EDITORIAUX 2011

Mai 2011

Prospective : les femmes, l’autre différence

Laissons de côté les beaux discours, les statistiques et le droit. Reconnaissons que, parmi tous les contrastes, toutes les inégalités qui divisent les sociétés, la différence de condition entre les hommes et les femmes reste considérable.

L’égalité réelle, effective, a pour territoires l’Europe, l’Amérique, l’Australie, une grande partie de l’Afrique (où, dans certains pays de l’Ouest, l’économie est contrôlée par les femmes). En Chine, en Inde, dans les pays arabes, c’est-à-dire sur la moitié de la planète, l’inégalité persiste.

N’est-il pas excessif de parler de l’inégalité hommes/femmes en Chine ? Oui, certainement. Nombreuses sont dans les grandes villes ces jeunes femmes engagées dans la vie des affaires qui ressemblent à celles que l’on rencontre dans les rues et les bureaux de New York ou de Londres. Mais incomparablement plus nombreuses sont les jeunes migrantes en provenance des campagnes qui font l’objet de toutes les formes d’exploitation (la population chinoise est encore aujourd’hui rurale à 57 %). Les conséquences du déséquilibre hommes-femmes commençant à se manifester, cette exploitation est d’abord sexuelle.

N’est-il pas excessif de parler de l’inégalité hommes/femmes en Inde ? Oui, certainement si l’on en juge par le nombre des jeunes diplômées. Non, si on observe que l’immense majorité de ces jeunes femmes seront privées de promotion et que, comme en Chine, le meurtre des nouvelles nées reste dans les campagnes une pratique que les pouvoirs locaux continuent à encourager.

N’est-il pas excessif de parler de l’inégalité hommes/femmes dans les pays arabes ? C’est un sujet qui, en France même et en Europe donne lieu à bien des controverses.

Tout cela, naturellement, mériterait d’être nuancé. L’égalité dans les pays d’Occident ne s’étend pas encore vraiment aux responsabilités les plus élevées. Partout, on trouve des situations dans lesquelles l’égalité hommes/femmes est réelle. Partout dans le monde, les jeunes femmes jouent un rôle important dans la création d’entreprises. On rencontre dans les villes chinoises ce phénomène nouveau : des jeunes femmes pourvues de bons emplois n’acceptent d’épouser que des propriétaires d’appartements. Et nous savons par ailleurs que l’Europe ou l’Amérique ne sont pas sans reproches. Mais l’inégalité, là où elle existe, accable suffisamment celles qui en souffrent pour qu’il soit permis de se demander si, contrairement à tout ce qui se raconte, elle diminue vraiment. Ce sont les femmes qui, bien plus que les hommes, subissent l’impact de la crise économique.

Une donnée d’une autre nature laisse pourtant espérer qu’une évolution favorable devient possible. Il y a dans le monde aujourd’hui plus de cinq milliards de téléphones portables, les trois-quarts sont dans les pays en développement, la plupart déjà des smartphones. Du coup, des réseaux sociaux peuvent apparaître, des solidarités récemment encore inconcevables se mettre en place, qui peuvent générer des ressources à partir desquelles les femmes inventeront peut-être les formes nouvelles de leur autonomie : banque sur téléphone portable, télémédecine, microcrédit…

Longtemps, pour tout ce qui avait trait au développement sous toutes ses formes, nous n’avions pas d’alternative aux prudentes dissertations de toutes sortes d’institutions. De nos jours, la facilité de déplacement rend possible l’accès direct au réel. C’est le réel qui apporte à toutes et à tous, avant tout à travers des technologies, une chance de mieux maîtriser leur destin.

Armand Braun

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