EDITORIAUX 2008
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Novembre 2008 Parmi les innombrables questions mises au jour par la crise financière, il en est une, essentielle, qui reste absente du paysage : d’où proviendront les ressources dont les particuliers disposeront pour vivre demain ? Les réponses sont encore l’emploi salarié et les diverses formes de redistribution assurées par le système de protection sociale. Or elles sont, l’une et l’autre, en péril : l’emploi salarié durable se contracte au profit des seuls spécialistes et dirigeants, rejetant tous les autres dans la géhenne des CDD et du travail temporaire ; quant au système de protection sociale, son érosion se poursuit inéluctablement, sans que nul n’ose regarder en face une réalité pourtant déjà bien visible. Et ce paradoxe va encore s’aggraver : un pays encore riche dont les habitants sont déjà pauvres. La pauvreté des jeunes est bien connue, déplorée avec éloquence, plus particulièrement par ceux qui en portent la responsabilité. J’en ai observé ces jours-ci une illustration dans une sandwicherie du cœur de Paris, rue de Babylone : à quelques minutes d’intervalle, un jeune homme souhaite déjeuner « pour 4 € maximum », une jeune fille demande « quel est votre plat chaud le moins cher ? ». Des solutions sont possibles, à condition de s’évader du formatage mental commun à tous ceux qui sont, à un titre ou à un autre, en charge de ces affaires. Les patrimoines familiaux sont un formidable gisement de ressources qui, dans ce contexte, restent inexploitées. C’est le sens des Associations de solidarité familiale, ou Fonds familiaux, qui permettraient, sur une base volontaire et ouverte aux membres d’une famille de consacrer dans la longue durée une faible partie de leurs ressources à la mise en place d’un dispositif familial de sécurité (disposer d’un peu d’argent pour aider momentanément un chômeur, un malade, un invalide, un étudiant…), géré en commun, ouvrant les mêmes droits à tous. La solidarité entre les générations reste de l’ordre des bonnes paroles, elle pourrait devenir la pierre angulaire d’innombrables systèmes au sein desquels les familles pourraient se retrouver sous le signe de la préparation solidaire de l’avenir de leurs membres. C’est avec une grande impatience que, après l’avoir trop respectueusement sollicité, il convient désormais de demander, réclamer, exiger les modestes mesures qui permettraient de créer les Associations de solidarité familiale : défiscalisation à l’entrée ou à la sortie, comme y a droit la moindre association de pêcheurs à la ligne ou de boulistes. Car nous sommes dans une authentique situation d’urgence prospective. Pour le moment, des personnes âgées ont encore de l’argent (elles détiennent plus de 80 % des patrimoines privés). Si elles disposaient des garanties nécessaires, elles seraient trop heureuses de permettre à leurs descendants de le faire fructifier. Dans quinze ou vingt ans, elles seront aussi pauvres que les jeunes le sont aujourd’hui. La fenêtre temporelle qui permettrait d’agir se sera refermée. Je ne voudrais pas que le moment venu, parce que nous n’aurions rien fait, parce que nous n’aurions pas été capables de nous émanciper des vieilles logiques, nous soyons obligés de recourir à la vieille formule des peuples défaits : « nous n’avons pas voulu cela » Armand Braun |
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Citation
« Au début des années 2000, la vulgarisation, c’était la cerise sur le gâteau. Maintenant, la cerise est devenue le gâteau. »
Jean-Michel Courty, physicien – Le Monde – 28 février 2024
Clin d’oeil
« Les réseaux sociaux utilisent les mêmes artifices pour garder les gens le plus longtemps possible devant leur écran, que la fameuse boîte de Skinner, où des rats appuient frénétiquement sur un levier qui leur apporte aléatoirement une friandise. »
Augustin Lignier, International New York Times, 27 janvier 2024
Rencontre
Le coin du poète
PRINTEMPS
Une tendre buée verte
Mousse sur les rameaux dans les hautes futaies
Le hêtre et le tilleul y respirent en paix
La tiédeur du soleil
Poussés par le vent d’ouest
Les nuages déposent leur précieuse pluie
Sur les bourgeons qui s’ouvrent
Et les troncs reverdis
Tout brille
La canopée se meut en ondulations lentes
La jonquille couvre d’or les feuilles du passé
Jean Recoing