EDITORIAUX 2012
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Juin 2012 Prospective : les » indignés » et le changement du monde C’est parce qu’ils subissent le chômage, la pauvreté et l’absence de perspectives que des centaines de milliers de jeunes manifestent dans les pays que l’on qualifie encore de riches. Ces jeunes, souvent porteurs de réelles qualifications professionnelles, savent que le nyaka et les promesses ne valent rien. Leur souci de l’avenir n’en est que plus grand. Si cette protestation leur attire de nombreuses sympathies, elle ne s’accompagne pas, au-delà des slogans, de véritables propositions. Nous subissons les effets de la conjonction entre au moins trois phénomènes différents : l’impact des courants profonds entraînant les sociétés modernes, des problèmes structurels, des ruptures. Tous ceux qui s’inquiètent – et ils sont des millions – devraient comprendre que notre époque bénéficie d’une très grande chance : tout est à faire. Nous savons que la nature même du travail change et derrière le travail, l’emploi, que nous devons inventer les nouvelles formes de la rétribution et de l’activité professionnelle. Que le péril environnemental est biface, qu’il peut devenir une formidable source de création de richesses. Que d’innombrables contraintes lilliputiennes interdisent l’initiative dans des domaines essentiels. Que l’éducation, source de l’avenir, peut être profondément réinventée… Ce ne sont là que quelques-uns parmi les grands chantiers d’organisation sociale qui devraient être ouverts. Par contre, ceux qui s’inquiètent ont raison quand ils ont l’intuition que rien ne se fera. Le conservatisme se survit sous de nouveaux habillages : le thème de la régulation sert à relégitimer le corset bureaucratique ; la solidarité et l’égalité sont détournées pour préserver des intérêts corporatistes ; nous avons recours à des mots – croissance, innovation… – dont nous nous réservons de définir ultérieurement le contenu. L’Etat est écartelé entre les besoins et les pressions du présent et les impératifs de la préparation de l’avenir, entre les contraintes internes et les contraintes externes. La dette publique n’est pas sans rappeler les tributs que nous avons dû payer dans le passé, par exemple pour obtenir la libération d’un roi prisonnier ou encore dans le cadre du Traité de Francfort, après la guerre de 1870. Sauf que cette fois, nous n’en voyons pas la fin. Nous continuons de vivre sur ce qui devient une fiction, la poursuite des statu quo. La peur des uns et l’inconscience des autres expliquent que c’est tous freins serrés que nous abordons les grandes épreuves qui pourraient advenir. Et s’il est une critique à adresser à ceux qui s’inquiètent, c’est de participer de ce statisme : qui donc, en matière d’éducation par exemple, exige autre chose que davantage de moyens ? Les mécanismes de négociation et de concertation qui convenaient si bien par temps calme deviennent des simulacres. Dans la tempête, c’est de mécanismes de transformation que nous avons maintenant besoin. C’est la prise en charge résolue du changement du monde qui nous permettrait de retrouver ce que beaucoup réclament : du sens à leur vie. Quoiqu’affirment tant d’esprits distingués, la problématique d’aujourd’hui n’a rien à voir avec celle des années 1930. Elle ne peut être réduite à une querelle entre austérité et relance qui n’appréhende que l’écume des choses et contourne les questions difficiles. Le phénomène des « indignés » (de même que l’émergence du parti « pirate » en Allemagne) porte en définitive sur la volonté de la jeune génération d’assumer son destin. Les artifices immobilistes qui l’en empêchent peuvent être écartés et nous avons grand intérêt à le faire. Et vite : plus difficiles les épreuves, plus difficiles les réformes de fond, comme on l’observe en Grèce. Aux récentes élections présidentielles, près d’un Français sur trois a voté pour des partis populistes. Heureusement, ceux-ci sont antagonistes. Mais, dans quelques années, si nous continuons à ne rien faire, nous risquons de connaître à notre tour et par notre faute les situations qui, au début du XXème siècle, ont amené des peuples à se livrer à d’éloquents et criminels idéologues. La crise impose le mouvement. C’est de la difficulté que peut renaître l’optimisme. Il est grand temps de nous dégager des schémas conventionnels et de rechercher en tout domaine la référence de l’avenir ! Armand Braun |
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Vu
Citation
« Si le monde d’hier n’avait pas existé, celui d’aujourd’hui ne pourrait pas envisager celui de demain. »
Pierre Dac
Clin d’oeil
Les requins ont existé bien avant les arbres sur Terre et les anneaux autour de Saturne.
@quikipedia – 8 juin 2023 – cité par Prospect magazine – août-septembre 2023
À lire
Dans « L’homme, l’animal et l’éthique », Georges Chapouthier, neurobiologiste et philosophe, présente à propos de cette problématique les réponses de grands philosophes et les analyses de la biologie moderne concernant la douleur et la conscience. Il démontre comment l’apport des droits de l’animal a modifié la morale et donne des conseils pratiques sur ce qui pourrait être amélioré dans nos relations avec les animaux.
Il propose par ailleurs, aux associations et aux écoles, un jeu pédagogique : « La fresque des animaux »
https://www.jne-asso.org/2023/04/23/lhomme-lanimal-et-lethique-quelques-reflexions-essentielles/
Lire à ce sujet la « rencontre avec Georges Chapouthier »
À voir
Le « Festival Photo La Gacilly » propose une expérience photographique immersive et déambulatoire au cœur d’une trentaine de galeries à ciel ouvert, présentant le meilleur de la création photo contemporaine qui interroge notre relation au monde et à la nature.
Les photographies habillent les rues, les jardins et les venelles de La Gacilly, dont le magnifique patrimoine bâti et naturel offre un écrin parfait aux plus de 800 images exposées. L’espace public devient un espace scénique, partagé et accessible à tous, gratuitement.
Le thème de cette vingtième édition : « la nature en héritage ».
À La Gacilly en Bretagne, jusqu’au 1er octobre
https://www.festivalphoto-lagacilly.com/festivalphoto-lagacilly.com
Courrier des lecteurs
Après avoir lu votre édito de septembre 2022 sur le droit à l’image des léopards, ma compagne et moi nous nous sommes rendus compte qu’il y en avait partout. Nous avons donc inventé un jeu : chaque fois que nous voyions un vêtement ou un accessoire portant ces motifs (sur une personne, pas en photo ou dans une vitrine) nous avons mis I€ dans une tirelire (représentant un léopard, évidemment). Au bout de trois mois, nous avions économisé de quoi nous offrir dans un restaurant étoilé un délicieux repas … végétarien. Mieux que la Caisse d’Épargne !
SLG, Paris