Hommage à tous ceux qui, au fil du temps, ont inventé des moyens de s’orienter sur la Planète et sont donc à l’origine de toutes nos civilisations !
À ces artistes, ancêtres des astronomes, qui, vers 16 500 avant notre ère, ont représenté sur les murs de la grotte de Lascaux les étoiles les plus brillantes du ciel nocturne.
Au premier des géographes, Ptolémée, qui, au IIe siècle, eut le projet d’une carte détaillée du monde connu à l’époque.
À ceux dont les portulans, cartes maritimes qui permettaient de repérer les ports, les îles, les courants, les récifs permirent aux marins de faire du cabotage et à ceux qui inventèrent l’astrolabe qui, indiquant la latitude à partir du ciel, les encouragèrent à s’aventurer plus loin. Avec les navigateurs, il y eut toujours des cartographes. Quand Christophe Colomb convia son frère Bartholomé à l’accompagner pour son second voyage en 1493, ce dernier était cartographe auprès d’Anne de Beaujeu, fille aînée du roi Louis XI.
À Waldseemüller qui, inspiré par Ptolémée, a publié en 1507 le premier planisphère. C’est sur ce document qu’il a d’abord été fait mention du nom « America », d’après les voyages (et peut-être avec la collaboration) d’Amerigo Vespucci. Ce planisphère en forme de cœur est une projection plane du globe terrestre. Il fait toujours la gloire de Saint-Dié-des-Vosges, où il a été imprimé et où un exemplaire est exposé dans la salle du Trésor de la Médiathèque.
À tous ceux qui, au cours des siècles, ont affiné leurs techniques pour arriver aux cartes que nous connaissons encore : globes terrestres, planisphères, cartes routières et maritimes, cartes d’état-major, et même Google Map…
Ces cartes nous les utilisons de moins en moins depuis l’avènement du GPS, sorte de retour à l’astrolabe puisqu’il part du ciel pour arriver à la terre.
Au GPS et à sa déclinaison participative Waze. Il nous permet de nous désencombrer et de nous passer de cartes matérielles surtout lorsque nous nous rendons dans un endroit où nous ne retournerons pas, de nous jouer des obstacles nouveaux et changeants qu’une carte papier ne peut anticiper tels que les modifications de sens interdits, les chantiers, les embouteillages… Grâce au GPS on ne risque plus de se perdre.
Et hommage, maintenant, à what3words. Cette application de géocodage permet de communiquer un emplacement précis sans passer par la latitude et la longitude, sans l’aide de satellites, et en évitant les confusions dues entre autres aux homonymies entre noms de rues ou noms de villes. Les inventeurs du système ont divisé la surface du globe en 57 000 carrés de trois mètres de côté et attribué à chacun une adresse en trois mots communs, en 36 langues. Gageons que bientôt chacun d’entre nous connaîtra les trois mots désignant précisément sa maison. La Statue de la Liberté, elle, est située à l'emplacement défiler.révélons.revisser.
Et c’est ainsi que, comme le raconte Karl De Meyer dans Les Échos week-end, « dans les steppes de Mongolie, on peut apercevoir parfois, au sommet d’une colline, un éleveur nomade, le bras levé, à la recherche d’un signal de réception. Il est en train de communiquer les coordonnées de son nouveau campement, au milieu de nulle part, aux membres sédentaires de sa famille ou à des amis de la ville. Ces derniers se chargeront ensuite d’actualiser les données sur la plate-forme Airbnb à l’attention des touristes en quête de vacances différentes. »
Depuis nos lointains ancêtres qui figuraient les étoiles sur les parois des grottes jusqu’à nous autres, prospectivistes, le fil de la créativité tournée vers les lointains ne s’est jamais rompu.
Hélène Braun
Vous pouvez voir le planisphère de Waldseemüller sur le site de la Bibliothèque du Congrès des Etats-Unis : https://www.loc.gov/resource/g3200.ct000725
Le mois dernier, dans cette même rubrique, nous évoquions le sort d’un crapaud de Bolivie, le crapaud d’eau Sehuancas, une espèce que l’on redoutait éteinte, car on n’en avait plus observé dans la nature depuis 2008. Il n’en subsistait qu’un mâle célibataire au Muséum d’Histoire Naturelle de Cochabamba, qui entonnait des chants d’amour, seul dans son aquarium. Dans l’espoir de lui trouver une compagne, les biologistes du Muséum avaient posté son profil sur le site de rencontre Match.com : « Je me présente : Roméo, l’un des derniers de mon espèce. Aidez-moi à rencontrer ma Juliette ! »
Eh bien, ils ont été entendus. ! Une Juliette de son espèce l’a rejoint. Depuis ils cohabitent, Roméo lui offre des vers et la serre très fort dans ses bras pour provoquer la ponte d’œufs qu’il fertiliserait ensuite. Pas encore de petits, mais, comme le remarque Teresa Camacho Badani, l’herpétologue qui a découvert Juliette, « après dix ans de solitude, il manque encore de pratique ». Depuis, quatre autres crapauds de la même espèce ont aussi été capturés, deux mâles et deux femelles, et on compte sur eux…
Joanna Klein – International New York Times – 13 avril 2019
Et pour voir la photo des fiancés : http://museodorbigny.org/
L’électrification de l’Afrique sub-saharienne et australe représente un défi très difficile. Il faut imaginer les problèmes que pose le transport dans une région rurale, sur des routes cabossées, du matériel électrique, des poteaux et des câbles pour relier des habitations très éloignées les unes des autres. Pourtant l’attente est immense : « fierté, fierté, fierté pour l’électricité ! », chantent les élèves d’une école rurale qui a été récemment raccordée.
La solution est mise en œuvre, à travers le continent, par diverses entreprises de production d’électricité, notamment Engie, présent en Zambie, où jusqu’à présent 4% seulement des habitants des zones rurales étaient reliés au réseau. Il s’agit de kits solaires ou solar home systems , des dispositifs rudimentaires reposant sur un petit panneau solaire, une batterie, quelques ampoules basse consommation et un dispositif de micro-crédit.
D’après les derniers chiffres disponibles, de 500 000 à 1 million d’Africains disposeraient de ces kits solaires. Entre 18% et 24% des Africains pourraient être alimentés par de tels systèmes hors réseau d’ici à 2030. La logique est simple : les clients, qui ne disposent presque jamais d’un compte en banque, paient avec leur téléphone (5 et 20 centimes par jour) et se voient ainsi attribuer un historique de crédit utilisateur. Ils bénéficient de l’installation dès le premier jour. Au bout de 24 ou 36 mois, ils deviennent propriétaires du matériel et peuvent y ajouter d’autres équipement, radio et télévision par exemple.
Nabil Wakim – Le Monde – 28 avril 2019
Dès l’annonce du drame de Notre-Dame de Paris, des e-cagnottes, catalysant les engagements et les émotions, se sont mises en place. Cet engouement va de pair avec la baisse des dons aux associations, constatée par des institutions comme la Fondation Abbé Pierre, les Restos du Cœur ou le Téléthon. Explications données par des responsables de e-cagnottes : l’instantanéité, l’émotion et la transparence, puisque les participants sont tenus au courant de la réalisation du projet. Quand on donne à une grande association, on n’a plus de nouvelles ensuite. Là, le donateur a le sentiment d’être plus actif car il sait précisément à quoi va servir son argent.
Ces cagnottes sont un extraordinaire melting-pot, une cartographie du quotidien des Français. On y voit tout ce qui se passe de catastrophique dans la vie des gens : des histoires d’enfants malades, de familles qui perdent leur maison, de chiens écrasés. Cela parle à tout le monde et les donateurs se projettent : « nous sommes au cœur des préoccupations des Français, nous sommes un peu la nouvelle pétition ». À la différence du crowdfunding, rien n’est promis aux donateurs en échange de leur argent, juste la satisfaction d’avoir participé.
Voici le top 5 des cagnottes en France : la Love Army pour les Rohingyas, lancée fin 2017 et toujours ouverte, atteint près de 2 300 000 € ; le Soutien aux forces de l’ordre, créée par Renaud Muselier ; la Solidarité avec les cheminots grévistes ; Kasaï, la famine silencieuse, avec Action contre la faim ; la campagne pour retrouver Emiliano Sala, le footballeur disparu en mer, à laquelle Kilian Mbappé a contribué pour 30 000 €.
Hélène Guinhut – Les Échos Week-End – 26 avril 2019
Le marché du travail des cadres est en train de vivre un étonnant phénomène de polarisation. À Paris, le chômage des cadres n’est désormais plus que de 2%. En revanche, le chômage ne cesse d’augmenter dans toute la France pour les non qualifiés. Les réservoirs de sans-emploi qualifiés sont pour ainsi dire taris, tandis que les faiblement qualifiés se comptent toujours en millions.
La même évolution est perceptible à l’échelle des mobilités internationales. Au Maroc, les autorités se plaignent de plus en plus d’une importante fuite des cerveaux, particulièrement significative s’agissant de jeunes fraîchement diplômés. En Grèce, on estime que plus de 100 000 ingénieurs ont fui le pays depuis le début de la crise économique, principalement à destination de l’Allemagne.
L’avènement de la quatrième révolution industrielle repose fondamentalement sur la disponibilité d’un capital humain de très haut niveau et néanmoins massif. À chaque période de fort développement numérique correspond une forte expansion en volume et en compétences de la classe d’âge arrivée récemment sur le marché du travail.
Même en France ou au Royaume Uni, on observe, certes de façon plus faible, une fuite des meilleurs talents en mathématiques, en intelligence artificielle et plus généralement en compétences numériques, avec le plus souvent les Etats-Unis comme destination. Ces derniers prévoient que, d’ici à l’année prochaine, il leur manquera un million d’experts des métiers du numérique, tandis que la Commission européenne estime que 900 000 spécialistes du numérique manqueront dans nos pays à la même échéance.
Pour les pays fragiles, l’hyper-concentration des expertises dans quelques pays et quelques sites est un drame à moyen terme car cela les prive des compétences qui leur permettraient une émergence accélérée. Des solutions sont peut-être envisageables : l’économie numérique a ceci de particulier qu’elle peut établir ses centres de compétences n’importe où sur Terre, à condition que s’y trouvent des talents.
Gilles Babinet – Les Échos – 23 avril 2019
Cela avait pourtant l’air d’une bonne idée !
À partir de 2015, dans plusieurs États des Etats-Unis, Facebook a lancé « Summit Learning », un programme scolaire sur le web en direction des écoles secondaires publiques et gratuit. Aujourd'hui, environ 74 000 enfants dans 380 écoles l’utilisent.
Son objet : un cursus individualisé, sur mesure, permettant à chaque enfant de progresser à son propre rythme ; l’accès à un enseignement de qualité dans les régions moins favorisées en équipements scolaires.
Chaque écolier reçoit un ordinateur portable. Cours et exercices, couvrant toutes les matières et tout le programme, ont lieu en classe, mais en ligne. Les enseignants sont là pour aider les élèves.
Ce dispositif a d’abord suscité l’enthousiasme des familles, notamment dans les petites villes où les budgets alloués aux écoles publiques sont insuffisants et les résultats scolaires décevants.
Mais l’enthousiasme s’est assez rapidement dissipé. Les professeurs se sont inquiétés de se voir cantonnés à des rôles accessoires. De plus en plus de collégiens et lycéens rentraient à la maison se plaignants de migraines, de crampes dans les mains, d’angoisse ; une jeune fille épileptique à qui les écrans ne sont permis qu’à toutes petites doses multiplia les crises ; un enfant demanda à son père de lui prêter ses cache-oreilles de chasseur pour s’isoler de ses camarades, étant donné que le travail est essentiellement individuel… Et on se rendit compte que les cours, ouverts sur la Toile, permettaient d’accéder d’un seul click à toutes sortes de contenus.
Aujourd'hui, à Brooklyn, en Indiana, dans le Kansas et ailleurs, près de 80% des élèves et des parents font de la résistance : des sit-in sont organisés, des panneaux hostiles dressés dans les rues, des parents retirent leurs enfants de l’école, des écoles se retirent du programme.
Cette anecdote est un avertissement. Ce n’est probablement pas le concept qui est en cause mais les modalités de sa mise en œuvre. Et cet avertissement est généralisable…
Nellie Bowles – International New York Times – 22 avril 2019
Prospective.fr
L’imagerie par ultrasons est un outil majeur de diagnostic médical : il n’implique aucune radiation et donne des images en temps réel et en mouvement de la plupart des organes internes du corps humain. Mais il nécessite de se rendre dans une clinique ou un cabinet médical équipé.
Buttefly iQ est un scanner à ultrasons révolutionnaire : aussi petit qu’un rasoir électrique et aussi maniable qu’un stéthoscope, il tient dans la poche. Il fonctionne grâce à une batterie et, au lieu de cristaux piézoélectriques comme son grand frère, est équipé de puces qui ne se cassent pas si on le laisse tomber. Les images apparaissent sur l’écran d’un smartphone et peuvent donc être éventuellement transmises à distance à un médecin.
Son inventeur, Jonathan Rothberg, en a eu l’idée pour sa fille atteinte d’une maladie provoquant des kystes à répétition qu’il fallait régulièrement scanner. La société qu’il a fondée pour ce faire, Butterfly Network, vit de la vente de ses appareils aux professionnels de santé qui peuvent se l’offrir pour 2 000 $.
Mais son plus grand potentiel se situe dans les zones rurales d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine, où l’appareil de radiographie le plus proche se situe souvent à des heures de route et où les scanners et IRM n’existent que dans la capitale. Pour généraliser le Butterfly iQ aux deux-tiers de l’humanité qui n’ont pas accès à l’imagerie médicale, la société bénéficie du mécénat de plusieurs familles et de la Fondation Gates.
Jonathan Rothberg a offert des appareils à des associations caritatives qui œuvrent dans 13 pays, dont 7 en Afrique et un certain nombre à Bridge to Health, une association canadienne qui travaille notamment avec l’association Kineho en Ouganda.
On peut s’en servir pour scanner beaucoup d’organes, mettre un nom sur une grosseur qui peut être un cancer, un abcès ou autre chose et faire ou non intervenir un chirurgien. Mais pour l’heure, il est principalement utilisé pour détecter – et donc soigner – des pneumonies : cette maladie souvent mal diagnostiquée et une des principales causes de mortalité dans les pays pauvres.
Les utilisateurs sont des médecins ou des techniciens. En cas de doute, ils peuvent transmettre directement la vidéo à un spécialiste plus compétent à des kilomètres de là. Pour être capable d’interpréter l’image floue en noir et blanc qui apparaît sur l’écran, il faut en effet un minimum de formation. La Fondation Gates et le Dr. Rothberg sont en train de mettre au point un logiciel destiné à guider les utilisateurs. Bridge to Health a commencé à offrir à des techniciens qui ne sont pas des médecins une formation de quatre ans, axée sur la connaissance et le diagnostic de la pneumonie.
Donald G. McNeil Jr et Esther Ruth Mababazi – International New York Times – 18 avril 2019
Du 25 mars 2015 au 1er mars 2016, Scott Kelly a tourné dans l’espace à bord de la Station spatiale internationale. Durant ces 340 jours, il s’est fait des prises de sang, a conservé ses urines, mesuré ses yeux, joué à des jeux vidéo pour tester sa mémoire et la rapidité de ses réactions. Pendant ce temps, son frère Mark, également astronaute, resté sur Terre 400 km plus bas, s’est soumis aux mêmes contraintes. Scott et Mark sont de vrais jumeaux : l’occasion unique de mesurer les effets de l’espace sur l’organisme humain en analysant ce qui se passe pour deux personnes au patrimoine génétique identique quand elles se retrouve dans des environnements très différents. Les résultats ont été publiés au mois d’avril dernier.
En comparant les échantillons prélevés sur l’un et l’autre avant, pendant et après la mission, les scientifiques de la NASA ont pu évaluer et comparer l’évolution d’une foule de paramètres génétiques, biologiques, physiologiques, cognitifs. Beaucoup de changements survenus chez Scott ont disparu après son retour sur Terre, notamment la perte de densité osseuse et de masse musculaire, effet bien connu des voyages dans l’espace. Mais d’autres – déclin cognitif, changements dans le système immunitaire, aberrations chromosomiques, dont certaines potentiellement cancérigènes – ont persisté de façon inquiétante.
Or, les radiations cosmiques qui ont causé ces perturbations seraient bien plus puissantes dans l’espace plus lointain que celui de la Station spatiale : il faudra en tenir compte pour la protection des voyageurs qu’on enverra vers Mars.
Le plus étonnant : les télomères de Scott, extrémités des chromosomes déterminant le vieillissement cellulaire au fur et à mesure qu’ils raccourcissent, se sont allongés pendant le voyage. On s’attendait au contraire à ce qu’ils raccourcissent à cause du stress cellulaire. Mais les expéditions dans l’espace ne sont pas encore la recette de la source de jouvence : les télomères de Scott sont rapidement revenus à la normale après son retour.
Carl Zimmer – International New York Times – 15 avril 2019
Fabien Goubet – Le Temps – repris par Le Monde – 17 avril 2019
NASA/Robert Markowitz — https://www.flickr.com/photos/nasa2explore/16763964542/
Partout dans le monde, des espèces disparaissent, chassées par de nouvelles venues, souvent introduites par l’homme. Une étude conduite par les naturalistes du parc de Yellowstone (Wyoming, Etats-Unis) en offre un cas d’école.
Depuis 8 000 à 10 000 ans, le lac de Yellowstone est habité par la truite fardée. Ce poisson qui pèse plus de 2 kg et mesure 70 cm, est reconnaissable à son « sourire » écarlate et ses taches noires. Dévorant zooplancton et insectes, nourrissant oiseaux de proie et gros mammifères, il est au cœur d’une harmonieuse chaîne alimentaire.
En 1890, on a introduit dans le lac Lewis voisin, alors dénué de tout poisson, la truite grise – 1 mètre pour 15 kg – native du lac Michigan. Il n’aurait pas dû y avoir de problème : les deux bassins de communiquent pas, l’un part vers le Pacifique, l’autre vers le golfe du Mexique. Mais en 1994, un pêcheur en a trouvé une dans le lac Yellowstone. Malveillance ou accident ? Les dégâts sont impressionnants. La nouvelle venue s’est attaquée à sa cousine autochtone, dont elle a dévoré les petits. Entre 1998 et 2013, la population de la truite grise a été multipliée par 8, celle de la truite fardée a chuté de 90%. Le zooplancton s’est multiplié. Il a filtré le phytoplancton et l’eau est devenue plus claire, au grand dommage des autres prédateurs.
En effet, la truite fardée nage en surface et monte frayer dans les rivières. La truite grise vit cachée, dans les profondeurs. Les balbuzards ont perdu leur principale source d’alimentation et ont quitté la région. Les pygargues à tête blanche se sont rabattus sur les petits des canards et des cygnes migrateurs. Les loutres ont opté pour d’autres poissons, les meuniers rouges, plus petits et moins nourrissants. Quant aux grizzlis et aux ours bruns, ils se sont mis à attaquer les faons des majestueux cerfs élaphes.
Les autorités du parc Yellowstone tentent maintenant de protéger la truite fardée en proscrivant sa pêche et en s’attaquant aux embryons de la truite grise. Cette dernière fraie à l’automne sur une territoire limité (0,03% du lac) ; c’est son point faible et la dernière chance pour la truite fardée.
Nathaniel Herzberg – Le Monde – 10 avril 2019
Todd M. Koel et alias - Science Advances – 20 mars 2019 :
https://advances.sciencemag.org/content/5/3/eaav1139
Depuis longtemps déjà, les renards hantent les jardins de Londres. En voici à Lille, aux abords de la citadelle. : l’animal a colonisé le parc urbain en remontant le long de couloirs de friches ferroviaires.
Accueillantes, plus chaudes que la campagne, riches en nourriture, les villes et leurs espaces verts sont des refuges de choix pour la faune sauvage. Insectes, volatiles et rapaces, petits et gros mammifères s’installent en ville.
À Paris, ont été recensées 1 663 espèces animales sauvages : des mammifères, des reptiles, des amphibiens. Il y a même des méduses dans la Seine !
« Partout où les municipalités ont abandonné les pesticides, les chaînes alimentaires se recréent », explique Philippe Clergeau, du Muséum national d’histoire naturelle.
Cela peut sembler romantique… mais se révéler problématique à cause de l’abondance de ressources et de l’absence de prédateurs. L’écosystème urbain est différent de l’écosystème campagnard. À Marseille, les sangliers s’approchent des maisons pour aller piller les poubelles. En s’habituant à l’homme, ils deviennent menaçants. Des battues de chasse officielles s’organisent.
Chaque soir, Lyon devient une ville-dortoir pour les étourneaux et les corneilles qui se sont nourris toute la journée dans les cultures agricoles de la périphérie. Mais quoi qu’on fasse pour les effaroucher – y compris à l’aide de faucons – ils finissent par s’y accoutumer.
« Si nous voulons de la nature en ville », conclut Philippe Clergeau, « il nous faudra en accepter certains désagréments. »
Paul Molga – Les Échos – 2 avril 2019
Les espaces de coworking (cotravail, si vous préférez) se multiplient, s’agrandissent, sont de mieux en mieux équipés et conviviaux. S’y retrouve une population de jeunes cadres et auto-entrepreneurs nomades. Ces espaces sont un lieu pratique et relativement bon marché pour travailler partout et à tout moment. Il y a là des développeurs, des blogueurs, des architectes web, des communicants et toutes sortes d’autres professionnels qui ont besoin de s’isoler pour travailler, mais sans être vraiment seuls, et qui goûtent l’absence de formalisme. Les entreprises les apprécient elles aussi car ils résolvent le problème du bureau pour ceux de leurs collaborateurs qui se déplacent. Un rêve pour ceux qui, il y a peu de temps encore, devaient rechercher la tranquillité dans une arrière-salle de café. Un rêve pour ceux qui, pour une raison ou une autre, ne peuvent pas travailler chez eux. Un rêve pour ceux qui ont besoin d’échapper au regard des collègues… Le coworking a clairement le vent en poupe.
La transformation qu’impliquent ces espaces pour le monde du travail est d’autant plus considérable qu’elle s’est produite soudainement. Et tout indique qu’elle sera durable. Alors que, depuis longtemps, les conditions de travail sont la source de tant de publications, les réflexions sur ce nouveau monde professionnel restent, à notre connaissance, très limitées. C’est pourquoi, plutôt que de tomber dans l’éloge ou la critique, nous nous contentons ici de nous faire l’écho d’un article récent d’une journaliste qui a rencontré de nombreux « coworkers » au Canada et aux Etats-Unis. De son enquête il ressort deux constatations : les espaces de coworking ne sont occupés que par un étroit segment de la force de travail (de jeunes détenteurs de compétences rares) ; et ce sont en réalité des lieux de solitude car votre voisin d’aujourd'hui n’est pas votre voisin d’hier et ne sera pas celui de demain.
Ce modèle attire l’attention par son utilité – il répond à de très nombreuses attentes – mais aussi par sa nature fragmentaire vis-à-vis de ce qu’est la vie professionnelle. Il se développe en contrepoint de tout ce qui parait souhaitable : l’échange, le travail en équipe, le lien social.
Ellen Gamerman – The Wall Street Journal – 1er avril 2019
Prospective.fr