EDITORIAUX 2009

Janvier 2009
2009 : sous la crise, le changement d’époque

C’est la crise. De sombres nuées apportent déjà le chômage et la pauvreté et peut-être bientôt la désorganisation du tissu économique et social, la violence. Le pessimisme et le désarroi s’installent donc, partout car pour la première fois la crise est planétaire. Les experts sincères reconnaissent ne plus savoir et se taisent. La société se crispe dans une préférence désespérée pour l’immobilité. Ils sont déjà là, le populisme, la recherche de boucs émissaires, l’intégrisme des prophètes, le désordre dans la rue, l’illusion que le pouvoir politique peut tout. Celui-ci réalise de remarquables efforts, en France et ailleurs. Les personnes, les entreprises et les organisations s’efforcent de sauver les meubles. Mais sauver les meubles, souci louable, ce n’est pas préparer l’avenir. Il en va de la crise comme de la grippe : qu’on la soigne ou non, elle dure le même temps.

En arrière-plan de cette crise, on commence à discerner autre chose : un changement d’époque. Le XXe siècle en avait connu deux : après la première Guerre, notre sortie du XIXe ; après la deuxième, l’irruption de la modernité. Nous n’avions pas vu qu’un troisième changement d’époque – qui se poursuit encore – a commencé discrètement, il y a quarante ans, quand l’homme a pour la première fois posé le pied sur la Lune.

A la différence de la crise qui est un pot au noir, le changement d’époque ouvre l’avenir. Jamais nous n’avons disposé de ressources humaines aussi capables, jamais n’ont été si vastes et variés les espaces qui s’offrent à la pensée, à la recherche, à l’expérimentation ! Il n’y a potentiellement plus de limites à la création de produits et systèmes, de marchés et de métiers ; nous avons cette chance formidable qu’est l’interconnexion désormais quasi généralisée du monde, par ailleurs commencement de réponse aux défis écologiques. L’humanité, qui a subi les changements d’époque précédents, dispose pour la première fois de quelques moyens pour échapper à la force des choses. C’est en nous impliquant dans le changement d’époque que nous pourrons le réussir et en même temps en finir avec la crise.

Encore faut-il cesser de faire des bêtises ! On pense évidemment aux escroqueries financières. Mais que dire des fabricants d’automobiles américains qui ont jusqu’à la fin dit non au véhicule électrique et aux considérations d’environnement ! Que dire de l’étouffant amoncellement réglementaire et bureaucratique que la société française supporte et pourtant finance ! Que dire de notre refus de voir la mutation démographique et de préparer la réduction des droits du passé sur le revenu du présent qu’elle entraînera immanquablement !

Et combien de temps faudra-t-il encore pour nous libérer de nos formatages conceptuels dans des domaines qui portent des possibles pour demain : l’éducation, la recherche, le travail, la santé… ?

La réponse à la discontinuité, c’est la réhabilitation de la culture générale, dans l’entreprise aussi bien que dans le système éducatif ; c’est l’appel à la curiosité, mère de l’imagination et de l’invention ; c’est le défi proposé ces jeunes qu’un conditionnement orienté vers leurs droits supposés détourne momentanément de l’envie de s’en sortir.

En 2009 nous n’aurons plus d’alternative. Peut-être le drame possible nous engloutira-t-il tous. Ce drame est parfaitement évitable, nous sommes en mesure de dissiper l’absurde sentiment de fin du monde avec lequel nous jouons ces jours-ci à nous faire peur, pour au contraire frayer la voie à l’avenir.

« Le pessimisme est de raison, l’optimisme de volonté. » Cette phrase de Romain Rolland, reprise par Gramsci dans ses Cahiers de prison, est bien connue, on l’a beaucoup répétée. Les circonstances imposent de lui donner un vrai contenu.

Armand Braun

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