EDITORIAUX 2010
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Juin 2010 Prospective : relire Bergson… « Notre raison se sent moins à son aise dans un monde où elle ne retrouve plus, comme dans un miroir, sa propre image », remarque Henri Bergson dansLa pensée et le mouvant. Le philosophe commente le vertige du temps : « devant le spectacle de cette mobilité universelle, quelques uns d’entre nous seront pris de vertige. Ils sont habitués à la terre ferme ; ils ne peuvent se faire au roulis et au tangage. Il leur faut des points fixes. » Ce rappel dans Contre la philosophie de Guillaume Pigeard de Gurbert (Actes Sud, avril 2010) s’applique remarquablement à l’époque actuelle. Nous sommes hypnotisés par des points fixes : la dette, la menace climatique, le vieillissement… Nous adoptons des comportements d’assiégés, évitant toute prise de risques, investissant nos espoirs dans des Etats dont, fort justement, nous nous efforcions jusque-là de nous affranchir quelque peu ; ou encore en nous détournant de l’avenir, qui apparaît aujourd’hui à grand nombre de contemporains, du moins en Europe, comme un lugubre étang que n’éclaire jamais le soleil. Un tel moment de dépression collective n’est pas nouveau en France, la dernière fois, c’était en 1940. Mais ce qui caractérise la situation actuelle, c’est que la fatalité voile d’autres possibilités, que pourtant nous n’aurions pas prises en considération si la situation actuelle ne nous y avait pas obligés. S’agissant de l’endettement par exemple, nous le vivrions moins mal s’il nous avait été imposé par un adversaire, s’il s’agissait d’un tribut à verser. C’est de nos propres décisions qu’il résulte, d’un consensus de la société française relayé par nos élus et nos institutions. C’est nous qui n’avons pas voulu prendre en compte la profondeur du temps. Du temps à venir : comment continuer d’afficher le souci prétendu des intérêts de nos enfants et petits-enfants alors qu’il ne se passe pas de jour sans que nous aggravions les charges qu’ils auront à supporter ? Du temps passé : pourquoi si peu de compréhension pour l’attitude des Allemands dans cette crise, eux qui se souviennent des circonstances – à bien des égards comparables – de l’accession de Hitler au pouvoir ? Mais la partie n’est pas encore jouée. Un grand effort est nécessaire, dont je ne suis pas sûr que nous soyons capables, pour que les prophètes de malheur ne finissent pas, comme si souvent dans l’Histoire, par avoir raison. Mais tout n’est peut-être pas perdu, pour autant que nous soyons capables de nous dégager des formatages mentaux et des conformismes d’une société immobile, tels que, du matin au soir, experts et médias les consolident. Par exemple, considérons autrement la réduction du périmètre des structures publiques. Celle-ci posera d’énormes problèmes. Considérons aussi ce qu’elle peut apporter. Depuis la politique agricole jusqu’au transport public, en passant par la culture, l’économie, le système éducatif, la protection sociale, nous savions de longue date que nous avions affaire à des univers pétrifiés, contrôlés par des groupes d’intérêts brandissant la bannière de l’intérêt général, des domaines interdits d’accès à l’esprit d’entreprise. Comment, dans un monde interdépendant et complexe, prétendre agir à partir de cette instrumentation rouillée ? De multiples territoires jusqu’ici interdits peuvent s’ouvrir aux initiatives et aux idées. Que les préceptes prétendument sages ne s’appliquent plus, qu’il devient nécessaire d’inventer, que nous devons prendre la mesure de nos solidarités dans la métamorphose, tout cela fait son chemin dans les esprits… Tout n’est peut-être pas perdu pour le mouvant ! Armand Braun |
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Citation
« Si le monde d’hier n’avait pas existé, celui d’aujourd’hui ne pourrait pas envisager celui de demain. »
Pierre Dac
Clin d’oeil
Les requins ont existé bien avant les arbres sur Terre et les anneaux autour de Saturne.
@quikipedia – 8 juin 2023 – cité par Prospect magazine – août-septembre 2023
À lire
Dans « L’homme, l’animal et l’éthique », Georges Chapouthier, neurobiologiste et philosophe, présente à propos de cette problématique les réponses de grands philosophes et les analyses de la biologie moderne concernant la douleur et la conscience. Il démontre comment l’apport des droits de l’animal a modifié la morale et donne des conseils pratiques sur ce qui pourrait être amélioré dans nos relations avec les animaux.
Il propose par ailleurs, aux associations et aux écoles, un jeu pédagogique : « La fresque des animaux »
https://www.jne-asso.org/2023/04/23/lhomme-lanimal-et-lethique-quelques-reflexions-essentielles/
Lire à ce sujet la « rencontre avec Georges Chapouthier »
À voir
Le « Festival Photo La Gacilly » propose une expérience photographique immersive et déambulatoire au cœur d’une trentaine de galeries à ciel ouvert, présentant le meilleur de la création photo contemporaine qui interroge notre relation au monde et à la nature.
Les photographies habillent les rues, les jardins et les venelles de La Gacilly, dont le magnifique patrimoine bâti et naturel offre un écrin parfait aux plus de 800 images exposées. L’espace public devient un espace scénique, partagé et accessible à tous, gratuitement.
Le thème de cette vingtième édition : « la nature en héritage ».
À La Gacilly en Bretagne, jusqu’au 1er octobre
https://www.festivalphoto-lagacilly.com/festivalphoto-lagacilly.com
Courrier des lecteurs
Après avoir lu votre édito de septembre 2022 sur le droit à l’image des léopards, ma compagne et moi nous nous sommes rendus compte qu’il y en avait partout. Nous avons donc inventé un jeu : chaque fois que nous voyions un vêtement ou un accessoire portant ces motifs (sur une personne, pas en photo ou dans une vitrine) nous avons mis I€ dans une tirelire (représentant un léopard, évidemment). Au bout de trois mois, nous avions économisé de quoi nous offrir dans un restaurant étoilé un délicieux repas … végétarien. Mieux que la Caisse d’Épargne !
SLG, Paris