EDITORIAUX 2002
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Juin 2002 La menace terroriste façonne la manière dont les Européens abordent l’immigration. La montée du sentiment d’insécurité alimente la méfiance vis-à-vis de l’arrivée en nombre sans cesse croissant de migrants : chaque année, 700 000 légaux, 500 000 illégaux. Il est pourtant indispensable de dissocier l’immigration et le terrorisme. Pour des raisons rationnelles : l’aggravation rapide des pénuries sectorielles de personnel ; demain, un déficit démographique que tous les pays d’Europe subiront, la France à peine moins que les autres, et que connaîtront aussi les pays de l’Est de l’Europe, dans lesquels nous voyons à tort des réservoirs humains prêts à se déverser sur l’Europe occidentale. Pour des raisons de développement : l’Europe a besoin de jeunes plus nombreux ; c’est parmi eux que peuvent surgir les entrepreneurs qui secoueront l’atonie, l’archaïsme et autres corporatismes entretenus par le vieillissement. Il devient crucial pour nous autres Européens d’aborder l’immigration, légale ou clandestine, autrement que dans l’urgence, voire la paranoïa. Il est temps de se demander comment mettre en place la régulation durable d’un phénomène que nous redoutons – alors que, si nous savons le gérer, il nous rendra service – et que nous croyons pouvoir juguler, alors qu’il ne fait que commencer. Il devient tout aussi crucial de comprendre que la sécurité et la lutte contre les mafias croisent la question de l’immigration, mais pas de manière exclusive ou centrale. La politique de l’immigration doit en tenir grand compte. Elle ne peut s’y réduire. Il existe peut-être un chemin. Alors que nous avons une propension française et européenne à envisager l’étranger dans le cadre de catégories – nationalité, religion, culture, idéologie – il serait préférable de le regarder d’abord comme une personne. L’émigrant, quel qu’il soit, d’où qu’il vienne, est avant tout quelqu’un qui refuse la misère, qui est prêt à prendre des risques considérables pour lui-même et les siens, qui aspire à la réussite et qui ambitionne l’intégration – et si ce n’est pour lui, pour les générations suivantes. Aucun exemple n’est parfait, tout précédent comporte ses limites. Mais on peut se dire que la contre-performance française n’est pas insurmontable, si l’on en juge par le relatif succès américain, dans un pays qui compte proportionnellement au moins deux fois plus d’immigrants, légaux et clandestins. Aborder l’étranger comme une personne – pas seulement comme une force de travail, le porteur de références différentes, voire un suspect – nous aiderait à imaginer et à mettre en œuvre cette régulation durable : c’est affaire d’éducation, d’apprentissage de la citoyenneté, d’exigence véritable mais de confiance accordée… qui sera retournée au centuple. Il en va, dans cette affaire, de l’essentiel : de la manière dont l’Europe pourra, si on peut s’exprimer ainsi, « se regarder dans les yeux ». Dans la maison qu’il occupait à Guernesey, Victor Hugo avait fait graver au-dessus du porche cette formule « exilium vita est » (« la vie, c’est l’exil »). Armand Braun |
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Citation
« Si le monde d’hier n’avait pas existé, celui d’aujourd’hui ne pourrait pas envisager celui de demain. »
Pierre Dac
Clin d’oeil
Les requins ont existé bien avant les arbres sur Terre et les anneaux autour de Saturne.
@quikipedia – 8 juin 2023 – cité par Prospect magazine – août-septembre 2023
À lire
Dans « L’homme, l’animal et l’éthique », Georges Chapouthier, neurobiologiste et philosophe, présente à propos de cette problématique les réponses de grands philosophes et les analyses de la biologie moderne concernant la douleur et la conscience. Il démontre comment l’apport des droits de l’animal a modifié la morale et donne des conseils pratiques sur ce qui pourrait être amélioré dans nos relations avec les animaux.
Il propose par ailleurs, aux associations et aux écoles, un jeu pédagogique : « La fresque des animaux »
https://www.jne-asso.org/2023/04/23/lhomme-lanimal-et-lethique-quelques-reflexions-essentielles/
Lire à ce sujet la « rencontre avec Georges Chapouthier »
À voir
Le « Festival Photo La Gacilly » propose une expérience photographique immersive et déambulatoire au cœur d’une trentaine de galeries à ciel ouvert, présentant le meilleur de la création photo contemporaine qui interroge notre relation au monde et à la nature.
Les photographies habillent les rues, les jardins et les venelles de La Gacilly, dont le magnifique patrimoine bâti et naturel offre un écrin parfait aux plus de 800 images exposées. L’espace public devient un espace scénique, partagé et accessible à tous, gratuitement.
Le thème de cette vingtième édition : « la nature en héritage ».
À La Gacilly en Bretagne, jusqu’au 1er octobre
https://www.festivalphoto-lagacilly.com/festivalphoto-lagacilly.com
Courrier des lecteurs
Après avoir lu votre édito de septembre 2022 sur le droit à l’image des léopards, ma compagne et moi nous nous sommes rendus compte qu’il y en avait partout. Nous avons donc inventé un jeu : chaque fois que nous voyions un vêtement ou un accessoire portant ces motifs (sur une personne, pas en photo ou dans une vitrine) nous avons mis I€ dans une tirelire (représentant un léopard, évidemment). Au bout de trois mois, nous avions économisé de quoi nous offrir dans un restaurant étoilé un délicieux repas … végétarien. Mieux que la Caisse d’Épargne !
SLG, Paris