EDITORIAUX 2010
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Février 2010 Du côté de 2010, on ne donnait pas cher de l’avenir de l’Europe, car tout allait mal. On pensait à la catastrophe écologique annoncée, à l’affirmation du rôle nouveau du continent asiatique, de l’Amérique du Sud, de l’Afrique, aux échecs des Européens sur les marchés du monde. On s’habituait à des déficits publics insurmontables et, comme une armée en déroute se rassure de tenir un front quelques heures, on se réjouissait de la moindre embellie économique. On ressuscitait de vieux rêves pervers : arrêter la construction européenne, freiner les échanges, se fermer aux autres. La descente à l’abîme des pays les plus faibles faisait figure de précédent pour les autres et on se demandait jusqu’où se poursuivrait la dégringolade. La perspective imminente du désastre a réveillé les Européens et les a convaincus de secouer leur torpeur. Ils avaient fini par admettre que leur propre impéritie expliquait la situation, bien plus que l’irruption des nouveaux acteurs, bien plus que l’imminence des multiples menaces. D’abord, la réaction immédiate des Etats, en 2008 et 2009, a été infiniment plus éclairée qu’elle ne l’avait été lors de l’autre grande crise, celle de 1929. Ensuite, à partir de 2010, les pays d’Europe ont accompli ce que nul ne les croyait capables de faire : réduire véritablement la dépense publique, les armées bureaucratiques et les collections de codes de procédures, réunir les conditions du redressement de la productivité, réinventer des responsabilités sociales de plus en plus mal assurées (éducation, formation, accueil des étrangers… ), inscrire la compréhension et la pratique des nouvelles technologies au cœur de toutes les activités, quitte à confier aux jeunes la formation des adultes dans ces domaines, faire de la solidarité et de la responsabilité le vecteur de la communication de chacun avec les autres, toutes générations ensemble, à l’échelle du monde. Quelle chance, rétrospectivement, que cette crise ! Quelle chance qu’elle se soit produite en un moment où, malgré tout, on pouvait encore faire quelque chose ! Qui sait si deux ou trois ans plus tard l’Europe ne serait pas tombée dans le gouffre ! Ainsi, contre toute attente, le continent pouvait, du côté de 2020-2025, assumer son rôle naturel aux côtés de l’Amérique et de l’Asie dans l’organisation tripolaire dont le monde s’était alors doté. Si aujourd’hui, en 2050, nous autres Européens sommes bien présents, assumons notre rôle dans le monde, avons confiance en l’avenir, c’est parce que, au cours de ces décennies déjà oubliées, nos parents et grands-parents ont fait ce qu’il fallait. Contrairement à bien des prédictions, l’Europe est aujourd’hui une société multiculturelle, tolérante, ouverte sur le monde et le changement continu, terre d’intelligence, de compétence et de civilisation. Il y a quarante ans, de l’avenir on ne voyait que les menaces et c’est miracle que celles-ci aient été écartées. Il serait ennuyeux que, parce qu’aujourd’hui tout va bien, nous arrêtions ces progrès et que cela tourne mal. Du passé, appliquons quotidiennement les véritables leçons : parier sur la complexité, expression supérieure de ce qu’il y a de plus humain en l’homme ; sur la prise de risque réfléchie ; sur l’invention et l’innovation là où on les attend – la recherche, l’industrie, les services – et là où nous découvrons qu’elles sont tout aussi utiles, par exemple de nouvelles configurations institutionnelles en phase avec le renouvellement des instruments de la démocratie… Bref, à nous maintenant de préparer, avec les autres régions du monde, l’aventure humaine des cinquante ans à venir. Armand Braun |
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Citation
« Au début des années 2000, la vulgarisation, c’était la cerise sur le gâteau. Maintenant, la cerise est devenue le gâteau. »
Jean-Michel Courty, physicien – Le Monde – 28 février 2024
Clin d’oeil
« Les réseaux sociaux utilisent les mêmes artifices pour garder les gens le plus longtemps possible devant leur écran, que la fameuse boîte de Skinner, où des rats appuient frénétiquement sur un levier qui leur apporte aléatoirement une friandise. »
Augustin Lignier, International New York Times, 27 janvier 2024
Le coin du poète
PRINTEMPS
Une tendre buée verte
Mousse sur les rameaux dans les hautes futaies
Le hêtre et le tilleul y respirent en paix
La tiédeur du soleil
Poussés par le vent d’ouest
Les nuages déposent leur précieuse pluie
Sur les bourgeons qui s’ouvrent
Et les troncs reverdis
Tout brille
La canopée se meut en ondulations lentes
La jonquille couvre d’or les feuilles du passé
Jean Recoing