EDITORIAUX 2006

Juin 2006
Le vrai « oui » à l’Europe

Le groupe finlandais Lordi a remporté l’Eurovision 2006 en interprétant Hard Rock Halleluia, au milieu d’impressionnants effets pyrotechniques. C’est la première fois que le style heavy metal l’emporte dans une émission où la guimauve s’imposait habituellement. Vingt-trois candidats battus, le score le plus élevé jamais obtenu depuis la création du prix : la victoire a été éclatante.

Il ne faut pas se laisser impressionner par le look effrayant des cinq musiciens grimés en monstres. Ils habitent la Laponie, région où, c’est bien connu, les nuits d’hiver sont particulièrement longues et où distraire impose plus encore qu’ailleurs d’étonner : « nous ne sommes ni des satanistes, ni des adorateurs du diable, affirment-ils, on fait ça juste pour rigoler ». Et leur talent justifie leur succès.

Tout de même, le succès de ces étranges personnages évoque bien des mauvais souvenirs : leurs anciens voisins, les Vikings, qui dévastèrent l’Europe, se déguisaient eux aussi pour faire peur ; ils ne devaient pas être tellement différents. Depuis lors, bien d’autres ont semé la terreur en Europe : qu’il nous suffise d’évoquer les tableaux de Jacques Callot et de Dürer, voire, beaucoup plus près de nous, certains visages de SS. Il est quand même inquiétant de noter que des centaines de millions d’Européens sont séduits par des figures que leur Histoire devrait leur avoir appris à juger repoussantes.

En revanche, de très nombreux petits signes révèlent que l’Europe des citoyens, qui trouvait là pour une fois l’occasion de s’exprimer, a réagi de manière étonnante et particulièrement encourageante. Les Ukrainiens ont massivement apporté leurs voix au groupe russe, arrivé second, oubliant qu’ils ont eu froid en janvier du fait de la Russie. Cette dernière a plébiscité la candidate ukrainienne. Les Turcs ont voté comme un seul homme pour l’Arménie. Et le groupe turc a reçu un fort soutien en France et aux Pays-Bas, les deux pays dont le « non » au référendum européen était en partie motivé par le refus de voir entrer la Turquie dans l’Union européenne.

D’un côté, ces réactions sympathiques. De l’autre, un cri, aussi angoissant que le tableau du même nom de l’artiste norvégien Edward Munch. Mais, entre le référendum du printemps dernier, aux conséquences si néfastes, et cette célébration européenne de la musique, nous préférons l’Eurovision !

Armand Braun

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