PROMOUVOIR LA DÉMARCHE PROSPECTIVE

prospective>>> En Allemagne, une université en ligne au secours des réfugiés
>>> Sortie pédagogique sans quitter la classe
>>> Les vautours, ces malaimés qu’il nous faut aimer
>>> Des villes-nénuphars pour les réfugiés climatiques
>>> Qu’est il arrivé à l’Amérique allemande ?
>>> Les ordinateurs seront-ils vraiment intelligents ?
>>> Qui singe qui ?
>>> Pas de gâchis pour Ganesh
>>> Sourions, nous sommes filmés
>>> Le problème des automobiles sans conducteur : les humains

En Allemagne, une université en ligne au secours des réfugiés

Près d’un million de réfugiés devraient rejoindre l’Allemagne cette année. Leur avenir dans le pays qu’ils ont apparemment choisi dépendra de leur capacité à parler la langue et à accéder au marché du travail. Or, quelle que soit leur volonté de s’intégrer et de reconstruire leur vie, quelles que soient leurs compétences, les demandeurs d’asile doivent attendre des années avant d’être autorisés à étudier : souvent ils ne parlent pas assez bien l’allemand, ne serait-ce que pour remplir des formulaires d’inscription et ils sont tenus de présenter des diplômes antérieurs, des documents souvent disparus dans le tumulte de leur traversée.

C’est pour remédier à ce problème que deux étudiants berlinois, Vincent Zimmer et Markus Kressler, conseillers psychologiques bénévoles auprès des réfugiés, ont fondé l’an dernier l’Université Kiron, du nom du centaure de la mythologie grecque réputé venir en aide à autrui.

Kiron a été mis au point par une équipe de plus de 150 bénévoles, aussi bien des étudiants que des entreprises comme Goldman Sachs et Lufthansa. Son programme se déroule en trois étapes. La première année, on propose aux étudiants de faire un bilan de compétences et d’apprendre l’allemand et l’anglais. Ils devront aussi suivre des cours préparatoires ou commencer des études universitaires. La deuxième année, ils seront invités à choisir l’un des cinq programmes d’études disponibles : commerce, ingénierie, architecture, informatique et culture générale. Les cours en ligne sont conçus par les meilleures universités, comme Harvard, Stanford et Yale. Ils sont actuellement disponibles en anglais, mais des programmes en arabe et en français devraient également être bientôt accessibles.

Enfin, en troisième année, les étudiants seront autorisés à étudier dans l’une des universités partenaires de Kiron, qui leur donnera la chance de terminer leurs études en tant qu’étudiants comme les autres.

Jusqu’à présent, plus de vingt universités, dont certaines en dehors de l’Allemagne, se sont engagées à accepter les étudiants de Kiron, le moment venu. Ce soutien n’est pas surprenant : les universités allemandes sont financées par le gouvernement local sur la base de leur nombre d’étudiants. Des régions entières en Allemagne sont de moins en moins peuplées et affichent un taux d’abandon élevé au cours de la troisième année d’études. Accepter des étudiants réfugiés est une situation gagnante pour tous.

« Notre atout est notre bon réseau dans l’économie allemande », explique Younes Ouaqasse, 26 ans, directeur des opérations de Kiron. « Nous savons quelles compétences attendent nos entreprises et nos programmes d’études sont adaptés en conséquence. Nous voulons que les gens soient en mesure de trouver un emploi une fois leurs études terminées ».

Les fondateurs prévoyaient de commencer les cours en octobre avec un petit projet pilote, mais ils ont reçu plus de 15 000 candidatures ! Au lieu de demander un financement gouvernemental, les fondateurs se sont tournés vers Internet pour lever les 1,2 million d’euros qui couvriront les frais de scolarité de 100 000 étudiants. Ils ont à ce jour recueilli plus de 140 000 euros.

« Le gouvernement ne peut pas être responsable de tout, ni toujours faire les choses mieux que les citoyens ordinaires », insistent les fondateurs de Kiron. “ Et si vous avez une bonne idée, vous devez juste aller de l’avant et la mettre en œuvre ».

Polina Garaev – i24news – 29 septembre 2015

 

Sortie pédagogique sans quitter la classe

Pour illustrer son cours sur Roméo et Juliette de Shakespeare, Jeannie Choi, professeur d’anglais dans un collège de Chicago a emmené sa classe de de 5ème  à travers les rues de Vérone, les a fait s’arrêter d’abord devant la façade d’un immeuble connu sous le nom de « Maison de Juliette » puis auprès d’une tombe très ancienne qui aurait pu être celle de l’héroïne. Et tout cela sans quitter la salle de classe : le professeur dispose d’une application qui lui permet de guider les élèves, munis chacun d’un simple smartphone au fond d’une boîte en carton, dans une excursion visuelle en trois dimensions de la ville italienne.

« Avec leurs smartphones et leurs tablettes les jeunes de 12 ans ont l’habitude d’accéder immédiatement et visuellement à toutes sortes d’informations. Impossible de retenir leur attention avec un simple exposé oral », explique Mme Choi qui a saisi cette occasion de les faire plonger autrement dans le texte qu’elle voulait leur faire découvrir.

Cette application, nommée Expeditions, est testée dans des établissements secondaires aux Etats-Unis. Elle a été lancée par Google et combine Google Street View et la technologie 3D de GoPro. Il existe pour le moment 100 excursions pédagogiques en réalité virtuelle – la Grande Muraille de Chine, le Hall de l’Indépendance à Philadelphie, les formations rocheuses du Parc national Yosemite, etc. – qui peuvent illustre des cours de littérature, d’histoire, de mathématiques, de sciences … En projet : des journées-métiers pour accompagner un professionnel sur son lieu de travail et aider les collégiens et lycéens à s’orienter …

« Il ne s’agit pas forcément d’images spectaculaires », commente Jennifer Holland, directrice du département Education de Google. « Il s’agit de pouvoir voir les choses sous un nouvel angle, qui ne vous est pas accessible autrement. »

Natasha Singer – International New York Times – 29 septembre 2015

Les vautours, ces malaimés qu’il nous faut aimer

On a vu en Inde ce que risque un écosystème quand les vautours viennent à manquent : des hordes de chiens sauvages se repaissent des charognes abandonnées, ils se multiplient – il y a environ 25 millions de chiens sauvages en Inde actuellement – et répandent la rage qu’on croyait éradiquée. En effet, les vautours sont les nettoyeurs les plus efficaces ; grâce à l’acidité de leurs sécrétions gastriques, ils peuvent se nourrir de bêtes malades sans en être affectés ; par là même, ils réduisent les risques d’épidémie. Mais ils sont fragiles. 90% meurent lors de leur première année. Et ils ne deviennent sexuellement mûrs qu’à l’âge de 5 ans. C’est dire si leur population doit être nombreuse pour rester nombreuse.

En Afrique aussi, la nature est menacée par la disparition des vautours. Chaque année, au moins un demi-million de bêtes sauvages périssent lors de leur migration depuis le parc national de Serengeti en Tanzanie jusqu’à la réserve nationale massai Mara au Kenya. Pour nettoyer tous ces cadavres, il y avait toutes sortes de charognards, dont les plus importants étaient les vautours. Il y a dix ans, tout était nettoyé en quelques minutes. Aujourd’hui, un très grand nombre de carcasses pourrissent sur place. En effet, la population de huit espèces de vautours a décliné en moyenne de 62% ; et parmi elles, sept ont diminué de 80% en seulement trois générations. Et tout cela par la faute des hommes.

Pour éviter d’être pris, les braconniers qui tuent des éléphants pour leur ivoire, les empoisonnent afin d’éliminer les vautours qui s’en repaissent. En effet, il faut plus d’une heure à un braconnier pour scier les défenses d’un éléphant. Les vautours, eux, repèrent les carcasses en moins d’une demi-heure. Et leur vol circulaire alerte les gardes. Dans le parc de Mara, les vautours ne sont pas la cible directe des braconniers mais les victimes collatérales de l’empoisonnement de carcasses de bétail : les bergers Massaï les empoisonnent exprès pour éliminer les grands carnivores comme les hyènes qui menacent leur bétail … mais les vautours viennent, les mangent et meurent.

A ceux qui militent en faveur des vautours, les autorités protectrices des animaux sauvages en Afrique rétorquent qu’elles ont assez de travail avec les éléphants et les rhinocéros. Pourtant, on peut encore agir. Ainsi, le Condor avait presque totalement disparu de Californie, empoisonné par le plomb. En 1987, il en restait exactement 24. Grâce au travail de la fondation Peregrine, dédiée à la sauvegarde des oiseaux de proie et basée en Idaho, une trentaine d’années plus tard, on en compte environ 400, dont moins de la moitié en captivité. Munir Virani, directeur de Peregrine pour l’Afrique et l’Asie, espère arrêter à temps le déclin des vautours d’Afrique. Son programme implique en premier lieu les populations Massai d’Afrique de l’Est afin qu’elles changent d’attitude. Mais on est encore loin du compte.

De même que l’on savait autrefois qu’une mine de charbon était dangereuse si les canaris qu’on y descendait arrêtaient de chanter, de même la disparition des vautours est un signal des menaces qui pèsent sur la planète. Aimons les vautours ! Sauvons-les !

Marc Santora – International New York Times – 27 septembre 2015


Des villes-nénuphars pour les réfugiés climatiques

Suite à la fonte des calottes glaciaires de l’Antarctique et du Groenland d’une part et des glaciers continentaux d’autre part et en raison de la dilatation de l’eau sous l’effet de la température, le niveau des océans s’élève. Cette montée des eaux entraînera des pertes de terres émergées de plus en plus considérables. Le premier mètre affectera plus de 50 millions de personnes. Le second détruira des terres fertiles. Aucune région du monde ne sera épargnée. Il est urgent de passer d’une stratégie de réaction dans l’urgence à une stratégie d’adaptation et d’anticipation durables.

Pour répondre à ce défi Vincent Callebaut et son équipe d’architectes ont conçu Lilypad.

Cette « Ecopolis » flottante a pour objectif non seulement d’étendre viablement en offshore les territoires des pays les plus développés, par exemple, la principauté de Monaco, mais surtout de garantir un habitat aux futurs réfugiés climatiques des prochains territoires ultra-marins submergés, en premier lieu les atolls polynésiens.

Il s’agit d’une véritable ville amphibienne, mi-aquatique et mi-terrestre, pouvant abriter plus de 50 000 habitants et invitant la biodiversité à développer sa faune et sa flore. La coque est constituée de fibres de polyester recouvertes d’une couche de dioxyde de titane qui, en réagissant aux rayons ultra-violets, permet d’absorber la pollution atmosphérique par effet photocatalytique. Autour d’un lagon central d’eau douce qui reçoit les eaux de pluie filtrées par des balcons potagers, des marinas et des montagnes pour des logements, des bureaux, des espaces de loisir … Le tout est recouvert d’une strate de logements végétalisés en jardins suspendus et traversée par un réseau de rues et de traboules au tracé organique. Lilypad est un vrai projet écologique : plus d’énergie produite que consommée, une agriculture biosuffisante.

La structure est directement inspirée de la feuille fortement nervurée du nénuphar géant d’Amazonie Victoria Regia agrandie 250 fois : de toutes les espèces vivantes, c’est la plante qui propose la meilleure structure flottante au monde, concentrique et épousant les mouvements de la mer. Et effectivement, cette ville est vouée à flotter sur les océans. Elle pourrait même être déplacée du littoral aux eaux internationales et ce serait une ville nomade pour les migrants environnementaux.

lesoir.be – 17 avril 2008 – Caroline Roux – Europe 1 – 25 septembre 2015


Qu’est-il arrivé à l’Amérique allemande ?

De tous les Américains, les plus nombreux sont ceux qui sont issus de l’immigration allemande. Mais à la différence de ceux dont les ancêtres étaient britanniques, italiens ou mexicains, ils sont rares à s’en prévaloir. En dehors de l’Oktoberfest, la culture germanique a largement disparu du paysage américain.

Au début du XXème siècle, les immigrés allemands représentaient, depuis le nord-est du Wisconsin jusqu’au fin fond du Texas, 8 millions de personnes sur une population totale de 76 millions. Un quart des 3 400 000 habitants de New-York parlaient allemand, presque autant qu’à Berlin ou Vienne. Ils avaient, à travers le pays, donné leur nom à des églises, des chœurs, des entreprises. Avant la Prohibition, ils dominaient l’industrie de la bière et ont laissé leur trace dans des noms de bières comme Pabst, Busch et Miller. Ils ont été très présents dans les médias avec, dans les années 1900, 488 quotidiens et hebdomadaires en langue allemande. Ils ont façonné la vie politique : ce sont des Américains d’origine allemande qui sont la base du parti Républicain.

C’est aussi pour cela que les Etats-Unis ont tardé à entrer en guerre lors de la première Guerre mondiale. Puis, pendant les 18 mois d’implication des Etats-Unis dans la Guerre, nombreux furent les citoyens aux racines allemandes à avoir été soupçonnés d’espionnage ou de sabotage, des centaines d’entre eux furent injustement emprisonnés, battus, revêtus de goudron et de plumes et une trentaine tués par la foule. Même la musique de Beethoven et de Brahms fut attaquée : « C’est la musique de la tempête, du désordre et de la dévastation. Elle combine le feulement de l’homme des cavernes et le hurlement du vent du nord », pouvait-on lire dans le Los Angeles Times de juin 1918. Partitions et livres furent brûlés en autodafé. Pas étonnant ensuite que beaucoup aient cherché à dissimuler leurs origines : les noms propres furent anglicisés ; les abonnements aux journaux allemands résiliés et ces derniers disparurent. Et le peu qui restait de la culture allemande fut balayé lors de la deuxième Guerre mondiale.

Mon grand-père Joseph Kirschbaum a connu cette époque troublée. Né à New-York en 1891 de parents immigrés, il parlait anglais à l’école et allemand à la maison et avec les amis de la famille. Or, plus tard, il prétendra avoir complètement oublié cette langue.

De grandes figures américaines sont d’origine allemande : l’astronaute Neil Armstrong ; le président de la banque mondiale Robert B. Zoellick ; le fabriquant de pianos Henry (précédemment Heinrich) Steinway ; Walter P. Chrysler, des voitures du même nom ; William E. Boeing, l’avionneur…

Avec le centenaire de la première Guerre et les 25 ans de la réunification de l’Allemagne, des surgeons réapparaissent : un club qui compte 93 membres, des Biergarten … Et des célébrités du sport comme Jürgen Kinsmann et Dirk Nowitzki se targuent maintenant de leurs origines.

Et pourquoi pas ? Il est bon de rappeler aux Américains que eux aussi sont le produit d’une culture d’immigrants qui, il n’y a pas si longtemps, a été réduite au silence par la peur et l’intolérance.

Erik Kirschbaum – International New York Times – 23 septembre 2015


Les ordinateurs seront-ils vraiment intelligents ?

Pour la première fois, un logiciel capable de voir des diagrammes, de lire des textes et de combiner ces deux aptitudes a su répondre à des questions de géométrie du niveau d’un élève de Première. Cet exploit a été présenté lors d’une conférence scientifique à Lisbonne par des chercheurs en informatique de l’Université Allen de Washington. Mais on est encore loin de machines imitant parfaitement l’intelligence humaine. Ainsi, comprendre ce que signifie une flèche dans un diagramme est à la portée d’un enfant, pas encore d’un logiciel. Déchiffrer le mode d’emploi d’un meuble en kits et le monter ensuite, n’est pas à la portée de tout le monde et en tout cas d’aucun logiciel à ce jour.

Dans les débuts de l’âge informatique, Alan Turing a proposé un test pour déterminer si une machine était capable de « penser » au sens humain du terme. Ce serait le cas, disait-il, le jour où une personne communiquant avec un ordinateur ne serait pas capable de dire si elle avait affaire à une personne ou à une machine. En juin 2014, des programmeurs russes et ukrainiens ont fait passer ce test avec succès à une chatbox déguisée en un jeune Ukrainien de 13 ans prétendument nommé Eugene Goostman. Mais le test de Turing mesure-t-il l’intelligence d’une machine ou la crédulité d’un humain ?

Il n’y a pas une mesure unique de l’intelligence humaine. Pourquoi y aurait-il une mesure unique de l’intelligence artificielle ? Il reste encore aux programmes informatiques à réussir d’autres tests. Par exemple, répondre à cette question : « La statuette ne rentre pas dans la valise car elle est trop grande. Qu’est ce qui est trop grand ? La statuette ou la valise ? »

L’avancée incontestable de l’Institut Allen est-elle un premier pas vers l’avènement d’une véritable intelligence artificielle ? Ou bien la remarque émise dans les années 1960 par Hubert Dreyfus, professeur de philosophie à Berkeley, continuera-t-elle de s’appliquer : « Croire qu’élaborer de tels programmes nous rapproche de l’intelligence artificielle, c’est croire que grimper à un arbre nous rapproche de la Lune. »

John Markoff – International New York Times – 21 septembre 2015


Qui singe qui ?

On vient de découvrir dans une petite nécropole, au fond d’une caverne d’Afrique du Sud les restes d’un parent lointain : Homo naledi. Il a des hanches d’australopithèque, un cerveau de la taille de celui d’un singe, mais ses pieds et ses dents le font classer dans le genre Homo. Cet être en mosaïque interpelle nos théories de l’évolution humaine.

« Nous trouvons en Afrique, commente le paléontologue britannique Chris Stringer, des hominidés très différents les uns des autres. Cela suggère que la nature a expérimenté en parallèle toute sortes de façons de faire évoluer les êtres humains ».

Chaque découverte nous dit quelque chose de nous-mêmes parce que les hominidés (humains, singes et êtres intermédiaires) sont génétiquement très proches les uns des autres. Nous avons eu beaucoup moins de temps pour évoluer séparément que les membres d’autres familles comme celle des équidés (chevaux, zèbres, ânes) ou des canidés (loups, chiens, chacals). N’était notre amour-propre, les taxonomistes auraient classé les hominidés dans un genre unique : les primates, les hommes avec les singes.

L’histoire que nous aimons nous raconter est celle d’une évolution continue du singe à l’homme en passant par l’australopithèque et une intelligence de plus en plus vive. Mais il n’en est rien. Il n’y a pas un moment précis où le singe est devenu homme, pas plus qu’il n’y a un point précis où l’orange devient rouge.

En dehors du langage, aucun trait réputé humain ne nous est propre. Les outils, la fabrication des outils, la culture, le partage de la nourriture, les projets, l’empathie, la conscience de soi … tout cela a été observé chez les primates en liberté et vérifié en laboratoire.

Ainsi, nous savons désormais que les singes ont le sens de la prévision : ils transportent des outils sur de longues distances et les placent là où ils ont l’intention de s’en servir plus tard. En fait, ils pensent sans mots, comme nous le faisons aussi la plupart du temps.

Quand un congénère meurt, ils ont visiblement du chagrin : ils restent silencieux, cessent de s’alimenter pendant plusieurs jours… S’ils n’enterrent pas leurs morts, c’est qu’ils ne restent pas au même endroit mais s’en vont plus loin. S’ils demeuraient dans la même grotte, peut-être le feraient-ils. Nous ne savons pas si Homo naledi a dissimulé ses morts parce qu’il croyait en un au-delà ou simplement pour éviter d’attirer des hyènes dans sa caverne.

Nous nous obstinons à nier que nous sommes une espèce de singe. La découverte de la créature mosaïque qu’est Homo naledi est peut-être l’occasion de surmonter notre anthropocentrisme et de reconnaître le flou de ces distinctions ; d’admettre que nous sommes nous-mêmes des mosaïques, par seulement génétiquement et anatomiquement, mais aussi mentalement.

Frans de Waal – International New York Times – 16 septembre 2015


Pas de gâchis pour Ganesh

Chaque année, lors de la fête consacrée au dieu indou Ganesh, des centaines de milliers d’idoles non biodégradables sont immergées dans la mer et les lacs. C’est un facteur de pollution. La fondation Sprouts Environmental Trust dont les bénévoles nettoient régulièrement les plages, notamment après ces festivités, a eu l’heureuse idée de faire fabriquer l’été dernier des statuettes du dieu-éléphant en argile creuse remplies de nourriture séchées pour les poissons qu’elles relâcheront peu à peu en se dissolvant dans l’eau.

Ces idoles ont été fabriquées par un artisan avec l’aide de la fondation et d’une agence de publicité.

Le projet #Godsavetheocean a fait le buzz. Les fidèles ont pris conscience de leur responsabilité vis-à-vis de la nature. « Nous pensions lancer une expérience pilote. Or, dès la première année, les demandes pour ces statuettes ont été vingt fois supérieures à ce que nous avions prévu», se réjouit Anand Peharkar, président de la fondation.

Open magazine India – 13 septembre 2015 – repris par Courrier international – 14 septembre 2015


Sourions, nous sommes filmés

De plus en plus de corps de métier portent des caméras embarquées : déjà des policiers aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne ; et bientôt des contractuels, des pompiers, des inspecteurs des bâtiments, des personnes chargées du contrôle des animaux, des maître nageurs, des directeurs d’établissement scolaires …

Un monde rempli de caméras de surveillance sera-t-il celui de Big Brother ? Des débats ont déjà lieu pour savoir combien de temps seront stockées les vidéos. Et on peut se demander ce qui arrivera quand ces outils seront utilisés par des gens malintentionnés …

Pour l’heure, on se rend compte que de tels dispositifs améliorent le comportement des personnes. Après avoir testé les caméras-piétons pendant un an, la police de Rialto en Californie a constaté que les agents qui en portaient faisaient usage de la force 60% moins souvent que ceux qui n’en portent pas. Dans le même temps, les plaintes des citoyens ont baissé de 88%. Peut-être même suffit-il que les gens aient l’impression d’être filmés. Des chercheurs de l’université de Newcastle au Royaume-Unis ont ainsi placé des boissons dans une salle de détente avec un panneau demandant aux consommateurs de les payer en mettant de l’argent dans une « boîte d’honnêteté ». Le panneau était accompagné soit d’une image de fleurs, soit de la photo d’un visage fixant l’observateur. Les personnes confrontées au visage payent en moyenne deux fois plus que celles face aux fleurs.

Judith Donath, du Centre d’étude sur Internet et la société à Harvard, pense même que la multiplication des caméras de surveillance aurait pour effet inattendu de rendre notre société plus tolérante. Si nous sommes plus nombreux à avoir des images embarrassantes de nous qui traînent sur Internet, nous deviendrons sans doute plus compréhensifs vis-à-vis de ceux qui en ont aussi.

Même les vidéos du quotidien ordinaire nous feront peut-être davantage apprécier les autres. Des chercheurs de la Harvard Business School et du University College de Londres ont placé des caméras dans le réfectoire d’une université. Les clients pouvaient observer en direct les cuisiniers aux fourneaux et les cuisiniers voyaient les clients attendre leur repas. Le taux de satisfaction à propos des plats a ainsi augmenté de 22%.

Aviva Rutkin – New Scientist (Londres- 25 juillet – repris par Courrier international – 3 septembre 2015


 

Le problème des automobiles sans conducteur: les humains

On espère bien que les accidents de la circulation baisseront sensiblement grâce aux voitures sans chauffeur.

Ce n’est pas encore le cas. Ceux qui les mettent au point ont encore du travail pour les programmer à réagir face à toutes sortes de situations inhabituelles, comme le car jacking ou une panne au beau milieu de la route. Le grand souci est de faire fonctionner ensemble la machine et l’homme. Une voiture Google a pu freiner plus vite qu’un humain pour éviter un passant distrait, mais si brutalement que le conducteur humain de la voiture qui suivait n’a pu ralentir et l’a violemment tamponnée. Les voitures que teste actuellement Google ne sont pas non plus capables de franchir un carrefour avec un STOP car la voiture automatique attend sagement que toutes les autres s’arrêtent complètement, alors que les conducteurs humains avancent petit à petit pour tenter leur chance. De même, à l’approche d’un feu rouge, si le capteur de la voiture automatique se rend compte qu’une voiture arrivant au croisement roule trop vite, la voiture automatique se jette sur le bas-côté pour éviter une collision, même si l’autre s’arrête finalement à temps …

« Le vrai problème, résume Donald Norman, directeur d’un laboratoire dédié à ces véhicules à l’Université de San Diego (Californie), « c’est que les voitures entièrement automatisées sont trop sûres. Elles ont encore à acquérir une agressivité proportionnelle au danger, et c’est une question de culture ».

Bref, le mariage homme-machine est encore imparfait.

Matt Richtel et Conor Dougherty – International New York Times – 2 septembre 2015

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