Prospective.fr – Juillet 2019 – Edito

Prospective : ma petite collection d’oxymores

Un oxymore est le rapprochement de deux termes qui semblent contradictoires. « Un silence éloquent » ou « un silence assourdissant » en sont les exemples les plus classiques.

Un jour, j’ai entendu quelqu’un remarquer : « elle nous a servi d’abord de fines tranches de coquilles Saint-Jacques marinées au citron vert, parsemées de caviar puis… un hamburger : son menu était un véritable oxymore ! » J’ai trouvé cette critique amusante et, depuis, je note les oxymores que je rencontre sur mon chemin.

Quand on vous dit : ne prenez pas votre voiture…
… mais que les transports en commun se raréfient…
… et que les voies de bus deviennent des pistes cyclables.

Quand une publicité radiophonique vante une voiture de luxe en vous appâtant avec une remise, dont il est précisé, à cette allure qui équivaut aux minuscules lettres au bas des contrats, qu’elle est « réservée aux clients non imposables. »

Quand un bot vous demande de confirmer que vous n’êtes pas un robot.

Quand on vous dit au service d’urbanisme de la mairie de Lille :
– Votre dossier n’est pas complet, il y manque le plan de la ville.
– Où sommes-nous ici ?
– A la mairie de Lille.
– Alors vous avez des plans de votre ville.
– Non, rentrez chez vous, cherchez-le sur Internet, imprimez-en dix exemplaires et revenez.

Quand mouvement social signifie aussi empêchement de bouger.

Quand la Fête du Travail consiste à ne pas travailler…

Quand les cuisines deviennent de plus en plus belles et fonctionnelles, que les livres et les émissions de cuisine ont de plus en plus de succès…

… mais que les livreurs de repas sont de plus en plus occupés

… et que les rayons de sandwiches et de plats tout faits ne cessent de s’étendre dans les supermarchés.

Quand l’équipe de foot la mieux payée du monde perd tous ses matchs.

Quand votre employeur vous remet des chèques-vacances échangeables à des guichets qui n’existent plus.

Quand les formulaires « simplifiés », qu’ils soient sur papier ou électroniques, sont beaucoup plus compliqués que les anciens.

Quand la porte close d’un service public affiche : « Pour mieux vous servir, nous pouvons être amenés à fermer avant l’horaire indiqué ».

Quand l’infirmière vous secoue : « réveillez-vous, c’est l’heure de votre somnifère ! »

Ces exemples – tous authentiques – ne sont que l’écume des absurdités qui font ressembler notre vie quotidienne à des scènes imaginées par Gogol et Courteline réunis.

Vous en connaissez certainement d’autres. Chacun de vous a quelque chose à raconter. Aidez-moi à compléter ma petite collection.

Hélène Braun

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