EDITORIAUX 2007

Novembre 2007
Prospective de Paris : les faits, le droit, la démocratie

Paris aujourd’hui, c’est une ville de 2 millions d’habitants enserrée dans une vaste banlieue quatre fois plus peuplée, dix fois plus étendue. C’est l’équivalent de Manhattan pour New York, d’une demi-douzaine de quartiers centraux à Londres. Tout cela à cause d’Etienne Marcel, qui prétendait imposer au Roi les vues des corporations. Et, quelques siècles plus tard, à cause du point de vue selon lequel les risques politiques et sociaux dus au peuplement ouvrier des grandes villes seraient réduits par la fragmentation du territoire.

Mais nous sommes sur une planète devenue différente qui impose la comparaison avec les autres grandes capitales : dans le « village global », Paris a perdu son rôle mondial pour devenir une métropole régionale. Trop de sources du pouvoir parisien s’en sont allées, qu’il s’agisse de sièges sociaux, de bureaux créatifs, de centres de recherche… L’explication découle pour une grande part de cette fragmentation du territoire : contrepoint indispensable de l’initiative des acteurs, l’action publique ne peut se déployer à l’échelle véritable de Paris. Elle s’inscrit aujourd’hui dans un cadre trop vaste, la région Ile-de-France, et dans les contraintes quasi lilliputiennes imposées par la poussière des communes périphériques. C’est pourquoi dans les domaines essentiels – stratégie du développement, politique de l’environnement, rénovation urbaine, mobilité des personnes, logement, lutte contre l’étalement urbain – rien d’important ne s’est passé, ne se passe et ne se passera…

Alors que tous s’interrogent sur le monde que nous laisserons à nos enfants, n’est-il pas urgent de se demander si nous allons maintenir longtemps encore un statu quo caduc ou si, conjuguant les faits et le droit, nous n’allons pas reconnaître l’évidence : Paris s’étend du nord au sud de l’aéroport Charles-de-Gaulle à Evry, de l’est à l’ouest de Marne-la-Vallée à Poissy. Ce cadre seul est conforme à la réalité dans toutes ses dimensions : l’identité des habitants, l’emploi, l’économie, la vie sociale et culturelle, les enjeux d’environnement, la masse critique d’une dizaine de millions d’habitants.

Il ne faut surtout pas se tromper : il ne s’agit pas d’élargir le centre parisien actuel, ce qui reviendrait à fabriquer un trompe-l’œil, à mettre en place de nouveaux blocages. Il s’agit bien d’envisager Paris dans son étendue véritable, comme un ensemble homogène et intégré, condition indispensable pour en faire une ville créative, communicante, polycentrique, capable de tenir durablement son rang parmi le petit nombre des vraies métropoles mondiales.

Sachant combien seront farouches les résistances, il ne faut pas manquer l’occasion des prochaines élections municipales pour consulter les électeurs : le statu quo, même assorti d’aménagements cosmétiques (communautés de communes, projets intercommunaux…) ou le vrai Paris, qui laisserait aux diverses entités territoriales leurs droits et missions, mais prendrait en charge avec vigueur les véritables dossiers du développement parisien que la fragmentation actuelle du territoire interdit de traiter ?

A bien réfléchir, cette alternative est avant tout affaire de démocratie : c’est seulement en nous mettant à l’échelle que nous aurons une chance de tirer parti des enjeux qui se profilent… Alors que si nous maintenons le chaos urbain actuel, il y a bien des risques que des épreuves inattendues donnent leur chance demain à des groupuscules irresponsables, avec des conséquences dont l’Histoire nous propose des précédents. Le devenir démocratique de Paris impose le changement d’échelle.

C’est pourquoi il est si important que la question de la dimension de Paris figure en tête des programmes de tous les candidats aux Municipales.

Armand Braun

PS : Je vous invite à lire dans la rubrique Agglomération parisienne, la remarquable interview que M. Alfonso Vegara, président de la Fondacion Metropoli à Madrid, a accordée le 11 octobre 2007 aux Echos.

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