Prospective.fr – novembre 2018 – Edito
Les plaisirs démodés

Au temps de la musique pop, Charles Aznavour chantait Les plaisirs démodés et invitait son amoureuse à danser joue contre joue dans une boîte à la mode sur des airs syncopés. En voici d’autres…

Mademoiselle de Joncquières est un film de 2018 dont l’action se déroule dans le XVIIIe siècle des Liaisons dangereuses. Décors, costumes, langage de l’époque, mœurs de riches oisifs, tout y est… Il s’agit de l’adaptation très réussie pour l’écran d’un épisode de Jacques le Fataliste de Denis Diderot.

Madame de la Pommeraye, jeune veuve vivant dans ses terres, héberge un ami, le libertin Marquis des Arcis. Elle se laisse séduire et ils vivent quelques années d’amour heureux. Puis, elle se rend compte qu’il ne l’aime plus. Elle ourdit alors une terrible vengeance. Elle prend sous son apparente protection une aristocrate ruinée et sa fille, Madame et Mademoiselle de Joncquières, tombées dans la prostitution. Elle les déguise en dévotes et pousse des Arcis à devenir amoureux de la demoiselle. Au lendemain des noces, elle lui révèle la vérité… Mais là ne finit pas l’histoire…

Récemment, une jeune Afghane reçoit sur Facebook le message d’une inconnue lui proposant de devenir son amie. Le profil de sa correspondante lui donne à penser qu’il s’agit peut-être d’une lointaine cousine. Puis elle découvre que non seulement sa nouvelle amie n’est pas de sa famille, mais encore qu’elle est un jeune homme !

C’est par ce subterfuge que les jeunes Afghans détournent les interdits culturels et religieux pesant sur les relations entre filles et garçons. 90% des Afghans, y compris les plus pauvres, possèdent un smartphone et peuvent avoir un compte Facebook. Ils se rencontrent ainsi en ligne, apprennent à dialoguer, à mieux se connaître. Souvent, un garçon commence par essayer d’entrer en contact sous son vrai profil avec la jeune fille qui lui plaît. Si la tentative échoue, il recommence en se faisant passer pour une fille. Puis il attend que s’installe la confiance et l’amitié pour révéler sa véritable identité et avouer son amour.

Inversement, une fille peut s’inventer un faux profil masculin pour se trouver un petit ami. Quand un correspondant lui plaît, elle peut lui faire dire s’il est libre. Puis, au lieu d’avouer qui elle est, elle lui confie qu’elle a une amie qui craque pour lui, le redirige vers son véritable profil et attend que les choses se développent.

Le travestissement, l’inversion des rôles ou des genres sont des ressorts fréquents de la comédie : sous la jeune fille peut se dissimuler le jeune homme, sous le valet le maître, sous la vertu le vice, sous l’amitié la haine, sous la confiance la trahison, sous la sérénité les passions … et réciproquement ! Au théâtre comme dans la vie, les apparences sont souvent trompeuses. Et qu’importent le lieu, la culture, les techniques de communication, les sentiments et les comportements humains sont intemporels.

Hélène Braun

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