PROMOUVOIR LA DÉMARCHE PROSPECTIVE

prospective>>> Des formes de vie inconnues au fond du lac Vostok
>>> La fin des étagères
>>> La Bolivie légalise le travail des enfants
>>> et cherche quatorze heures à midi
>>> La chasse aux sorcières, version XXIe siècle
>>> Programmer les cellules souches
>>> L’explosion démographique des villes se poursuit partout
>>> Le retour des hiéroglyphes
>>> Un campus caméléon pour les changements à venir
>>> Des essaims de petits robots

Des formes de vie inconnues au fond du lac Vostok

Depuis des années, des expéditions scientifiques russes cherchent à explorer de plus en plus profondément les eaux obscures et glaciales du lac Vostok, isolé du monde par l’épaisse couche de glace antarctique.

Ces eaux,  saturées en oxygène, sont d’une pureté absolue. Inhospitalières pour les formes de vie connues. Mais pas pour d’autres : on y a trouvé d’étranges être dont l’existence alimente l’espoir de trouver des formes de vie inattendues qui ont pu développer des stratégies de survie inédites.

Ainsi, il existe des bactéries thermophiles, capables d’élaborer leurs protéines à partir d’éléments minéraux et qui survivent à des pressions de plus de 350 kg par cm2. Ainsi la bactérie extrêmophile Deinococcus radio-durans. Quand elle est soumise au rayonnement gamma à des doses 5.000 fois supérieures à la dose mortelles chez l’homme, son information génétique est pulvérisée. Il lui suffit pourtant de quelques heures pour reconstituer son patrimoine génétique et … ressusciter ! L’étudier pourrait peut-être jeter les bases d’une médecine régénérative applicable notamment aux pathologies neuronales.

On a trouvé, sur les parois de plusieurs grottes obscures, un lichen équipé d’un puissant système de photosynthèse, utilisant des pigments sensibles aux longueurs d’onde du bleu, très pénétrantes, pour exciter la chlorophylle et activer la transformation chimique du carbone en sucres. Moins de trois quarts d’heure d’exposition à une lumière infime suffisent à son métabolisme pour fabriquer des réserves d’amidon pour un an.

« Ces mécanismes extraordinaires permettent d’envisager des scénarios jusqu’ici réservés aux auteurs de science-fiction », s’enthousiasme Alain Couté, du Muséum national d’Histoire naturelle. Quelques exemples ? « Un gel de résistance aux grands froids pour l’espèce humaines, des poudres de décontamination nucléaire, des cosmétiques de régénérescence cutanées, des rétines capables de lire dans le noir… »

Pas étonnant que la revue New Scientist ait classé les travaux de recherches sous-glaciaire dans son Top 10 des résultats les plus attendus cette année.

Paul Molga – Les Echos – 5 mai 2014

 

La fin des étagères

A propos des écomusées et de l’anthropologie des objets, l’historien Thierry Bonnot se demande : «Peut-on faire un musée de soi-même ? Totaliser une vie dans les objets auxquels on est attaché ? » Et, il publie au beau milieu de son dernier livre, une photo intitulée : « Dans ma cuisine au mois de juin 2010 ». Le cliché montre un buffet et une étagère sur lesquels sont posés des pots en céramique, un bouquet de fleurs séchées, une mini-station météo, deux boîtes en métal, quelques fruits…

A la fois utilitaires et décoratives, les étagères servent à la fois à ranger et à montrer. Les objets que nous y avons disposés au fil du temps affichent – pour nous-mêmes et pour les gens que nous faisons entrer dans nos maisons – nos connaissances, nos goûts, nos préférences, nos priorités. Plus que les tableaux accrochés aux murs, nos étagères dévoilent notre caractère et racontent notre histoire personnelle. Elles sont comme un palais de mémoire auquel nous et nos amis avont constamment accès.

Les étagères existent depuis très longtemps.

En 1850, dans une île des Orcades au nord de l’Ecosse, une tempête a détruit une dune de sable, révélant les restes d’un village de l’âge de pierre préservé sous le sable pendant 5.000 ans. Les maisons avaient des cheminées, des lits et des étagères formées de planches posées sur des briques, à la manière des bibliothèques improvisées à la mode dans les années 1970. On peut imaginer que celles-ci servaient à ranger toutes sortes d’ustensiles domestiques et d’outils de l’époque.

Les peintures de la Renaissance représentent des objets fabriqués par l’homme mais aussi des personnages saints sur des étagères ou dans des niches.

Au XIXe siècle, entre les styles Biedermeier et Art Déco, l’accumulation des livres et des bibelots confère aux étagères toute leur importance. Dans les romans de l’époque, la description de son intérieur dit quelque chose du héros qui l’habite. La bibliothèque était un lieu rare contenant des manuscrits précieux ou une pièce séparée chez les gens plus riches et les plus instruits. Avec l’imprimerie offset, la bibliothèque est devenue un meuble à la portée de tous. Dans Une pièce à soi, Virginia Woolf cite neuf fois le geste de prendre ou remettre un livre à sa place.

« Sur mes étagères, écrit en substance Will Self, toutes sortes d’objets encore : des bibelots, des photos, des plantes en pot, une collection de presse-papier et des livres, des livres, des livres. Des encyclopédies richement reliées et des livres de poche écornés, des grands, des petits, bien classés ou posés horizontalement faute de place en hauteur. Mais aussi, récemment … un chargeur destiné à une liseuse qui peut contenir des centaines de livres numérisés. Nous sommes certainement la dernière génération qui place des livres sur ses étagères. Mais je me console en pensant qu’un jour l’urne contenant mes cendres sera elle aussi soigneusement entreposée dans un columbarium ».

Will Self – Prospect – juin 2014
Frédéric Keck – Le Monde – 26 Juin 2014
Thierry Bonnot – l’Attachement aux choses – CNRS Editions


La Bolivie légalise le travail des enfants

Selon la Convention 138 de l’Organisation internationale du travail (OIT), l’âge légal du travail pour les enfants est de 15 ans dans le monde, 14 ans dans les pays en développement. En Bolivie, pays de 10 millions d’habitants, 850 000 enfants et adolescents travaillent. Ils ont leur propre syndicat : l’Union des enfants et adolescents travailleurs de Bolivie (UNATSBO). L’an dernier, un nouveau Code de l’enfance était en discussion. Il prévoyait notamment de se conformer à la Convention.

Or, parmi des jeunes travailleurs des rues qui cirent des chaussures, vendent des bonbons ou des cigarettes à la sauvette, emballent les courses aux caisses des supermarchés beaucoup sont bien plus jeunes. L’UNATSBO s’est mobilisée en décembre 2013 pour que la loi tienne compte d’eux.

Le Président Evo Morales, qui aime à rappeler qu’il a lui-même travaillé dans son enfance, d’abord en tant que berger puis dans une briqueterie, a reçu ses représentant et les a écoutés. Le texte définitif de loi, finalement promulgué le 17 juillet 2014, prévoit : «exceptionnellement, les services de défense de l’enfance pourront autoriser les enfants et adolescents de 10 à 14 ans à travailler à leur compte et les adolescents de 12 à 14 ans à travailler pour une tierce personne, à la condition que cette activité ne nuise pas à leur droit à l’éducation et qu’elle ne soit pas dangereuse ».

Nombre d’ONG s’indignent. Pour les partisans de la nouvelle règlementation, cette disposition, en sortant les enfants travailleurs de la clandestinité qui favorise les abus, leur permettra d’être protégés. D’autres nations sud-américaines, notamment l’Uruguay, s’engagent dans la même voie.

Alfredo, 16 ans, membre de l’UNATSBO, s’adresse ainsi aux donneurs de leçons qui ne sont pas personnellement concernés : « Il y a beaucoup de pauvreté en Bolivie et l’argent des parents ne suffit pas toujours, sans parler de ceux qui ne vivent pas avec leurs parents. C’est la faim qui pousse l’enfant à travailler. C’est trop facile de dire “ interdit de travailler ”. Nous les enfants travailleurs, nous existons, nous sommes dans les rues et avons besoin de protection. »

La presse internationale – du 6 au 18 juillet 2014
Hélène Braun et Michel Valentin – Villermé et le travail des enfants
Economica, 1991 (en vente sur Amazon)


… et cherche quatorze heures à midi

Par décision du gouvernement bolivien, une étonnante horloge remplace, au fronton de l’Assemblée nationale à La Paz, l’ancienne horloge de 1905. Le cadran de la nouvelle horloge affiche une numérotation inversée et les aiguilles tournent de droite à gauche, c’est-à-dire … dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. (Figurez-vous une horloge classique où le 12 est bien en haut et le 6 en bas, mais où le 3 et le 9 ont échangé leur place).

Le Sénat a invité les citoyens à télécharger une application permettant de choisir le mode d’affichage sur les téléphones portables.

Explication : dans l’hémisphère Sud, les saisons sont l’inverse de celles de l’hémisphère Nord. De même les cadrans solaires : sur les cadrans horizontaux, l’ombre qui indique l’heure tourne de gauche à droite dans l’hémisphère Nord et de droite à gauche dans l’hémisphère Sud ; les cadrans verticaux sont orientés vers le Sud dans l’hémisphère Nord et vers le Nord dans l’hémisphère Sud. Il n’y a pas de différence pour les montres et les horloges à aiguilles, dont l’apparence relève d’un parti pris établi il y a longtemps au Nord.

Lors de l’inauguration de la grande horloge, le ministre des Affaires étrangères a déclaré : « Qui dit qu’une horloge doit toujours tourner dans le même sens ? Pourquoi devons- nous toujours obéir ? Pourquoi ne pouvons-nous pas être créatifs ? ». Et le président de la Chambre des députés de renchérir : « L’horloge inversée signifie changer nos mentalités afin de penser depuis le Sud, sans céder aux usages du Nord. Il est temps de mettre fin aux injustices au Nord par un nouvel ordre mondial qui naîtrait au Sud. Cela permettrait de retrouver  le chemin et l’identité des peuples de l’hémisphère Sud.»

La Razón, La Paz – Juin 2014
Repris par les médias du monde


La chasse aux sorcières, version XXIe siècle

Chaque année des hommes, des femmes, des enfants accusés de sorcellerie sont battus à mort, lapidés, brûlés vifs, décapités. Il en va ainsi dans certains pays d’Afrique, du Pacifique, d’Amérique latine, d’Asie.

Les progrès sont lents. La Papouasie Nouvelle Guinée vient d’abroger une loi de 1971 qui permettait à des coupables de meurtre de plaider la légitime défense à propos d’actes de sorcellerie. En 2013, une jeune mère suspectée de sorcellerie a été brûlée vive par un homme et une femme qui n’ont été ni arrêtés ni jugés. Souvent, des jeunes gens endossent le rôle de chasseurs de sorciers pour acquérir du prestige. Les victimes sont majoritairement des femmes (5 femmes pour un homme). En cause également certaines sectes dirigées par des « prophètes » qui se vantent de chasser les démons. Helen Ukpabio, prêcheuse pentecôtiste nigériane, écrit : « si un enfant de moins de 2 ans hurle la nuit, pleure, fait de la fièvre, tombe malade, c’est qu’il est un serviteur de Satan ». Les guérisseurs se font payer pour exorciser les démons. Certains pays – notamment les Iles Salomon et l’Arabie Saoudite – ont même des lois qui leur permettent de juger et punir les sorciers. Ainsi, en 2011, en Arabie Saoudite deux cours de justice ont condamné l’une un homme, l’autre une femme à la décapitation pour sorcellerie. En 2013, deux employées de maison asiatiques y ont été condamnées à recevoir 1.000 coups de fouets et à effectuer dix ans de prison pour avoir maudit leurs patrons.

Mais la paranoïa concernant la magie noire et la possession ne se cantonne plus aux pays en développement : elle s’exporte partout avec l’émigration. En 2010, à Londres, un adolescent congolais de 15 ans a été torturé et tué par sa sœur et le petit ami de celle-ci parce qu’ayant mouillé son lit il était certainement coupable de sorcellerie. En janvier 2014, à New-York, un homme a massacré sa petite amie et leur fille à coups de marteau, persuadé qu’elles l’avaient ensorcelé par des pratiques vaudou. L’auteur de l’article attire l’attention des prêtres occidentaux des congrégations pentecôtistes et charismatiques afin qu’ils veillent à ce que les exorcismes ne se métamorphose pas en crimes.

Faut-il rappeler que la chasse aux sorciers a aussi été une pratique très répandue en Europe pendant des siècles. Ainsi la ville de Zurich pense-t-elle actuellement à ériger un monument à la mémoire des 79 femmes et hommes qui y furent torturés et condamnés à mort pour sorcellerie entre 1478 et 1701. En blâmant les autres, souvenons-nous aussi de nos propres méfaits.

Mitch Horowitz – International New York Times – 5 juillet 2014
Sandrine Hochstrasser – Le Temps, Lausanne – 8 août 2014
Prospective.fr


Programmer les cellules souches

Les cellules souches sont la matière première à partir de laquelle sont constitués tous les tissus de notre corps. Elles peuvent servir à réparer les tissus endommagés et même à produire de nouveaux organes. Les cellules souches embryonnaires – dites omnipotentes – sont particulièrement prometteuses car elles ont la capacité de se répliquer indéfiniment et de se différencier en n’importe quel type de cellules. On espère s’en servir par exemple pour traiter des lésions de la colonne vertébrale ou restaurer la vision des aveugles.

Les techniques utilisées pour orienter leur différenciation sont empiriques : elles fonctionnent mais on ignore comment. Afin de comprendre ces mécanismes, des chercheurs en bio-informatique de Cambridge et de Padoue ont eu l’idée d’employer une solution mathématique : la vérification formelle. Mise au point pour détecter et supprimer des erreurs dans des logiciels employés dans l’aéronautique et la sécurité des centrales nucléaires, celle-ci est utilisée pour éliminer les bugs de logiciels courants. La vérification formelle permet d’examiner les logarithmes d’un logiciel afin de s’assurer que leur résultat est toujours conforme à l’intention du programmeur. Elle peut aussi fonctionner en sens inverse à partir du résultat pour déterminer le logarithme qui en est à l’origine.

Les chercheurs ont réécrit le programme de vérification formelle de Microsoft et l’ont utilisé sur des données chimiques et génétiques issues de différentes cultures de cellules souches. Ce nouveau logiciel, RE4IN (Reasoning Engine for Interaction Network) montre que le processus d’autoréplication ne repose pas, comme on le croyait, sur un réseau complexe d’interactions environnementales et génétiques. Au contraire, il n’implique que seize interactions entre douze protéines et trois stimuli environnementaux (reproduits en laboratoire sous forme chimique). D’où l’espoir de mieux contrôler un jour l’orientation des cellules souches.

New Scientist – 11 Juin 2014
repris par Courrier International – 3 juillet 2014


L’explosion démographique des villes se poursuit partout

Autrefois, les grandes métropoles se ne trouvaient que dans les pays riches. Mais le monde s’est urbanisé. Parmi le top 30 des plus grosses agglomérations du monde, il y avait 20 villes dans les pays à hauts revenus en 1950 ; on en compte 8 actuellement ; en 2030, elles ne seront plus que 4 : Tokyo, Osaka, New-York et Los-Angeles.

En 1950, New-York était la plus grande ville du monde avec 12,3 millions d’habitants. Elle en compte aujourd’hui 18,9 millions mais se situe au 9ème rang. En 1950, elle était seule avec Tokyo (11,3 millions d’habitants) à avoir dans le monde plus de 10 millions d’habitants. Aujourd’hui, il y en a 28 dans ce cas dont beaucoup dans des pays en développement. Ainsi Dhaka au Bangladesh, Kinshasa en République Démocratique du Congo, huit grandes villes en Inde, en Egypte, en Indonésie, au Nigéria, au Pakistan et aux Philippines. Une proportion plus grande de ces métropoles se situe sous les Tropiques.

Dans les pays pauvres, l’exil rural pousse des populations de plus en plus nombreuses vers les villes. Mais ces villes sont-elles équipées pour leur fournir travail et conditions de vie acceptables?

Certes, il est plus facile d’assurer logement, soins, éducation, électricité, eau potable à des citadins qu’à des habitants de zones rurales. Mais à condition de le planifier à l’avance, avant que les villes ne soient envahies par les taudis et cernées par les bidonvilles, ce qui est le cas aujourd’hui. Bref, il y a urgence, sinon tout cela va nous exploser à la figure.

Floyd Norris – International New York Times – 12 juillet 2014


Le retour des hiéroglyphes

Un nouveau catalogue d’émoticons va-t-il métamorphoser la correspondance d’affaire ? Pas impossible.

D’après les blogueurs qui ont de l’influence nous entrons dans une ère post-textes. Nos messages électroniques s’ornent de selfies, des dronies (images prises par des drones) et surtout d’émoticons. Si une image vaut 1000 mots, un émoticon envoyé par un smartphone en vaut au moins 50 à 60.

Les émoticons ont été inventés au Japon (emoji est le terme originel). Les adolescents du monde entier en ont fait un phénomène culturel à travers les réseaux sociaux. Et on en trouve désormais partout : dans les expositions artistiques, les livres de poésie, sur les t’shirts et les pantoufles.

Le roman de Herman Melville, Moby Dick, a été traduit en émoticons grâce à un financement « crowd funding » et à travail d’équipe : les 10 000 phrases du livre ont été traduite trois fois par le traducteur automatique de Amazon. Les trois versions de chaque phrase ont été ensuite soumises au vote de 800 lecteurs et la plus populaire a été retenue. Vous pouvez vous procurer l’ouvrage (papier) en ligne, en poche ou en édition de luxe : c’est Emoji Dick de Herman Melville, traduit par Amazon Mechanical Turk.

De nouveaux émoticons apparaissent régulièrement, publiés par un mystérieux consortium. Beaucoup sont dédiés à la correspondance d’affaire : disque dure, trombone, stylo, téléphone, enveloppe, liasse de billets de banque, chemise avec cravate, attaché-case et même ce qui semble être un chef d’entreprise en lévitation …

Pourquoi se donner tant de mal alors qu’il existe des mots et des phrases. Peut-être à cause de l’affaiblissement de la langue écrite ? « Merci », parait froid, voire ironique. « Merci ! » c’est mieux, cela signifie : « J’apprécie vraiment votre contribution ». Si on ajoute un smiley, c’est encore plus gentil. Essayez « Dééééésolé » ou « Merciiiii » ; le nombre de lettres répétées ne cessera de croître tout au long des échanges. Les émoticons vont nettoyer tout cela.

Erin Griffith – Fortune – 21 juillet 2014


Un campus caméléon pour les changements à venir

La Ville de New-York a choisi Cornell Tech, une entité issue de la collaboration entre l’université Cornell américaine et le Technion israélien, pour construire à Manhattan une nouvelle université de Sciences Appliquées. Parmi tous les candidats, ce sont eux qui répondaient le mieux à ce défi : comment, à notre époque de changements, bâtir un établissement de recherche et d’enseignement technologiquement avancé qui ne devienne pas bientôt obsolète ?

La réponse : ne pas anticiper ce qui n’est pas anticipable – ni le design des bureaux, ni le réseau de câbles divers, ni le sans fil, ni les habitudes et les besoins des enseignants et des étudiants – mais créer un lieu souple, malléable, transformable qui s’adaptera immédiatement aux nouvelles technologies et aux nouveaux besoins au fur et à mesure de leur apparition, « un lieu où tout peut être repensé », résume le doyen.

Architecture : le moins possible de murs car ceux-ci divisent les espaces, séparent les gens, limitent la mobilité et sont difficiles et coûteux à changer de place, surtout s’ils sont bourrés de canalisations et de câbles. Peu de classes, pas de bureaux personnels, mais des zones de travail très équipées technologiquement. En recherche de lieux plus intimes, on pourra toujours se réfugier dans une « pièces de convivialité », « des espaces flexibles », des « pièces de collaboration », une « salle de hub »… « Nous voulons que ce bâtiment encourage et facilite la coopération entre des groupes de personnes à qui on assigne d’habitude des emplacements différents ».

Technologie : un bâtiment intelligent, comme on en rêve depuis les années 1970 et qu’on pourra enfin réaliser grâce à la baisse des prix de la technologie. Exemple : lorsqu’une salle réservée n’a pas été occupée dix minutes après l’heure prévue, des capteurs s’en rendront compte, la lumière baissera, le chauffage ou l’air conditionné s’éteindra et la salle sera reclassifiée « disponible » sur le tableau informatique.


Avi Wolfman-Arent – International New York Times – 11 août 2014


Des essaims de petits robots

Les chercheurs de Harvard ont conçu un essaim de 1.024 tous petits robots. Ils se regroupent spontanément en étoiles, en lettres de l’alphabet, ou forment d’autres dessins encore plus complexes pour travailler ensemble à un projet sans être guidés par une intelligence centrale. Encore expérimentale, cette armada auto-organisée pourra dans l’avenir aller nettoyer les marées noires, effectuer des missions dans les abysses, opérer des surveillances militaires, explorer les planètes …

Les concepteurs se sont inspirés de la nature : fourmilières, ruches, termitières, bancs de poissons, vols d’oiseaux … Ces communautés, dont l’esprit d’équipe est ancré dans les gènes, sont capables d’effectuer des tâches complexe, alors qu’aucun de leurs individus ne soit responsable. Elles forment – surtout chez les insectes sociaux – comme une intelligence collective supérieure à l’intelligence de chacun.

Pour donner aux robots la même intelligence collective, Michaël Rubenstein et son équipe ont développé un programme permettant aux robots de se trouver, de collaborer sur une tâche, sans avoir besoin de recevoir des instructions détaillées pas à pas. Les mini robots ont la taille d’une pièce de monnaie, contiennent un microprocesseur, un capteur infrarouge, un moteur qui les fait avancer en vibrant.

Chaque robot sait faire trois choses : s’attacher à un groupe, calculer la distance depuis laquelle il a démarré, maintenir le sens de sa position. Une commande unique démarre le mouvement.

En théorie, il n’y a pas de limite à la taille, à la forme et à la complexité de l’essaim. « Il pourrait automatiquement changer de forme pour s’adapter à la tâche en cours. Et les robots pourraient même se reproduire… »

Robert Lee Hotz – The Wall Street Journal – 15 août 2014

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