EDITORIAUX 2010

Mai 2010

Prospective : l’information est libre,
la communication est serve

Bling-bling, people… voilà ce dont il est question aujourd’hui ! Que des chefs d’Etats ou des dirigeants de grandes entreprises éprouvent le besoin de faire cautionner certaines de leurs initiatives par des musiciens ou des acteurs, c’est l’expression manifeste d’un changement du monde. La communication est partout, avec de nouveaux acteurs, de nouveaux thèmes et des budgets qui, seuls dans la crise, ne cessent de grimper. Les centres d’intérêt des populations se déplacent, les sauts technologiques dévoilent des horizons nouveaux, dans le monde entier, les gens restent fixés plus de trois heures par jour devant un écran.

Le débat historique à propos de la relation entre information et communication a-t-il disparu ? Non, il est passé à l’arrière plan.

L’information relie les personnes. Elle est essentielle à l’autonomie de chacune, aux échanges, à la vitalité de la société. Elle aborde l’interlocuteur comme un égal, invite au débat. La manière dont nous la recevons et la traitons est à la fois une condition et une expression de notre identité. Véhicule de la liberté, elle est donc en défaveur auprès des totalitarismes. Priver quelqu’un d’information serait réduire l’irrigation de son cerveau et mettre en péril sa pensée.

Le communicants aiment à souligner que leur art est de plus en plus personnalisé et que la confusion qui règne dans les esprits à propos d’information et de communication est le signe d’une rencontre, voire d’une fusion. Les méthodes, effectivement, s’affinent : la communication s’adresse à des catégories, celles de l’analyse statistique, des modèles sociologiques ou de la théorie historique. Elles prennent en compte l’existence, d’Internet, qui peut être pour les communicants un allié ou un adversaire.

Mais la nature profonde de la communication demeure ce qu’elle a toujours été : l’expression unilatérale d’un pouvoir. Longtemps, il n’y avait que le pouvoir d’Etat et il n’y a rien de changé à ce propos. C’est ainsi que l’on nous annonçait ces jours-ci la fermeture à la circulation des voies sur berges à Paris et, il y a quelques mois, que Mayotte allait devenir département français. Il en va de même dans tous les pays. Les faits nouveaux, c’est que d’autres acteurs comme les entreprises, les partis politiques ou les ONG interviennent de la même manière et que la communication électronique joue là aussi un rôle croissant. Innombrables sont chaque jour les faits dont les interprétations courantes illustrent la dichotomie entre l’information et la communication.

L’héritage pré-démocratique de la communication demeure : la volonté de convaincre l’emporte sur le souci de la vérité. Notre système de protection sociale est en faillite ; l’imprévoyance de la politique du logement reste ce qu’elle a toujours été en France ; le transport public s’effectue dans des conditions qui mettraient en fureur les protecteurs des animaux… Et il faut faire comme si tout était pour le mieux dans le meilleur des mondes !

Un cas récent méritera d’être suivi : il se trouve que l’université de Belfast, en Irlande du Nord, détient des données sur le climat remontant à 7 000 ans. Mais ces données risquent d’aller à l’encontre de points de vue défendus par ses propres enseignants. Elle a donc refusé, à ce jour, de les rendre publics, malgré les demandes de l’autorité publique en charge de la liberté de l’information.

L’art de la communication consiste à gérer les données, l’art de l’information à les soumettre au débat. Ce n’est pas pour rien que certains journaux anglo-saxons ont construit leur réputation sur leur souci de les distinguer. Mais il faut aller plus loin : arrêter de les enseigner dans les universités comme un tout indissociable ; les différencier dans l’action des entreprises et des collectivités.

Car l’information et la communication n’ont rien à faire ensemble !

Armand Braun

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