EDITORIAUX 2004
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Juin 2004
Prospective des compétences dans la société de l’information La société de l’information est une chance. Elle est propice à la croissance, car elle génère une nouvelle offre d’activités, renouvelle toute chose. Là où, longtemps, l’industrie utilisait les personnes, la société de l’information entretient avec le développement humain une relation si proche qu’elle finit par en devenir une expression. Qu’est-ce que la société de l’information sans compétences innombrables, sans qualification de toutes les activités, sans transformation continue guidée par une résolution prospective ? Les pays qui, les premiers, ont entraîné l’ensemble de leur population vers les disciplines de la société de l’information – la Corée, l’Espagne, l’Irlande, le Canada et le Japon… – sont aussi ceux qui résorbent le chômage, qui résistent aux délocalisations et qui améliorent le plus sensiblement leur niveau de vie. D’autres pays, très peuplés, très déterminés, très actifs – la Chine, l’Inde… – foncent dans la même direction. Pourquoi ne participons-nous pas pleinement à ce mouvement ? Pourquoi la France supporte-t-elle de compter 5 millions de salariés non qualifiés, dont 2 millions à temps partiel, la plupart sans perspectives d’amélioration de leur compétence, d’augmentation de leur rémunération et de promotion professionnelle ? Pourquoi tant de chômeurs ? Et pourquoi, alors que si nombreuses sont les routes qui s’ouvrent, tant de jeunes éprouvent-ils de si grandes difficultés à trouver leur premier emploi ? Malgré de réelles réussites d’entreprises, d’universités, de centres de recherches, de territoires, nous nous sommes imposés à nous-mêmes de fortes raisons de nous inquiéter, avec pour conséquence la régression de la part de la France dans le PNB mondial. Les dispositifs de formation continue des entreprises mettent l’accent sur les besoins du présent et le perfectionnement de l’existant, plus que sur l’innovation et la création de valeur ; la transformation continue des compétences, en synergie avec celle des métiers, n’est pas l’objectif premier de l’organisation du travail. Quant aux institutions publiques concernées – Education, Emploi, Recherche… – elles ont, de fait, beaucoup de mal à accueillir une société de l’information qui ne se coule pas dans leurs moules, qui n’en reconnaît ni la logique (sélection par l’écrémage), ni les insignes (diplômes, statuts), ni les modes de décision (esprit de club, bureaucratie), ni bien entendu les modes de financement. Ce qui, quelques milieux mis à part, fait défaut, c’est le sentiment de brûlante urgence dans la mise en œuvre d’une formidable opportunité : progresser très vite dans la qualification de la totalité des personnes et des activités. Tout emploi, quel qu’il soit, où qu’il soit, devrait dès le premier jour être pourvu d’un » moteur auxiliaire » de formation ; c’est-à-dire d’un dispositif rythmé d’évaluation et de changement éventuel d’orientation, tout au long de la vie, que l’on soit vigile ou professeur, pizzaïolo ou chef d’entreprise… La prospective, c’est agir aujourd’hui même. Une information récente illustre l’urgence. C’est par pénurie de compétences que la Nasa n’est pas tout à fait certaine d’envoyer des hommes sur la planète Mars ; beaucoup de ceux qui ont participé au programme Apollo ont pris leur retraite ou vont bientôt le faire ; les trois-quarts des techniciens de la Nasa sont âgés de plus de 60 ans ; la conquête de l’espace a perdu son aura pour les jeunes scientifiques, attirés plutôt par Internet ou les biotechnologies. Un fait parmi d’autres, pour évoquer la pénurie rapidement croissante des personnes, des personnes pourvues de compétences véritables, qui apparaît déjà dans l’artisanat, l’agriculture, désormais aussi l’industrie ; pour expliquer comment pénurie et chômage peuvent être jumeaux ; et pour inviter à la mise en place de flux raisonnés, demain alternatifs, entre des pays du sud riches en personnes chaque jour plus qualifiées et des pays du nord, spécialement en Europe, chaque jour un peu plus dans le besoin d’importer des personnes qualifiées. Tout reste possible. Existe-t-il, pour les générations aux affaires, de responsabilité plus grande que de viser à participer en tête à la compétition mondiale de la valorisation de la ressource humaine ? Si notre actuelle passivité devait se maintenir, nous deviendrions vite une société stagnante dont l’appauvrissement relatif se poursuivrait et dont personne n’imagine qu’elle resterait longtemps démocratique. Une société de téléspectateurs ! Armand Braun |
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Citation
« Si le monde d’hier n’avait pas existé, celui d’aujourd’hui ne pourrait pas envisager celui de demain. »
Pierre Dac
Clin d’oeil
Les requins ont existé bien avant les arbres sur Terre et les anneaux autour de Saturne.
@quikipedia – 8 juin 2023 – cité par Prospect magazine – août-septembre 2023
À lire
Dans « L’homme, l’animal et l’éthique », Georges Chapouthier, neurobiologiste et philosophe, présente à propos de cette problématique les réponses de grands philosophes et les analyses de la biologie moderne concernant la douleur et la conscience. Il démontre comment l’apport des droits de l’animal a modifié la morale et donne des conseils pratiques sur ce qui pourrait être amélioré dans nos relations avec les animaux.
Il propose par ailleurs, aux associations et aux écoles, un jeu pédagogique : « La fresque des animaux »
https://www.jne-asso.org/2023/04/23/lhomme-lanimal-et-lethique-quelques-reflexions-essentielles/
Lire à ce sujet la « rencontre avec Georges Chapouthier »
À voir
Le « Festival Photo La Gacilly » propose une expérience photographique immersive et déambulatoire au cœur d’une trentaine de galeries à ciel ouvert, présentant le meilleur de la création photo contemporaine qui interroge notre relation au monde et à la nature.
Les photographies habillent les rues, les jardins et les venelles de La Gacilly, dont le magnifique patrimoine bâti et naturel offre un écrin parfait aux plus de 800 images exposées. L’espace public devient un espace scénique, partagé et accessible à tous, gratuitement.
Le thème de cette vingtième édition : « la nature en héritage ».
À La Gacilly en Bretagne, jusqu’au 1er octobre
https://www.festivalphoto-lagacilly.com/festivalphoto-lagacilly.com
Courrier des lecteurs
Après avoir lu votre édito de septembre 2022 sur le droit à l’image des léopards, ma compagne et moi nous nous sommes rendus compte qu’il y en avait partout. Nous avons donc inventé un jeu : chaque fois que nous voyions un vêtement ou un accessoire portant ces motifs (sur une personne, pas en photo ou dans une vitrine) nous avons mis I€ dans une tirelire (représentant un léopard, évidemment). Au bout de trois mois, nous avions économisé de quoi nous offrir dans un restaurant étoilé un délicieux repas … végétarien. Mieux que la Caisse d’Épargne !
SLG, Paris