Aborder l’avenir du travail en continuité de ce qu’il est, c’est se condamner à n’y rien comprendre. Il faut prendre du recul, observer ce qui surgit sous nos yeux, universellement, partir à la recherche des nouvelles lignes de force, ne pas craindre les critiques …
L’activité et l’emploi sont désormais dissociés
Nominalement, statistiquement, l’emploi regroupe une proportion écrasante de ceux qui travaillent. Il est devenu de fait un cadre commode pour des activités de plus en plus différentes de ce qu’elles étaient, alors que le drame de la régression industrielle se poursuit, que les emplois de service changent de nature, que les catégories socioprofessionnelles d’hier rejoignent les livres d’Histoire. Les entreprises et les institutions qui pratiquent encore l’emploi à vie commencent à faire figure de réserves d’Indiens.
Le travail se réorganise autour des générations
Jusqu’à trente ans, de trente à quarante-cinq ou cinquante ans, au-delà … Chacune avec son propre genre de vie, dans l’ignorance réciproque. La presse annonçait récemment qu’une banque britannique allait réduire d’un quart son effectif de managers « senior », actuellement de 4 000. Comme si était en train de s’installer un système mondial de castes : anciens élèves, artistes, dirigeants d’entreprises, sportifs, technologues … Les plus jeunes sont les brahmanes.
Une culture professionnelle différente s’installe
Avant tout, il faut insister sur la prodigieuse rapidité des évolutions scientifiques et technologiques actuelles. De ce fait, le marché du travail est définitivement mondialisé pour les plus qualifiés. La compétence effective (et pas seulement nominale, inscrite sur des diplômes) devient la valeur essentielle, jusqu’à ce qu’elle tombe en obsolescence. On ne sait pas encore comment vont évoluer les métiers, alors que les algorithmes et le virtuel en dévorent tant, tout en en créant d’autres. L’activité individuelle ou en équipe devient le cadre naturel de l’épanouissement personnel et de l’esprit d’entreprise.
L’Etat a de plus en plus de mal à préserver les valeurs sociétales d’égalité et de solidarité
Le périmètre du dialogue social régulé par l’Etat et les partenaires sociaux ne cesse de se réduire. La retraite, enjeu essentiel d’hier et d’aujourd’hui, devient un simple épisode dans des parcours de vie qui, pourvu que la santé et les circonstances le permettent, vont jusqu’à la mort. On ne se défausse plus sur l’employeur pour assurer son avenir professionnel. Simultanément, la géographie des activités évolue très vite. Nous restons exportateurs nets de compétences …
Quelle société la transformation du travail est-elle en train de préparer ?
La culture du service se développe, à partir d’activités faiblement qualifiées. On observe en Allemagne ce phénomène qui a son équivalent dans d’autres pays d’Europe occidentale : des centaines de milliers de femmes originaires d’Europe centrale y travaillent comme employées de maison, auxiliaires de vie ou aides-soignantes. L’ambition française d’accueillir 100 millions de touristes s’inscrit dans le même contexte.
Nombreux sont ceux qui se retirent du marché du travail en France ou n’y entrent jamais : des jeunes qui partent à l’étranger, des femmes qui préfèrent s’occuper de leurs enfants, les plus de 50 ans que l’envoi d’innombrables CV sans réponse finit par décourager …
On observe que s’est constituée une immense plèbe – il faut réhabiliter ce mot, qui était tout à fait honorable dans la Rome ancienne – , exclue des transformations, vouée aux échanges virtuels et au présent éternel : semi-actifs, chômeurs, travailleurs au noir… Férue de jeux vidéo, abonnée à tous les réseaux sociaux, cette population oisive ou semi-oisive, pauvre ou semi-pauvre est, comme l’était la plèbe à Rome, mobilisable au nom des bons sentiments ou pour s’en prendre à un bouc émissaire. Elle constitue une clientèle à la disposition des démagogues qui sauront tirer parti de ses passions.
Il faut mieux comprendre ce que devient la relation entre la nature du travail et les évolutions de la société. Il est essentiel que nous nous dégagions des prismes idéologiques, que nous fassions effort pour percevoir la réalité qui émerge et que nous devenions capables d’action réfléchie. A partir de cette proposition : chacun est potentiellement créateur, chacun peut et doit participer à la création de richesses. Un champ illimité d’initiatives se révèle qui permettraient à nos sociétés de renouer avec l’optimisme et la confiance.
Armand Braun
Cela fait des années que les autorités médicales nous mettent en garde contre le déficit de sommeil. Nous dormirions en moyenne trois heures de moins qu’avant la Révolution industrielle : la faute à nos nouveaux modes de vie, à l’éclairage artificiel, aux lumières bleues de nos multiples écrans. Or, nous disait-on, il faut, pour être en bonne santé, dormir au minimum sept heures par nuit.
Des chercheurs ont eu la curiosité d’étudier en la matière les mœurs de plusieurs tribus de chasseurs-cueilleurs d’Afrique et d’Amérique du Sud dont les habitudes n’ont pas changé depuis des millénaires. Ils se sont rendu compte que leur temps de sommeil n’est pas du tout fonction de la lumière. Ces chasseurs-cueilleurs veillent le soir autour d’un feu qui donne très peu de clarté mais éloigne les bêtes sauvages et fournit un peu de chaleur. Bref, contrairement à ce qu’on croyait, ces populations relativement en bonne santé ne dorment pas plus longtemps que nous !
Leur périodes de sommeil ne sont pas fonction de la longueur du jour et de la nuit, mais dépendent de la température : le sommeil surgit pendant les périodes de froid, une manière spontanée d’économiser l’énergie. Or, ces populations souffrent peu d’insomnie (2% contre 20 à 30 % d’Occidentaux). Nous, nous vivons dans un environnement à température relativement constante. Baisser la température ambiante et non éteindre les lumières, voilà peut-être une piste de traitement contre l’insomnie.
Anahad O’Connor – International New York Times – 21 octobre 2015
Les deux récits mythiques des Romains de l’Antiquité pour expliquer leurs origines portaient le même message. Le premier racontait que leur ancêtre commun était le Grec Enée, combattant de l’armée vaincue de la Guerre de Troie, qui, après avoir traversé tempêtes et naufrages en Méditerranée, avait trouvé refuge sur les côtes italiennes. L’autre identifiait comme fondateur de Rome, Romulus, enfant abandonné élevé par une louve et qui, ayant besoin de peupler la ville qu’il avait bâtie sur les rives du Tibre, y avait décrété le droit d’asile pour tous les fugitifs, y compris les criminels.
Fondé sur les deux principes opposés d’intégration et de liberté, l’Empire romain a, au cours du premier millénaire de son Histoire, accordé peu à peu des droits et sa protection aux peuples conquis par la force, transformant ses ennemis en citoyens. En 212, l’empereur Caracalla accorda la citoyenneté à 30 millions de personnes.
Si les Romains de l’Antiquité – parmi lesquels, au demeurant, tant de politiques ont cherché des modèles et des excuses – revenaient aujourd'hui, ils seraient horrifiés par nos débats et la manière dont nous tentons d’interdire l’entrée dans nos contrées aux réfugiés.
On ne peut appliquer au XXIe siècle les recettes de la Rome antique, mais la connaissance de l’Histoire peut nous aider à changer notre regard. L’Union européenne est bien différente de l’Empire romain. Elle est cependant est bâtie sur ses ruines et fondée sur son héritage. L’Empire romain était une unité politique – ce que l’Union européenne n’est pas – englobant les territoires d’où fuient nos actuels réfugiés.
En 376, l’Empire romain a accueilli des étrangers sur son territoire dans l’espoir qu’ils viennent grossir les rangs de son armée. Mais il les a laissés mourir de faim aux portes de Rome dans des campements de fortune. Des Romains leur ont échangé de la viande avariée contre leurs femmes et de leurs enfants qu’ils réduisirent en esclavage. Les migrants se vengèrent en battant l’armée romaine et en assassinant l’empereur. La cruauté envers les réfugiés peut avoir de terribles conséquences.
Mary Beard – The Wall Street Journal – 19 octobre 2015
Las des annonces qui envahissent leurs écrans de plus en plus de téléspectateurs et d’internautes utilisent des systèmes qui leur permettent de bloquer la publicité. Il existe en effet un ras-le-bol des utilisateurs : « les bannières sont trop nombreuses. Elles s’ajoutent aux vidéos et à tout le reste et cela devient insupportable… ».
Problème : de ce fait, les éditeurs en ligne qui se financent par la publicité disparaîtront. Les issues actuellement explorées sont pour le moins équivoques, par exemple la notion de « publicité acceptable » : au nom de quoi, et quelle sera la légitimité de ceux qui trieront le prétendu bon grain de la prétendue ivraie ?
Certains médias en ligne interdisent l’accès de leur site à ceux qui utilisent des bloqueurs de pub ou leur proposent de faire un don au journal.
Voilà l’exemple d’une vraie question pour le moment sans solution.
Jack Marshall et Mike Shield – Courrier international – 15 octobre 2015
Wattway est une autoroute ou un parking photovoltaïque, une véritable centrale qui produira de l’électricité par la simple exposition de son revêtement au soleil. Après cinq ans de recherche commune de la filiale de Bouygues Colas et de l’Institut national de l’énergie solaire, Wattway entre en phase d’industrialisation et sera opérationnelle dès janvier prochain.
« Il n’y a pas besoin de refaire les infrastructures, explique le PDG de Colas, Hervé Le Bouc. Il s’agit d’un revêtement commercialisé sous forme de dalles qui s’appliquent sur les routes ou parkings. » Ces dalles, dont chacune contient une cellule photovoltaïque de 15 cm de côté, vont être collées sur les chaussées existantes et recouvertes de résines transparentes capables de supporter la circulation des véhicules, y compris les poids lourds : un véritable millefeuille, étanche et conçu pour ne pas être plus abrasif ou plus glissant qu’un revêtement routier normal. La zone équipée est reliée par une connectique souterraine à un système qui récupère l’énergie produite par l’exposition au soleil des panneaux.
Utilisation directe ou revente à ERDF – car tout dépendra de la réglementation qui fixera les coûts – les applications sont multiples : éclairage public, alimentation des affichages lumineux des abribus ou des feux rouges en zone urbaine, besoins des habitations en zones peu peuplées … Par exemple, 20 m² de ce type de chaussée avec 1.000 heures d’ensoleillement par an suffiraient à alimenter un foyer moyen, hors chauffage ; 1 km, l’éclairage public d’une ville de 5.000 habitants. « La couverture d’un quart des routes assurerait l’indépendance énergétique du pays », insiste Hervé Le Bouc.
Myriam Chauvet – Les Echos – 14 octobre 2015
Difficile de se souvenir qu’il y a encore peu, rester sagement assis, le dos droit, en silence, était une vertu. C’est ainsi qu’on éduquait les enfants. Les pupitres d’école étaient fixes. On se faisait gronder au moindre mouvement. La reine Elisabeth raconte qu’enfant, elle a appris à rester assise, immobile, pendant des heures et des heures, sans même avoir le droit de s’éclipser aux toilettes ; puis elle recevait un biscuit en récompense.
Cette exigence était excessive en regard de l’immaturité du système nerveux des enfants. Bien se conduire, ce n’est pas forcément se taire et rester immobile. C’est plutôt être concentré et attentif, même en bougeant un peu.
L’heure n’est plus au calme. Et on va tomber dans l’excès inverse. « Allez, bouge-toi ! », dit-on à l’enfant dès qu’il est capable de tenir debout. Les enfants hyperactifs vont devenir des ados agités, puis des adultes zappant d’une activité à l’autre, dans un continuum d’occupations diverses …
Gym, sport, exercice, tels sont les maîtres mots de notre civilisation sédentaire. « Levez-vous, grimpez les escaliers, étirez-vous toutes les dix minutes, faites le tour du pâté de maison ! » La position assise nous rend paresseux et obèses. La position assise est mortelle !
Et dans ces open spaces où tout le monde voit tout le monde, on est vite stigmatisé. Honte sur moi donc qui, les mains sur le clavier, les yeux rivés à l’écran, reste tranquille sur ma chaise de bureau ! Mes collègues, eux, travaillent au minimum debout ou, mieux, en pédalant ou en marchant sur un tapis roulant ; leurs mains tripotent une balle de caoutchouc ou du sable dans une boîte (executive sandbox) ; et s’ils ne travaillent pas debout, ils se tortillent le derrière sur un coussin-ballon…
Quand on croyait que les écrans allaient tous nous métamorphoser en couch potatoes …
Pamela Paul – International New York Times – 10 octobre 2015
Londres, août 2011. Cela faisait des mois qu’il mettait le feu aux voitures, cambriolait les magasins, blessait les passants … Les policiers scrutaient pour la nème fois les images enregistrées par les caméras de sécurité, mais l’homme portait un bonnet noir enfoncé jusqu’aux yeux et un bandana jusqu’au-dessus du nez. Gary Collins entra dans le bureau : « Ah, c’est Stephen Prince ! », dit-il. Il l’avait rencontré une seule fois, en 2005.
L’agent Collins est un homme calme, à la voix posée. Comme tous les bobbies britanniques, il ne porte qu’un bâton blanc et un spray au poivre. Sa meilleure arme est sa fabuleuse mémoire des visages. Là où parmi 4.000 images enregistrées par des caméras de sécurité, un logiciel de reconnaissance faciale a identifié un suspect, l’agent Collins en a reconnu 180.
Collins est la star d’une équipe de 152 super-physionomistes grâce auxquels Scotland Yard a multiplié par trois les arrestations d’auteurs de crimes violents – dont récemment celui d’un assassin multirécidiviste.
En 2009, Richard Russell, chercheur de Harvard – et aujourd'hui professeur de psychologie au Gettysburg College en Pennsylvanie – étudiait la prosopagnosie, un trouble visuel spécifique qui rend le sujet incapable de reconnaître, d’identifier et de mémoriser les visages humains, même ceux de leurs proches. 2% de la population est très mauvaise en reconnaissance faciale. Russell eut l’idée de rechercher, à l’autre bout du spectre, des super-doués de la reconnaissance faciale. Il trouva quatre volontaires persuadés d’être particulièrement physionomistes et leur fit passer toutes sortes de tests : reconnaître des personnages célèbres sur des photos truquées où on leur avait ôté cheveux, sourcils, moustaches, lunettes, etc. ou d’après des photos prises lorsqu’ils étaient enfants. Ils les ont tous réussi mieux que la moyenne. Depuis, des tests effectué sur un plus large échantillon de population ont révélé qu’environ 2% des gens sont ainsi surdoués. Ce qui est intriguant, c’est qu’ils n’ont pas, par ailleurs, une mémoire visuelle exceptionnelle.
Dans le même temps, le détective Neville de Scotland Yard était seul à essayer de convaincre ses supérieurs de faire largement circuler dans les commissariats les images de malfaiteurs enregistrées par les caméras de sécurité. « On ne va pas payer les gars à regarder la télévision ! », lui objectait-on.
Il eut alors l’idée d’expérimenter parmi les forces de l’ordre les tests de Russell. Quand eurent lieu les émeutes d’août 2013, on leur demanda aux 20 policiers qui avaient passé le test avec succès de visionner les 200.000 heures enregistrées par les caméras. Ils repérèrent 609 suspects ; 2 sur 3 passèrent en jugement.
Un jour, dans un panier à salade, un chef de gang demanda : «Qui m’a identifié ? ». Gary Collins leva la main. « Ah, c’est vous, Gary Collins : on ne parle que de vous en taule ! »
Katrin Benhold – International New York Times – 10 octobre 2015
En 1974, l’hiver a commencé dès septembre en Allemagne. Il a fait soudain si froid, que les insectes sont venus à manquer. Les hirondelles sous-alimentées n’ont plus eu la force de s’envoler pour leur migration annuelle vers le Sud.
Des pilotes d’avion de ligne ont remarqué des taches noires sur les sommets enneigés des Alpes : c’étaient des hirondelles mortes de froid et de faim qui n’avaient pas réussi à franchir cette barrière au-dessus de laquelle la température était devenue glaciale.
Il fallait venir au secours des oiseaux. C’est ainsi qu’a été entreprise une action sans précédent et qui n’a jamais été répétée depuis. Tout le monde s’est improvisé sauveteur d’hirondelles, y compris des policiers, des pompiers et des militaires. On a attrapé les hirondelles, on les a nourries de viande hachée et de vers, on les a précautionneusement installées dans des boîtes. Puis on les a transportées par avion, chemin de fer ou en voiture vers le Sud de l’Europe ou l’Afrique du Nord. Deux millions d’hirondelles ont été ainsi sauvées !
Dès leur arrivée, elles se sont goinfrées pour rattraper leurs grammes perdus et récupérer leurs forces. Puis elles sont reparties vers leurs quartiers d’hiver au sud du Sahara.
Des ornithologues redoutaient qu’ainsi déposées en route elles ne sachent plus s’orienter. Comment une hirondelle qui avait l’habitude de survoler l’Espagne se débrouillerait-elle à partir de Rome ? Il n’y a pas eu de problème. Les hirondelles ne suivent pas des routes prédéterminées mais elles trouvent le sud en s’orientant au soleil. Et ce qui leur importe, c’est de trouver à manger.
« Depuis cette aventure », conclut l’auteur de l’article, « fort heureusement, les hirondelles n’ont plus eu besoin de l’aide des hommes. »
Kathleen Hildebrand – Süddeutsche Zeitung – 10 octobre 2015
On dit que le cœur des hommes passe par l’estomac. Puisque « la cuisine retient les petits maris qui se débinent », pourquoi ne pas appliquer cette recette d’entente conjugale à l’entente entre nations.
Conflict Kitchen est un restaurant de plats à emporter de Pittsburgh où ne sont vendus que des mets typiques des pays avec lesquels les Etats-Unis sont en conflit. Un pays est choisi, dont on sert la cuisine pendant six mois ; le passage à un autre pays est célébré par une petite fête musicale. Depuis 2010 qu’existe Conflict Kitchen ont été à l’honneur, à tour de rôle : l’Iran, l’Afghanistan, Cuba, la Corée du Nord, le Venezuela. C’est en fait, « une installation artistique dont le medium est le sandwich».
Cette expérience vient d’être transposée par l’association Artemisszió , fondée en 1998 par de jeunes anthropologistes hongrois désireux d’appliquer leurs connaissances au développement personnel et social et à l’ouverture à l’autre. Elle a organisé à Budapest, du 28 septembre au 4 octobre, le festival Körités (« clôture » et « plat d’accompagnement ») : dix restaurants habitués à servir du goulasch se sont mis aux galettes érythréennes, aux pâtisseries syriennes, aux ragoûts afghans et aux bananes plantains de Somalie, avec des soirées quiz sur les pays en question et des activités artistiques pour les enfants.
Découvrir d’autres cultures à travers la nourriture et lutter ainsi contre la xénophobie dans l’un des pays les plus hostiles à l’arrivée des immigrants, tel est le but de cette opération. Le succès a été tel que les organisateurs espèrent renouveler l’expérience dans la capitale et aussi à la campagne, là où les gens vivent près des camps de réfugiés.
Claire Levenson - Slate – 7 octobre 2015
NPR (station de radio américaine) – 2 juillet 2010
Les microalgues abondent en protéines, sucres et pigments. On en incorpore dans les compléments alimentaires. C’est un trésor encore largement inexploité : sur les milliers de souches identifiées, une dizaine seulement – les plus faciles à cultiver – sont aujourd'hui valorisées. D’autres sont plus riches mais délicates à produire à grande échelle. Elles craignent, par exemple, les changements de saison et de lumière.
En général, on produit des algues en les nourrissant, avec du sucre par exemple. Si on passait à la photosynthèse, ce pourrait être plus productif et plus écologique. C’est l’ambition d’Algosolis, inauguré cet été à Saint-Nazaire. Mini-raffinerie ou serre de culture ? Algosolis tient un peu des deux. Son projet : expérimenter vingt procédés différents mettant en œuvre la photosynthèse pour produire les bonnes espèces d’algues en quantité suffisante. Premières applications envisagées : des compléments alimentaires toujours, mais aussi des biocarburants, des bio-bitumes.
Et aussi, plus spectaculaire, Symbio2 qui consistera à transformer les façades vitrées des immeubles, en serres pour l’algoculture. De telles façades auraient en outre la vertu de contribuer à climatiser les immeubles. Un échantillon de 100m² devrait être achevé pour une démonstration au cours de la COP21 …
Emmanuel Guimard – Les Echos – 7 octobre 2015
Les Prix Nobel de Physiologie et de Médecine sont évidemment mérités par leurs bénéficiaires Mais en entérinant des découvertes achevées, ces prix récompensent les scientifiques déjà arrivés, ceux qui en principe ont moins que les autres besoin de reconnaissance et d’argent.
Ne devrait-on pas morceler tous ces grands prix afin que davantage d’équipes puissent en profiter pour avancer ? C’est en tout cas l’avis du jeune mathématicien Terence Tao. Après avoir remporté toutes les distinctions, dont la prestigieuse Médaille Field, il a reçu en novembre 2014, un prix de 3 millions de dollars accordé (Breakthrough Prize in Mathematics) financé par Mark Zuckerberg et le milliardaire russe Yuri Milne. Il a proposé qu’on en distribue une partie à d’autres.
C’est que la science avance pas à pas, de travaux en travaux, avec des équipes différentes, dont les résultats vont s’ajouter pour mener ou non à des découvertes fondamentales. Le hasard heureux ou malheureux, les fausses pistes font partie de l’histoire des grandes découvertes.
Les recherches les plus prometteuses peuvent ne jamais aboutir. Par exemple, sur 101 nouvelles molécules annoncées dans les revues les plus sérieuses, seulement 5 ont donné un médicament approuvé, fabriqué et utilisé.
Inversement, une découverte qui semble anodine peut se révéler très importante des années plus tard à la faveur d’une autre découverte qui la complète, l’éclaire, lui donne une nouvelle signification. Faire de la science, c’est explorer des territoires inconnus : on ne sait jamais si, en haut de la montée, on aura un magnifique point de vue ou une autre montagne à gravir.
Une majorité de chercheurs créatifs, obstinés et passionnés ne toucheront aucune récompense et devront avancer petit à petit … ou pas du tout. Ce qui est vrai de toutes les sciences est encore plus patent en médecine où l’on ne peut progresser par la théorie pure.
Vanay Prasad – International New York Times – 4 septembre 2015