Quand la culture s’invite dans nos assiettes
Il y a un an, la gastronomie française a été inscrite par l’UNESCO au patrimoine de l’humanité. Voici, pour célébrer cet anniversaire, une petite revue de plats qui portent des noms d’artistes.
Le premier qui vient à l’esprit est Rossini. « Ce que l’amour est au cœur, l’appétit est à l’estomac. L’estomac est le maître de musique qui freine ou éperonne le grand orchestre des passions. Manger et aimer, chanter et digérer sont les quatre actes de l’opéra bouffe qui a pour titre la vie », a-t-il écrit. Il ne composait pas que des opéras et des morceaux de musique, mais aussi des plats, passant peut-être davantage de temps devant les assiettes que les partitions. Enfant, pendant les tournées de ses parents, cantatrice et corniste, il avait été en pension chez un charcutier (qui lui fit donner des leçons de musique) et regrettera parfois de ne pas en avoir fait son métier.
Il a donné lui-même le titre de certaines de ses œuvres à des plats de son invention : « bouchées de la Pie voleuse », « tarte Guillaume Tell » et inversement une allure de menu à des morceaux de musique : Hâchis romantique, Petite valse à l’huile de ricin…
C’est donc lui qui aurait demandé qu’on lui serve au Café Anglais, à Paris, une tranche de filet de bœuf surmontée de foie gras et de quelques lamelles de truffes. Le maître d’hôtel devait terminer la préparation sous les yeux des convives, ce qui le choqua. Rossini lui dit : « Eh bien, servez-nous en tournant le dos ». Selon d’autres sources l’inventeur serait Casimir Moisson du restaurant La Maison dorée ou encore Marie-Antoine Carême, l’un et l’autre amis du compositeur. Quoiqu’il en soit, le tournedos Rossini est resté à la carte.
Née Helen Porter Mitchell en Australie, la cantatrice colorature Nellie Melba doit son nom de scène à la ville de Melbourne où elle donna son premier concert et au diminutif anglais d’Helen. Sa beauté, sa présence sur scène et sa tessiture étendue lui valurent une carrière internationale. Elle fut l’une des premières cantatrices dont la voix fit l’objet d’enregistrements phonographiques au début des années 1900. On peut toujours l’entendre interpréter La Traviata ou Rigoletto sur YouTube. Mais elle demeure peut-être plus célèbre encore grâce à la pêche Melba que le chef cuisinier du Savoy à Londres a créée en son honneur en 1899 : une pêche cuite avec glace à la vanille et coulis de framboise.
Ce dessert a peut-être été inspiré par un autre chef, une autre diva, une autre Hélène. En 1874, quand triomphait sur les Boulevards l’opérette La Belle Hélène, c’est en l’honneur à la fois de son auteur, Offenbach, et de son interprète, Hortense Schneider, que le chef Georges Auguste Escoffier eut l’idée de « la Poire Belle Hélène », une poire pochée nappée d’une sauce au chocolat chaude. C’est plus tard qu’on a ajouté une boule de glace à la vanille.
C’est aussi un événement médiatique qui a inspiré le carpaccio. Créée dans les années 1950 au Harry’s Bar de Venise à l’intention d’une cliente qui ne mangeait que de la viande cure, la recette fut baptisée ainsi en l’honneur de Vittore Carpaccio (1463-1526), peintre vénitien qui faisait alors l’objet d’une rétrospective. Le rapprochement aurait été inspiré au chef Giuseppe Cipriani par les rouges de la palette du peintre. Contrairement à ce qu’on croit communément, il est ici question de la couleur du mets et non de la finesse des tranches. Les carpaccios de saumon, de tomate ou d’ananas sont des plats léger et agréables, mais des contresens.
« Imaginerait-on seulement déguster un Rembrandt de langoustines, un Caravage de courgettes, un Vélasquez de poulpe ou un Cézanne d’ananas ? Ce serait, certes intrigant, mais pourrait sembler prétentieux ou tomber comme un cheveu sur la soupe », s’amuse Stéphanie Noblet (dans le Monde du 24 juin).
Eh bien oui, on peut l’imaginer. Les noms des plats interchangeables à la carte des cafétérias de musées s’inspirent des œuvres les plus célèbres exposées en permanence ou temporairement. Vincent Van Gogh – dont les reproductions battent un record sur les porte-clefs sur les calepins, calendriers, tasses et autres souvenirs – s’invite malgré lui à la table de nombreuses cantines pour touristes, y compris l’auberge Ravoux à Auvers-sur-Oise, où il a fini ses jours. Mais voilà, contrairement à Rossini, Van Gogh s’il était un génie de la peinture n’était pas (bien que né dans l’autre pays du fromage) un gastronome…
Pour devenir mondialement célèbre et entrer dans le dictionnaire des noms communs, il faut à une recette plus qu’un timing réussi et une bonne communication : le métier, le talent, voire le génie, non seulement de l’artiste dont elle usurpe le nom, mais ceux aussi du cuisinier qui l’a conçue.
Hélène Braun
Il ne s’agit pas ici du terme anglais Ms (prononcez « Miz ») destiné à effacer la distinction entre Miss (Mademoiselle) et Mrs (Madame). Elle se justifie : après tout, demande-t-on à ces Messieurs s’ils sont mariés ou non ? Une de mes amies (que l’on aurait autrefois qualifiée de vieille fille) répondait aux hommes qui lui demandaient d’un ton égrillard « Mme ou Mlle ? » : « Et vous, Monsieur ou Mon Damoiseau ? »
Ce qui est gênant dans l’adaptation française de Ms, c’est que maintenant en France toutes les petites filles s’appellent « Madame » ! On aurait pu opter pour « Mademoiselle » pour toutes, comme à la Comédie française. Histoire de nous faire sentir éternellement jeunes.
Non il est question ici des reines de beauté. Là aussi cela commence aux Etats-Unis. Presqu’un siècle après le premier concours de beauté à Atlantic City, où les concurrentes défilaient dans des maillots une pièce ressemblant davantage à des burkinis qu’à des bikinis, Gretchen Carlson, présidente de Miss America a déclaré : « Nous ne sommes plus un concours de beauté mais une compétition. Plus de maillots de bain, plus de robes du soir, plus de talons aiguille. Les candidates seront jugées non sur leur apparence physique mais sur les projets sociaux qu’elles présenteront dans la tenue de leur choix. »
Ne nous leurrons pas, même si elles ne portent se montrent plus en petite tenue, le jury ne pourra s’empêcher de les juger sur leur beauté. Toutes les femmes le savent, c’est le cas, même quand on fait le tour du pâté de maison dans un pull informe.
Remarque : les sites Internet qui rapportent cette info sont agrémentés de publicités pour des crèmes de beauté censées retarder les effets de l’âge…
Bari Weiss – International New York Times – 8 juin 2018
Prospective.fr
Jusqu’à une date récente, la philosophie morale s’est peu intéressée à la question de l’immigration. C’est pourquoi sans doute les idées reçues sont si dominantes : d’un côté, la position « frontières ouvertes » du Pape François ou la fermeture absolue. Or, cette question en induit bien d’autres. Par exemple, quid de l’avenir de l’État-Nation face à une immigration débordante ? Quid de la souveraineté ? Quid des relations interétatiques alors que d’une nation à l’autre les positions sont si différentes ? C’est pourquoi, un bref inventaire des éthiques de l’immigration peut être utile.
La position open borders de la gauche libérale :
Le libéralisme condamne l’utilisation de faits contingents pour justifier des inégalités de traitement. Un aspect contingent de la personne – le caractère ethnique ou la race – ne peut légitimer une différence de traitement politique.
L’éthique catholique :
La position chrétienne d’accueil inconditionnel de l’étranger est fondée sur trois éléments : l’enseignement du Christ et des apôtres, le fait que tout Chrétien est par nature un étranger à ce monde et, enfin, l’idée qu’un monde sans frontières préfigure la cité de Dieu.
L’éthique libertarienne :
Les individus ont des droits souverains et il est des choses qu’aucune personne ni aucun groupe ne peut faire sans enfreindre leurs droits. Le fondement de la position libertarienne peut se résumer de la façon suivante : l’immigration consiste en ceci que des individus « invitent » d’autres individus à résider sur un territoire.
Jean-Philippe Vincent – Fondapol – Juin 2018
Imaginons qu’un enfant de dix ans pose cette question : « Martin Luther est sur Internet. Comment a-t-il fait, puisqu’il n’y avait pas d’ordinateurs à son époque ? » Demandez à n’importe qui quelle est actuellement la priorité, il répondra : le numérique. Le numérique est l’idéologie de notre temps.
Mais regardons-y de plus près.
Certes, lancer une fusée, écrire un poème, piloter une grue, diagnostiquer une maladie, observer les étoiles, prendre la tension, écouter de la musique, chercher la station-service la plus proche… tout se fait du bout des doigts sur un clavier. Ce n’est pas un progrès, juste une facilitation.
Que peut vraiment le numérique ? Construira-t-il des maisons ? Élèvera-t-il le niveau d’éducation des populations ? Nettoiera-t-il les océans ? Réduira-t-il le temps de vie des déchets radioactifs ? Évitera-t-il les migrations de masse ? Clouera-t-il le bec aux populistes ? Mettra-t-il les dictateurs en prison ? Reconstituera-t-il les glaces des océans arctique et antarctique ? Réduira-t-il la mortalité infantile ? Protégera-t-il les Iles Salomon de la montée des eaux ? Trouvera-t-il des emplois aux millions de jeunes chômeurs ? Résoudra-t-il le problème de la faim ? Ressuscitera-t-il nos institutions politiques décadentes ? … Et rendra-t-il leur goût aux tomates ?
« Comment atteindrai-je le royaume des cieux ? », se demandait Martin Luther. Nous sommes en train de confondre le royaume des cieux et le confort.
Manfred Schneider – Professeur émérite de littérature à l’université de Bochum (Allemagne) – Neue Zürcher Zeitung – 27 juin 2018
À l’heure de la Coupe du monde, on reparle des cartes Panini. Les images à l’effigie des footballeurs font l’objet d’échanges fiévreux dans les cours de récréation. Au Brésil, deux assistants parlementaires ont été limogés après avoir été surpris par une caméra se livrant à ce jeu de gamins sur les banches de l’Assemblée nationale.
Lancée en 1961 par deux marchands de journaux italiens, Giuseppe et Benito Panini, l’invention est passée à l’international. L’entreprise est devenue un business model pour les économistes.
Pour avoir la collection complète il faudrait acheter près d’un millier de pochettes. D’où les échanges qui, aujourd’hui sur Internet, font l’objet de véritables stratégies.
La leçon la plus étonnante porte peut-être sur les photos elles-mêmes. Astrid Hopfensitz, de la Toulouse School of Economics - en français, on dirait l’École économique de Toulouse - et César Mantilla, de l’université de Rosario en Colombie, ont passé plus de 4 000 cartes publiées depuis 1970 au crible d’un logiciel de reconnaissance faciale qui distingue bonheur (visage ouvert, sourire…) et colère (visage fermé, sourcils froncés…). Un peu moins de la moitié des joueurs expriment l’un ou l’autre. Puis ils ont comparé expressions des visages et résultats des matchs.
Conclusion : « Les équipes dont les joueurs affichent davantage le bonheur marquent davantage de buts. »
Jean-Marc Vittori – Les Echos – 26 juin 2018
Les capsules temporelles sont à la mode. Le 22 juin, des élèves du lycée Parc de Vilgénis à Massy ont, à l’initiative de leur professeur de lettres et d’histoire, Baptiste Pujol, enfoui une capsule temporelle dans le parc de l’établissement. Il s’agit d’un silo de béton de 2 m de profondeur sur lequel est vissée une plaque intimant : « Ne pas ouvrir avant 2067 ». Il dépasse un peu du gazon. Recouvert de terre battue, il devrait former à la longue une espèce de tertre. Sage décision, quand on sait que de nombreuses capsules temporelles ne sont jamais retrouvées.
Chaque classe a choisi des objets du quotidien ou représentatifs de la vie du lycée : des journaux de tout bord, une gazette du lycée de 1998 intitulée Mammouth, le journal qui dégraisse (allusion à l’injonction de Claude Allègre, ministre de l’Éducation nationale de l’époque à « dégraisser le mammouth »), un pot de Nutella vide, une pièce de 2 euros, un recueil des dix nouvelles ayant gagné le concours organisé par le lycée sur le thème « Imaginez le monde en 2067 ». Un élève décidé à intriguer ses successeurs a aussi choisi des vestiges d’une époque déjà révolue (ou en passe de l’être) : un tampon buvard, un stylo raccordé à un support par une chaînette, une cassette vidéo d’un enregistrement vidéo du Bébête Show. La reporter qui a assisté à l’événement ne dit pas si on y a aussi placé un téléviseur et un lecteur pour la visionner.
D’après Baptiste Pujol, c’est « un dialogue à sens unique ».
Pas sûr. Dans 49 ans, les élèves qui ont participé à la cérémonie auront moins de 70 ans. Si tout se passe bien, certains pourront assister à l’exhumation du trésor et le commenter.
Violaine Morin – Le Monde – 23 juin 2018
Des milliers d’astéroïdes passent constamment au voisinage de la Terre. Les risques d’une collision sont minces, mais si cela se produisait, même un astéroïde de la taille d’une maison pourrait causer autant de dégâts qu’une bombe atomique.
C’est pourquoi la NASA a développé le projet Neowise : une vaste entreprise d’observation des astéroïdes. La chaleur qu’émettent ces derniers permet de mesurer leur taille et leur réflectivité. Or leur importance, comme leur trajet, est une indication de leur dangerosité. On pourra, dans le pire des cas, estimer les dégâts potentiels ; dans le meilleur des cas, les faire exploser en vol. 158 000 astéroïdes ont été ainsi catalogués depuis 2011.
Un chercheur indépendant, Nathan P. Myhrvold, ancien dirigeant de Microsoft, grand collectionneur de fossiles de dinosaures et de météorites, met en cause ces résultats dans la revue Icarus. Les astéroïdes observés seraient en réalité au moins 10% plus grands qu’on ne le croit.
Les données, dit-il, se fondent sur les observations assez anciennes effectuées par le satellite artificiel Wise. Ce dernier a été lancé en 2009 pour prendre des images de centaines de millions de galaxies et d’étoiles extrêmement lointaines. Or les astéroïdes sont des objets proches. D’où les erreurs. En effet, le rayonnement solaire affecte les mesures des astéroïdes dans l’infra-rouge et les chercheurs de la NASA n’ont pas tenu compte de cette variable.
La NASA se défend. Deux autres spécialistes américains de l’espace, David Morrison et Jean-Luc Margot, sont d’accord Myhrvold. Le débat est ouvert.
Espérons qu’aucun astéroïde, identifié ou non, ne viendra les départager en faisant exploser notre planète.
Kenneth Chang – International New York Times – 20 juin 2018
Un nouveau médicament contre l’hépatite B devrait bientôt voir le jour. Les essais cliniques de phase 1, celle qui permet d’évaluer la tolérance et l’absence d’effets indésirables sur des sujets sains, ont déjà eu lieu. Il s’agit maintenant de passer à la phase 2, celle des essais sur les malades afin de déterminer la dose optimale.
Mais avant d’être testée sur de vrais malades, la molécule l’a été sur une population de 10 000 patients virtuels : des lignes de code, réagissant comme des organismes vivants à l’absorption d’un médicament.
On sait simuler certains organes, comme le cœur, le foie, les poumons, dans un état sain ou pathologiques. Simuler un organisme entier, c’est plus complexe. Pour le moment seul un laboratoire français et un laboratoire américain sont en train de s’y risquer.
Ils répondront sans doute à l’appel à candidatures de la Food and Drug Administration pour conduire de tels essais … in silico.
Yann Verdo – Les Echos – 19 juin 2018
Nous passons en moyenne cinq ans de notre vie à rêver. Les rêves inspirent et intriguent depuis toujours les prophètes, les philosophes et les poètes. Ils sont aussi un sujet d’étude pour les scientifiques.
Au cours d’une nuit, nous alternons phases de sommeil léger, sommeil profond et sommeil paradoxal. Au début des années 1950, Eugene Aserinsky et Nathaniel Kleitman, doctorants de l’université de Chicago ont trouvé que c’est pendant ce dernier, caractérisé par de rapides mouvements oculaires et une activité électrique du cerveau proche de celle de l’éveil que surviennent les rêves. En branchant des électrodes dans le cerveau il est possible de savoir quand un sujet est en train de rêver. On peut alors le réveiller et lui faire raconter son rêve.
Ironie du sort : Aserinsky serait mort d’un accident de la route… après s’être endormi au volant.
Les chats rêvent peut-être de souris et les souris de fromage, car presque tous les mammifères ont un sommeil paradoxal.
Les mammifères aquatiques sont une exception : à tour de rôle, un hémisphère de leur cerveau est éveillé et l’autre endormi. Et ils ne connaissent pas de sommeil paradoxal.
Qu’en est-il de mammifères amphibiens comme les phoques ? Comme on pouvait s’y attendre, quand ils sont dans l’eau, ils débranchent leur sommeil paradoxal et dorment avec un côté de leur cerveau, comme les dauphins et les baleines. Dès qu’ils sont à terre, ils dorment comme des mammifères terrestres et retrouvent le sommeil paradoxal.
Cette caractéristique fournit une piste vers l’élucidation de la fonction physiologique des rêves, ou du moins du sommeil paradoxal.
Jerome M Siegel de l’Université de Californie émet en effet l’hypothèse suivante : dans l’eau, le cerveau (du phoque, du dauphin, de la baleine) qui ne fonctionne qu’à moitié est à température constante ; à terre, en envoyant des flots de sang chargés d’oxygène dans le cerveau, le sommeil paradoxal produit de la chaleur et empêche le cerveau de trop se refroidir. En alternant sommeil paradoxal (chaud) et sommeil lent (froid), le cerveau fonctionnerait un peu comme le thermostat qui régule la température d’une chaudière en l’allumant et en l’éteignant.
Carl Zimmer – International New York Times - 13 juin 2018
En Chine, on les appelle « la tribu de la tête baissée ». Ce sont les innombrables piétons qui marchent en envoyant des textos, en regardant des vidéos, en passant des commandes, le regard fixé sur leur téléphone portable.
Chaque année 68 000 d’entre eux en meurent, soit le quart du nombre total de victimes d’accidents de la circulation.
Les responsables d’un centre commercial de la ville de Xi’an ont eu l’idée de tracer au sol, à l’intérieur du centre et à ses abords, des pistes colorées spéciales pour eux où sont peints des symboles et des messages les exhortant à lever le nez.
Une rue d’une autre ville chinoise, Chongqing, a été divisée en deux : d’un côté, l’usage des téléphones portables était interdit, de l’autre il était autorisé « à vos risques et périls ».
Autre stratégie, en Allemagne : à Augsbourg, on a ajouté des feux de signalisation au sol pour éviter les traversées intempestives.
Tiffany May – International New York Times – 12 juin 2018
Le chercheur danois Eske Willerslev raconte comment, étudiant en paléontologie, il cherchait un sujet de thèse pour sa maîtrise. « Je voulais travailler sur l’ADN ancien mais les squelettes n’étaient pas accessibles. C’était l’automne, je voyais par la fenêtre des feuilles tomber et un chien faire ses besoins. Tout cela allait disparaître, emporté par l’eau et le vent, mais est-ce que l’ADN allait rester dans le sol ? Avec mon collègue Anders Hansen, nous nous sommes dit que si un milieu pouvait conserver des biomolécules, ce devait être le permafrost et nous nous sommes lancés. Les premières séquences sont sorties le jour de Noël. J’étais seul au labo. J’ai comparé avec des séquences disponibles dans les banques de gènes : il y avait un mammouth laineux, un renne, un bison, un lemming et diverses plantes. Avec 2 g. de sol on pouvait retrouver toute la communauté biologique même en l’absence de fossiles !»
Après la mort des cellules, des portions d’ADN se lient à de la matière organique ou minérale de leur environnement. Ainsi, protégés, les petits bouts de génome gardent leur secret presque intact pendant plusieurs jours ou plusieurs millénaires.
86% des espèces sur Terre et 91% dans l’océan n’ont pas encore été décrites. Au rythme actuel de découvertes, il faudrait encore 480 ans. Avec l’ADN environnemental tout s’accélère.
Ont ainsi été mis en évidence le « code-barre » de requins supposés disparus au large de la Nouvelle-Calédonie, le matériel génétique d’un ours polaire dans des traces laissées dans la neige, la présence d’une faune inconnue dans l’Antarctique, dans le bassin du Rhône l’équivalent de dix années de pêche scientifique…
Nathaniel Herzberg – Le Monde – 30 mai 2018