>>> Janvier 2014 – Rencontre avec Charles Stewart

Charles Stewart est socio-économiste à Washington

Neandertal et Sapiens

« Il fut un temps où l’homme de Neandertal avait atteint le même niveau culturel et technologique que l’Homo Sapiens. Et il avait un plus grand cerveau. Or, il y a environ 40 000 ans il a disparu, laissant Homo Sapiens seul hominidé sur Terre. Comment et pourquoi ?
J’imagine une explication très simple, que je déduis de l’article « Behavior and Modern Human Origins » publié en 1995 par Richard Klein dans le Journal of World Prehistory.
Je pars du présupposé que Neandertal et Sapiens avaient les mêmes compétences pour la chasse et la cueillette. Mais Neandertal souffrait de deux handicaps : d’une part, il était plus massif, plus lourd et avait donc besoin de davantage de calories ; d’autre part, son espérance de vie était plus courte. D’après Klein, très peu d’hommes de Neandertal dépassaient 40 ans et ils vieillissaient prématurément, souffrant d’arthrose et de fragilité osseuse dès l’âge de 20 ans.
Ainsi, le ratio entre le nombre d’adultes en bonne santé et la population globale était plus petit chez Neandertal que chez Sapiens : plus de gens à nourrir et moins de chasseurs-cueilleurs pour fournir la nourriture. En conséquence, la mortalité infantile à l’Age de Glace aurait eu de plus graves conséquences chez Neandertal que chez Sapiens.
Comment vérifier cette hypothèse ?
Certains anthropologues ont essayé mais leurs conclusions divergent.
En fait – et ce n’est apparemment pas ce qu’ils ont fait car c’était sans doute impossible – il faudrait pouvoir examiner la répartition par âge de la population humaine il y a 60 000 à 40 000 ans quand Neandertal et Sapiens coexistaient en Europe et en Asie. Il faudrait pour cela, dans les sites funéraires où sont enterrés des morts de tous âges, comparer la répartition des adultes et des enfants chez les uns et les autres, et vérifier que l’âge moyen est plus élevé chez Sapiens.
Si j’ai raison, la vraie différence entre les hominidés, ce n’est peut-être pas la science mais la longévité et nous devrions renommer notre propre espèce Homo Mathusalem !
Et ce qui devrait nous interpeller, c’est ceci : l’homme de Neandertal a été confronté au même problème que les nations avancées de notre époque : avec les baby-boomers atteignant aujourd’hui l’âge de la retraite et la baisse de fécondité des générations suivantes, la proportion d’actifs dans la population ira encore en diminuant. Si nous ne sommes pas confrontés à un risque de famine et d’extinction, nous aurons à coup sûr à subir une baisse de nos revenus. »

Charles Stewart

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