EDITORIAUX 2008

Mars 2008
Prospective : « Au royaume de Danemark… »

Ces jours-ci on brûlait des voitures dans les faubourgs des grandes villes danoises, exactement comme en banlieue parisienne il n’y a pas si longtemps : quand l’intégration est trop rapide, elle passe à côté de l’essentiel (l’insertion culturelle et sociale, le besoin pour tous de retrouver leurs marques…).

Et pourtant, de tous les pays européens, le Danemark est celui qui sait le mieux ce que représentera pour son économie la pénurie de main d’œuvre, conséquence du vieillissement et de la faible natalité, que toute l’Europe va très bientôt connaître. Il anticipe que, d’ici à 5 ans, 100 000 à 150 000 salariés lui feront défaut et délivre des permis de travail aux étrangers à un rythme qui ne cesse de s’accélérer : 23 000 en 2007, c’est-à-dire 41 % de plus qu’en 2006, 6 fois plus qu’en 2002.

Les salaires des étrangers sont les mêmes que ceux des Danois, ce qui permet aux Allemands et Polonais d’avoir un niveau de vie bien meilleur que chez eux, tout en rentrant à la maison deux fois par mois pour retrouver leur famille. Comme le résume un boucher de Wroclaw qui a d’abord exercé son métier pendant cinq ans en Allemagne, « ici on gagne mieux, les conditions de travail sont meilleures et le chef d’atelier est plus poli ». La Confédération danoise des employeurs organise à l’étranger des salons de recrutement. Celui qui se tiendra en avril à Malmö, en Suède, sera surtout ciblé sur les conducteurs de bus et les magasiniers. La Finlande, qui connaît le même problème que le Danemark, met en œuvre la même stratégie.

L’environnement proche ne fournit plus assez de personnel et les Danois se tournent maintenant vers l’Espagne, dont pourtant la population vieillit et dont le taux de reproduction est l’un des plus bas du monde. L’Espagne s’est largement ouverte aux immigrés pour construire un secteur florissant du bâtiment et des travaux publics. Un économiste de Barcelone résume ainsi la situation : « dans les années 1970, quand nous avons décidé d’avoir moins d’enfants, nous avons implicitement accepté d’avoir davantage d’immigrés ». L’économie espagnole s’essouffle aujourd’hui, comme en témoigne ce propos d’un travailleur immigré équatorien : « avant, il y avait du travail même le samedi et le dimanche ; aujourd’hui on travaille seulement 9 h par jour les jours de semaine».

A quand le spectacle du recruteur impatient, guettant sur les rivages l’arrivée de radeaux à bord desquels les pauvres du Sud viennent apporter au Nord qui les attend leur courage, leur force de travail et leur esprit d’entreprise ! Et à quand la réussite de pratiques d’intégration qui feront disparaître les protestations violentes ?

Armand Braun

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