EDITORIAUX 2010
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Octobre 2010 Prospective et volonté de vivre Pourquoi traiter d’un sujet si inhabituel pour prospective.fr ? Parce que, indépendamment de la triste affaire des suicides à France Telecom et ailleurs, chaque année 160 000 personnes, surtout des hommes, tentent de mettre fin à leurs jours en France. 12 000 y parviennent. Le suicide est plus meurtrier que les accidents de la route. Contrairement à l’opinion habituelle, le taux de suicides est inférieur de 30 % en Suède, il est supérieur dans des pays de l’Est européen. Cette approche statistique, évidemment indispensable, est en même temps choquante car il s’agit de tragédies chaque fois uniques, qui touchent des personnes et leurs entourages. Le désarroi qui pousse à se condamner à mort est insondable. Le suicide est de tous les temps. On se suicide dans tous les pays, dans tous les milieux. On se suicide à tout âge, même si émergent le mal être des adolescents et leurs conduites à risques comme la dépression spécifique des personnes âgées (qui expliquent ensemble que le Japon soit en tête de liste). Les raisons des suicides sont nombreuses : un chagrin d’amour, comme cela se faisait beaucoup au XIXe siècle ; des motifs professionnels : le stress des salariés face à l’injonction collective de la jeunesse et de performances renouvelées, le découragement de chefs d’entreprise ou d’agriculteurs qui voient s’effondrer leur activité ; on observe aussi, plus récemment, le choix de se donner la mort avant de mourir de faim… On peut se suicider parce qu’on a le sentiment d’être ignoré, pas estimé pour ce qu’on est, pas aimé, inutile, par lassitude, parce qu’on ne peut plus assumer ses responsabilités, parfois pour protester contre une injustice, pour ne pas subir un sort plus atroce encore. C’est la volonté d’en finir ou un appel au secours. Le changement du monde et son impact sur l’Europe inaugurent une dimension moderne. On peut perdre de vue sa raison de vivre dans un environnement familial ou professionnel que l’on ne reconnaît plus. La promesse du loisir indéfini (à la retraite par exemple) se révèle une duperie. Les absurdités bureaucratiques entraînent les gens dans des labyrinthes kafkaïens ou leur interdisent d’entreprendre. Le point commun à tous ces drames, c’est une impression de « no future ». Le changement du monde représente aussi une opportunité. Les ruptures peuvent induire des possibilités nouvelles dont l’idée même n’était pas concevable auparavant. Selon l’expression de Denis Kessler (Les Echos, 9 septembre), « nous voilà enfin libérés des fixismes de l’ère linéaire, avec ses courbes continues et ses tendances claires ». Nous avions oublié qu’il revient à l’homme de façonner son devenir. Nous avons la chance que tout est à refaire. Le désespoir résulte trop souvent d’un déficit d’imagination dû au manque d’information. Des personnes qui se sont jetées du pont du Golden Gate à San Francisco et ont survécu ont déclaré avoir soudain compris à mi-parcours que leurs problèmes n’étaient pas insurmontables. L’attraction de la mort s’efface si ressurgissent les perspectives d’avenir. Le monde actuel comporte pour chacun infiniment plus de possibilités que celui d’hier, ou celui qui aujourd’hui s’efface, de donner sens à son avenir. Les bouleversements sont loin d’être achevés et nous connaîtrons toutes sortes d’autres chocs. Notre société est et sera confrontée à bien d’autres situations limites comme celle du suicide. Réfléchir au suicide est une manière parmi d’autres d’aborder les enjeux qui sont devant nous. Armand Braun |
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Citation
« Si le monde d’hier n’avait pas existé, celui d’aujourd’hui ne pourrait pas envisager celui de demain. »
Pierre Dac
Clin d’oeil
Les requins ont existé bien avant les arbres sur Terre et les anneaux autour de Saturne.
@quikipedia – 8 juin 2023 – cité par Prospect magazine – août-septembre 2023
À lire
Dans « L’homme, l’animal et l’éthique », Georges Chapouthier, neurobiologiste et philosophe, présente à propos de cette problématique les réponses de grands philosophes et les analyses de la biologie moderne concernant la douleur et la conscience. Il démontre comment l’apport des droits de l’animal a modifié la morale et donne des conseils pratiques sur ce qui pourrait être amélioré dans nos relations avec les animaux.
Il propose par ailleurs, aux associations et aux écoles, un jeu pédagogique : « La fresque des animaux »
https://www.jne-asso.org/2023/04/23/lhomme-lanimal-et-lethique-quelques-reflexions-essentielles/
Lire à ce sujet la « rencontre avec Georges Chapouthier »
À voir
Le « Festival Photo La Gacilly » propose une expérience photographique immersive et déambulatoire au cœur d’une trentaine de galeries à ciel ouvert, présentant le meilleur de la création photo contemporaine qui interroge notre relation au monde et à la nature.
Les photographies habillent les rues, les jardins et les venelles de La Gacilly, dont le magnifique patrimoine bâti et naturel offre un écrin parfait aux plus de 800 images exposées. L’espace public devient un espace scénique, partagé et accessible à tous, gratuitement.
Le thème de cette vingtième édition : « la nature en héritage ».
À La Gacilly en Bretagne, jusqu’au 1er octobre
https://www.festivalphoto-lagacilly.com/festivalphoto-lagacilly.com
Courrier des lecteurs
Après avoir lu votre édito de septembre 2022 sur le droit à l’image des léopards, ma compagne et moi nous nous sommes rendus compte qu’il y en avait partout. Nous avons donc inventé un jeu : chaque fois que nous voyions un vêtement ou un accessoire portant ces motifs (sur une personne, pas en photo ou dans une vitrine) nous avons mis I€ dans une tirelire (représentant un léopard, évidemment). Au bout de trois mois, nous avions économisé de quoi nous offrir dans un restaurant étoilé un délicieux repas … végétarien. Mieux que la Caisse d’Épargne !
SLG, Paris