Prospective.fr – Septembre 2017 – Edito
Mémoire de poisson rouge

Journée de la Terre, de la Mer, de la Paix , du braille, de l’art, de l’asthme, de la lutte contre l’homophobie, de la femme, du vélo, du yoga, du rangement de bureau, de la secrétaire, de la courtoisie au volant, du compliment… En entendant aux nouvelles l’annonce de toutes ces journées, nous avions commencé à les collectionner pour vous en parler quand nous serions arrivés à un nombre honorable. Et puis nous avons découvert que quelqu’un avait eu cette idée avant nous : Vincent Tondeux, créateur de l’excellent site www.journee-mondiale.com que nous vous invitons à découvrir. Vous pensiez que le calendrier comptait 365 (parfois 366) jours. Baliverne ! Si l’on en juge d’après le nombre de Journées ainsi célébrées dans le monde, il en compterait 460 ! On vous propose, presque chaque jour, une nouvelle cause, voire deux ou davantage.

Le travail est fêté le 1er mai dans le monde entier. D’autres causes sont justement mises en valeur : la prévention des crimes contre l’humanité (27 janvier), les maladies rares (28 février), la protection des données (28 janvier)…   Certaines journées sont l’occasion de mettre en valeur des sujets dramatiques et dont on parle trop rarement. Ainsi, les enfants soldats (12 février), les enfants disparus (25 mai), les enfants des rues (26 novembre). On dira qu’une journée ce n’est pas grand-chose, mais c’est déjà quelque chose : un moyen de réveiller ou de mobiliser les esprits.

Petit jeu : quelle est la journée qui correspond à votre anniversaire ? quelle est celle à laquelle vous vous identifiez ? Si vous êtes concerné par les problèmes d’environnement (5 juin), par exemple, vous approuverez la journée internationale des baleines (19 février), celle de l’ours polaire (27 février), celle de l’éléphant (12 août), du vautour (5 septembre), du rhinocéros (22 septembre) et celle du moineau (20 mars), moins ordinaire qu’on ne croit et de plus en plus rare dans nos villes et vous aurez une pensée pour chacun et pour tous le 11 mai, journée des espèces menacées.

Ces commémorations peuvent être l’occasion d’activités sympathiques en commun : observer les astéroïdes dans la nuit du 30 juin, les chauves-souris dans la nuit du 29 août, commencer le 16 décembre à tricoter un pull pour Noël.

Evidemment, lorsqu’on liste ainsi les choses, les incompatibilités sautent aux yeux : la journée nationale contre le terrorisme et l’assassinat politique, le 6 février, a lieu en même temps que la journée sans téléphone mobile. Pas pratique pour alerter les secours ! La journée de la lutte contre l’obésité (19 mai ) est mise en péril plus d’une fois : journée du pop-corn (19 janvier) , du Nutella (5 février) , du hamburger (13 octobre) et du macaron, le 20 mars, date à laquelle, heureusement, on se brossera soigneusement les dents pour la journée de la santé bucco-dentaire. Pas grave, on se sera consolé le 21 janvier avec la journée des câlins et le 6 juillet avec la journée du baiser. Et, après s’être reposé toute la journée nationale du sommeil (17 mars) on pourra se livrer à une grande bataille d’oreillers (2 avril). Et fallait-il vraiment une journée pour le topless, une autre pour la mini-jupe et une sans pantalon (le 13 janvier, brrr.) ?

On est un peu gêné de découvrir un grand n’importe quoi : on discrédite les causes les plus justes en les mettant au même plan que les sujets les plus absurdes. D’un autre côté, quand tombe la nuit, l’engagement disparait jusqu’à l’année suivante : c’est la consécration de la mémoire de poisson rouge ! Celle dont parle Coluche à propos des famines et des guerres dans le monde : « Je décide de m’intéresser ; je m’intéresse ; et après, je ne m’intéresse plus… »

Quand nous avons lu qu’en se donnant un peu de mal chacun pouvait lancer une nouvelle journée, nous avons été tentés de lancer la journée mondiale contre la bêtise. Mais à quoi bon ? Comme disait Schiller : « Contre la bêtise, les Dieux eux-mêmes luttent en vain ».

Hélène Braun

 

Print Friendly, PDF & Email