EDITORIAUX 2008

Mai 2008
Prospective fiscale : l’affaire du Liechtenstein

D’autres domaines (le marketing par exemple) ont emprunté à la génétique sa dénomination, voire sa démarche intellectuelle. Cette démarche pourrait éclairer l’impact énorme de la campagne en faveur de l’unification fiscale de l’Europe.

Une « génétique » de la politique fiscale des Etats révèlerait des aspects oubliés dont ils n’ont pas lieu de se glorifier. Jusqu’à la Révolution française, l’impôt était prélevé par la force sur la société civile, avec tous les abus rapportés par l’Histoire, afin de remplir les coffres chroniquement vides de l’Etat (sans oublier la cascade de ses déclinaisons). La volonté universelle de mettre un terme à ce système d’abus a été l’un des motifs majeurs de la Révolution.

Celle-ci a instauré l’égalité de tous devant l’impôt et mis en place un contrôle parlementaire qui a imposé un cadre légal à l’action des agents du fisc. En fait, c’est surtout à la IIIe République que nous sommes redevables de cet immense progrès. Elle a jeté les bases d’une organisation de la fiscalité dont beaucoup de « fondamentaux » demeurent. Mais les circonstances ont changé et la probléma-tique fiscale aussi.

Les circonstances ne sont plus les mêmes : ce n’est évidemment plus le même monde qu’il y a, disons, cent ans, ni même qu’après la seconde Guerre mondiale, quand la philosophie de la fiscalité a de nouveau été fondamentalement repensée.

C’est surtout la problématique fiscale qui a changé. Les Etats ont perdu le mono-pole de la levée de l’impôt. La TVA, qui a plus de vingt ans d’âge, est leur plus ré-cente grande innovation.

Les débats actuels portent sur la taxation des médias, du numérique, des échanges informels, des nouvelles formes du commerce international, des ré-seaux… Ils envisagent la fiscalité comme un moyen d’orienter les choix en faveur du développement durable. Ils préparent pour demain l’inéluctable fédéralisme fiscal. La campagne en faveur de l’unification fiscale ne traite pas de ces sujets, qui sont les sujets véritables. Elle traduit seulement l’ambition des Etats (étendre encore leur contrôle de la société et de l’individu) et celle des agents du fisc, désireux de renforcer continûment leurs positions, les uns et les autres avec l’appui aveugle de l’opinion et de législateurs nationaux et européens acquis à leur cause.

Le coup de coquin que les collaborateurs fiscaux d’Angela Merkel lui ont fait su-bir à propos du Liechtenstein montre que certaines pratiques anciennes, qui va-laient aussi bien en Allemagne qu’en France, ne sont pas oubliées.

L’unification fiscale de l’Europe est un faux sujet. Dans un monde infiniment plus complexe, l’impôt n’est pas à lisser, il est à repenser, à réinventer en discontinuité. Comme partout, l’impératif majeur est de faire toute sa place à la prospective.

Armand Braun

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