s’enrichir réciproquement de leur expérience. Sans oublier les populations locales qui en savent souvent bien davantage que les scientifiques qui débarquent. Ainsi, un vieux pêcheur sri lankais a-t-il enseigné au doyen de la Fondation pour l’Environnement du Karnataka (Inde) comment naviguer sans compas à travers l’archipel, rien qu’en observant les reflets du lagon sur les nuages.

Karen Weintraub – International New York Times – 29 avril 2015


Sur la plage, le corps de mes frères …

Alors que les Européens s’indignent de la mort de milliers de migrants africains en Méditerranée et ne savent que faire, les dirigeants africains restent muets. Or ce sont leurs ressortissants qui, avec les Syriens et les Afghans, périssent en mer. C’est tout juste si la présidente de la Commission de l’Union africaine, Nkosazana Dlamini Zuma, a tardivement exprimé ses « condoléances » et appelé à davantage de « dialogue ». Quant au président du Sénégal, Macky Sall, il s’est contenté de « saluer la mémoire des victimes ».

La vie de la majorité des Africains est si misérable que leurs dirigeants ne sont pas choqués de voir que beaucoup risquent la mort pour y échapper. Les organisations des Droits de l’Homme accusent les leaders européens d’inhumanité, mais n’évoquent aucunement la responsabilité des dirigeants africains. Comme l’écrit le journal sénégalais, le Quotidien. « C’est comme si nos dirigeants, qui ne donne aucun espoir d’emploi aux jeunes, leur disaient eux-mêmes : ʺ eh bien, allez vous noyer, au moins cela fera baisser notre taux de chômage “ ! »

Le Mali, la Gambie, le Nigéria, le Sénégal se situent dans le top 10 des pays qui produisent des migrants illégaux. Le Sénégal se vante d’être la démocratie la plus réussie d’Afrique. Le Nigéria connaît une croissance double de celle de la plupart des pays occidentaux, même depuis la baisse du prix du pétrole. Le Mali émerge à peine d’une guerre civile. La Gambie – bien qu’elle ressemble plus à une prison en plein air qu’à un véritable pays – jouit d’une industrie touristique prospère. Et pourtant, dans tous ces pays les gens n’ont pas de meilleur projet que de risquer leur vie sur des rafiots dans l’espoir de rejoindre l’Europe.

Le cas du Sénégal est révélateur. Voilà un pays du continent africain qui plait aux investisseurs occidentaux parce qu’il n’est dirigé ni par un septuagénaire inamovible, ni par un dictateur fou, ni par un général, et où la corruption a l’élégance d’être discrète. Mais la vie de la plupart de ses habitants est loin d’être facile. Demandez à un Sénégalais comment ça va, il vous répond : « sénégalaisement ». C’est-à-dire, selon un rapport de la Banque mondiale : pratiquement pas de création d’emplois ; un Sénégalais sur cinq travaillant à plein temps ; le déclin du secteur de la construction et des services depuis 2012 ; la moitié de la population sous le seuil de pauvreté ; seuls les investissements publics augmentent … Pas étonnant que nombreux sont les villages sénégalais, de la côte et de l’intérieur, qui pleurent leurs disparus en mer.

Le président de la Gambie, Yahya Jameh, qui bafoue tellement les droits de l’homme dans son pays que Dakar est plein de réfugiés gambiens, est le seul à avoir parlé publiquement du désastre. Mais c’était pour, aux Nations Unies, accuser les Occidentaux de « provoquer délibérément, par racisme et indifférence à la vie humaine, les naufrages de bateaux transportant des Africains» et évoquer «une force mystérieuse et mortifère conduisant à la désintégration des navires ».

Adam Nossiter – International New York Times – 29 avril 2015


Comédie musicale pour leçon d’économie

La révélation récente par la presse américaine de l’ « exploitation » des petites employées des salons de manucure a provoqué dans le pays un grand débat politique et sociétal et l’annonce de toutes sortes de mesures d’urgence pour mettre fin à ce « scandale ».

Et si on changeait de point de vue ? Voyez le personnage d’Eliza Doolittle, interprété par Audrey Hepburn, dans le film de George Cukor My Fair Lady (1964) – lui-même adapté de la pièce de théâtre de George Bernard Shaw, Pygmalion (1938). Entendez ce que les auteurs, Alan Jay Lerner et Frederick Loewe, ont mis dans sa bouche.

Eliza vend des fleurs dans la rue. Soudain elle se rend compte qu’un homme prend en note tout ce qu’elle dit. Ce n’est pas un policier qui traque le travail illégal, mais un professeur de phonétique. Il lui explique que si elle continue à parler aussi mal (note de la traductrice : il y a en anglais beaucoup de niveaux de langue et on distingue, plus encore qu’en France, les classes sociales rien qu’à l’accent et à la prononciation), elle restera sa vie entière dans le caniveau. Il lui dit aussi qu’il se fait fort de lui enseigner en quelques mois le parler correct et les belles manières. Qu’ainsi elle pourra accéder au métier de « femme de chambre » ou de « vendeuse dans un magasin ». Le lendemain matin, Eliza va sonner chez lui car, dit-elle, elle voudrait bien quitter son coin de rue pour devenir « une lady dans un magasin de fleurs ».

Notez qu’elle ne met pas son espoir dans le changement des lois régissant les vendeurs de rue. Pour elle, la mobilité sociale dépend de son aptitude à acquérir de nouvelles compétences. Si on laissait aux auteurs de comédies musicales le soin de rédiger le Code du travail, ce dernier serait non seulement beaucoup plus divertissant mais également bien plus efficace !

William McGurn – The Wall Street Journal – 30 mai 2015


L’aventurier de la carte postale perdue

« J’enseigne depuis peu à la toute nouvelle université de Kunshan, une ʺ petite “ ville de 2 millions d’habitants à l’ouest de Shanghai. J’aimerais bien envoyer des cartes postales à ma famille et mes amis. Mais impossible d’en trouver, de trouver des timbres, et des timbres qui collent. Et où sont les boîtes aux lettres ? Sur le campus, tout le monde trouve ma quête étrange. Même dans les sites touristiques alentour, je n’ai vu qu’un seul Chinois écrire une carte.

Certes, je suis un peu un dinosaure en ces temps d’Internet. Mais quelle façon plus jolie de montrer qu’on était vraiment là où on était et quelle façon plus gentille de dire à ses amis qu’on ne les oublie pas ? La carte postale est le twitter de l’ère de l’écriture.

A la Maison de la presse, des journaux et des cahiers. Pas de carte postale. Dans la grande librairie de cinq étages, des livres, des bâtons de colle, des cartes de la région (tout en chinois). Pas de carte postale. Finalement, lors d’un court séjour à Shanghai, nous avons trouvé notre bonheur à l’hôtel : le concierge avait une cache secrète de cartes postales anciennes en noir et blanc. Mais il nous a prévenus : les timbres collent mal. Nous lui avons fait confiance pour les poster lui-même. Plus facile d’envoyer un selfie devant le mausolée de Mao…

Certes, il n’y a pas qu’en Chine que la carte postale semble en fin de vie. Mais les Chinois ont une longue tradition de calligraphie et les écoliers s’y appliquent encore pendant des heures à copier les mêmes idéogrammes qui ont été, il y a des milliers d’années, gravés sur les carapaces de tortues. Et voilà qu’un minuscule écran et deux pouces sur un petit clavier remplacent un rouleau de papier et des lettres délicatement tracées par le pinceau trempé dans l’encre de Chine ! »

Stephen R. Kelly – International New York Times – 3 juin 2015


Une plume d’oie dans votre ordinateur

Nous sommes de moins en moins nombreux à écrire à la main. Illusion de la nostalgie, ce qui est rare devient précieux. Objets faussement griffonnés par Ben, Mur pour la Paix au Champ de Mars à Paris, couvertures de livre avec une phrase de l’auteur, petits objets où est reproduite une citation … l’écriture cursive a acquis un statut artistique.

L’informatique avait semblé sonner le glas de cette écriture. C’est elle qui va sans doute permettre sa résurrection sous une autre forme. Les jolies lettres en pleins et déliés comme à la plume sergent major sont à la portée de qui veut, grâce à de nouvelles fontes utilisables sur les traitements de texte des ordinateurs. Ces fontes sont irrégulières et, au final, on a vraiment l’impression d’un texte écrit à la main.

Les plus remarquables ont été conçues à Francfort. Elles imitent l’écriture de personnages illustres : la fonte White vous donnera l’écriture de la poétesse anglaise Emily Dickinson, la fonte Finlandia, celle du compositeur finnois Sibelius et Mister K, celle du romancier tchèque Kafka … paradoxe ou clin d’œil, puisqu’il dénonçait la déshumanisation due à la bureaucratie. Il existe aussi un système de fontes copiant l’écriture de Freud. Enfin, depuis peu, vous pouvez, si vous le souhaitez, écrire comme Einstein.

Pour que le résultat semble le plus naturel possible, il existe plusieurs versions de chaque lettre haute (comme un « h ») ou basse (comme un « g ») repérées dans les textes originaux de l’auteur ; le logiciel choisit celle qui se marie le mieux avec la lettre précédente ; et quand une lettre est répétée, elle n’est pas deux fois exactement la même.

Sarah Sloat, de Francfort – The Wall Street Journal – 4 juin 2015


Plaidoyer pour l’autonomie des écoles

Un projet inspiré de la Suède est en passe de bouleverser le système scolaire britannique. Les free schools, lancées au début de son mandat par David Cameron, connaissent un essor rapide : 250 se sont ouvertes depuis 2010 et 500 de plus sont attendues d’ici à 2020. Elles viennent compléter les academies créées par le gouvernement précédent pour introduire dans la gestion des écoles publiques un élément fondamental : l’autonomie. Deux tiers de l’enseignement secondaire serait désormais concerné.

Les fondateurs de ces écoles, souvent des parents désireux d’innover, décident eux-mêmes de leurs principes de gestion et de pédagogie, en respectant les grandes lignes définies par l’Etat sur le contenu de l’enseignement et les critères d’admission. Libres à eux d’établir le nombre d’heures de cours, de choisir les matières enseignées (la lutte gréco-romaine, le mandarin, le jardinage ou la robotique ont ainsi fait leur apparition), de recruter des enseignants qui leur semblent les mieux adaptés, indépendamment de leurs diplômes (qui peut se plaindre qu’un compositeur reconnu devienne prof de musique ?), d’introduire les MOOC et les iPad ou au contraire de revenir à la plume et à l’encrier, d’adopter la méthode Montessori ou de pratiquer la plus grande sévérité (uniforme obligatoire et cours supplémentaires sur Platon et Machiavel pour les fauteurs de troubles) …

Les free schools sont « free » dans les deux sens du terme, car intégralement financées par l’Etat, sur la même base budgétaire que l’enseignement public.

Elles se sont développées avant tout dans les quartiers les plus populaires et produisent des effets positifs sur l’ensemble des écoles voisines.

Les Britanniques nous montrent ainsi la voie d’un Etat qui régule et facilite sans décider de tout pour tous, favorisant mieux l’égalité des chances réelles que ne le fait un égalitarisme formel.

Gaspard Koenig – Les Echos – 10 juin 2015


 

En avant la musique !

Ah, si chaque enfant recevait un instrument de musique et apprenait à s’en servir ! Il possèderait la plus belle des deuxièmes langues : le langage de la musique. La musique populaire aide à comprendre et exprimer ses émotions. La musique classique et le jazz permettent d’approfondir cette expérience.

Dans un récent rapport intitulé L’art pour l’art ? L’impact de l’éducation artistique, l’OCDE souligne que la pratique musicale, active ou passive, développe les capacités cognitives.

C’est ainsi que la Suisse vient d’inscrire l’enseignement et la pratique de la musique dans sa Constitution. L’inscription de la musique dans le socle constitutionnelle n’émane aucunement d’un comité Théodule des programmes éducatifs qui se serait entiché de solfège. L’idée a d’abord fait l’objet de débats approfondis et reçu la consécration d’une votation populaire en septembre 2012. A la question « Acceptez-vous l’arrêté fédéral du 15 mars 2012 sur la promotion de la formation musicale des jeunes ? », 72% des citoyens helvètes ont répondu « oui ».

Et pour que cela ne reste pas un vœu pieux, un programme pluriannuel 2016-2020 sera voté par le Parlement dans les prochains mois. Le projet existant souligne que « le chant et la pratique active de la musique permettent de vivre des émotions intenses et stimulent les compétences créatives, émotionnelles, intellectuelles et sociales des jeunes personnes. »

Jean-Pierre Robin – Le Figaro – 15 juin 2015
Fiona Shaw – Prospect – Juillet 2015

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