EDITORIAUX 2012
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Novembre 2012 Prospective : Les enfants perdus Il faut suivre ce qui se passe avec la démographie en Allemagne. La natalité y poursuit sa chute engagée depuis le milieu des années 1960, le taux de fécondité s’est effondré à 1,36 enfant par femme (le taux nécessaire au simple maintien de la population est de 2,1). Quant à l’espérance de vie, elle a été rallongée de dix ans. Un rapport officiel calcule qu’à ce rythme le pays aura, d’ici à 2060, perdu un cinquième de ses habitants, dont un sur sept aura plus de 80 ans ! Les multiples effets de cette situation se vérifient déjà, par exemple en matière d’emploi. Les entreprises placent le manque de main d’œuvre en tête de leurs préoccupations. Bien que l’âge de la retraite ait été porté à 67 ans et que la formation des seniors mobilise des ressources considérables, plus d’un million de postes sont vacants et parmi eux 60 000 ingénieurs, 25 000 informaticiens, 20 000 médecins, infirmiers et sages-femmes. L’appel à la main d’œuvre étrangère attire entre autres les quelques dizaines de milliers de jeunes Grecs et Espagnols poussés à l’exil par la crise, et surtout des centaines de milliers de talents du monde entier. L’impact de leur venue est réduit par l’émigration de nombreux professionnels allemands. En France, notre meilleure démographie s’explique largement par la présence d’enfants nés sur notre sol de parents récemment immigrés. Les jeunes femmes allemandes, désormais aussi attentives que leurs conjoints à préserver leur avenir professionnel, n’acceptent pas la proposition qui leur est faite, notamment en Bavière, d’être rémunérées pour rester s’occuper de leurs enfants à la maison. Et, au fond, pourquoi des enfants ? Le coût de leur éducation est de plus en plus élevé. Nombreux sont les jeunes couples qui, très satisfaits de leurs conditions de vie, convaincus de pouvoir les maintenir dans la durée s’ils n’acceptent pas d’autres charges et responsabilités, ne veulent plus d’enfants. Peut-être y a-t-il là une expression d’un fait majeur qui se manifeste à retardement : nos sociétés post-agricoles n’ont plus besoin de la force de travail des enfants. Enfin, la référence aux valeurs morales qui apportait du sens et contribuait à la vitalité du lien social s’est beaucoup affaiblie. Par ailleurs, beaucoup de jeunes adultes sont débordés par leur travail et déboussolés face à ce qu’exige de disponibilité, d’écoute et de patience le fait d’élever des enfants. La proportion des enfants sous psychotropes ne cesse d’augmenter ; par exemple, les médicaments qui ne devraient servir qu’à soulager les enfants souffrant d’hyperactivité pathologique sont administrés aussi à des enfants turbulents pour le confort des parents et des enseignants. Rien n’est séparable : ce qui se passe à propos des enfants atteindra vite nos sociétés dans leurs profondeurs ; ce qui se passe aujourd’hui exercera sur l’avenir un impact que nous ignorons mais que, intuitivement, nous avons des raisons de redouter ; et la manière dont nous abordons les enjeux – dont la démographie – s’inspire davantage de témoignages sur le passé que d’un souci réel de réflexion. L’Europe entière devrait partager l’inquiétude des Allemands. Armand Braun Sources documentaires : |
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Citation
« Au début des années 2000, la vulgarisation, c’était la cerise sur le gâteau. Maintenant, la cerise est devenue le gâteau. »
Jean-Michel Courty, physicien – Le Monde – 28 février 2024
Clin d’oeil
« Les réseaux sociaux utilisent les mêmes artifices pour garder les gens le plus longtemps possible devant leur écran, que la fameuse boîte de Skinner, où des rats appuient frénétiquement sur un levier qui leur apporte aléatoirement une friandise. »
Augustin Lignier, International New York Times, 27 janvier 2024
Rencontre
Le coin du poète
PRINTEMPS
Une tendre buée verte
Mousse sur les rameaux dans les hautes futaies
Le hêtre et le tilleul y respirent en paix
La tiédeur du soleil
Poussés par le vent d’ouest
Les nuages déposent leur précieuse pluie
Sur les bourgeons qui s’ouvrent
Et les troncs reverdis
Tout brille
La canopée se meut en ondulations lentes
La jonquille couvre d’or les feuilles du passé
Jean Recoing