Prospective edito: à la sortie du port

Notre fière caravelle a levé l’ancre et largué les amarres, les marins échangent des gestes d’adieu avec les familles et les amis restés sur le quai, on va cingler vers l’océan. Mais prudemment car le chenal est parsemé d’écueils. Des écueils réels et virtuels, visibles et invisibles. Des écueils ambigus : si le bateau devait, dès le départ, s’échouer sur l’un d’eux, les marins auraient encore une chance de rejoindre la terre à la nage. Si le cas se présentait plus tard, à l’autre bout du monde, et que des cannibales affamés s’intéresseraient à leur personne, ils regretteraient peut-être de n’avoir pas quitté le bord alors qu’il en était encore temps.

Le réchauffement climatique, la légitimité politique, le politiquement correct, l’immédiateté sont quelques-uns de ces écueils.

Le réchauffement climatique : comme un courant puissant qui entraînerait tout, la perspective du réchauffement domine toutes les pensées, peut transformer la condition humaine.

La légitimité politique issue de l’élection est déstabilisée. D’un côté, le pouvoir met en œuvre l’arbitraire des choix des citadins contre les ruraux (cf. notre éditorial d’octobre Les ours et la démocratie). De l’autre, il plie devant un autre pouvoir qui a surgi brusquement sans que nul ne s’y attende (les gilets jaunes).

Le politiquement correct, visage nouveau de l’intolérance dont nous pensions que la démocratie nous libérerait, célèbre des « bons » de circonstance et promet le pire à ceux qu’il désigne comme des « méchants ».

L’immédiateté moderne, dans laquelle nous vivons et dont en son temps l’équipage de la caravelle ne pouvait avoir idée, annonce des drames possibles : les cartes marines ne prévoient ni les images médiatiques, ni les ravageuses passions collectives, ni le zapping… ; il n’est plus possible de manœuvrer.

Les thèmes du voyage lointain, la fragilité de la caravelle, l’esprit d’aventure de ceux qui sont à son bord suscitent une réserve vis-à-vis du célèbre roman 1984, de George Orwell : pour mettre en valeur l’exigence de liberté individuelle, il décrivait un pouvoir totalitaire qui surveillait chaque personne ; y aurait-il de nos jours une attente sociale de totalitarisme ? Un désarroi face à l’installation d’un contexte dont personne ne maîtrise les codes ? Ces thèmes illustrent aussi la pertinence de la manière dont Kurt Gödel, ce grand physicien ami d’Einstein décrivait ce qu’est désormais notre relation à l’avenir : « inconsistance, incomplétude, indécidabilité ».

L’histoire a été, dans l’esprit des hommes, un combat jamais interrompu entre les obstacles qui obstruent le port et l’irrésistible volonté de liberté de chaque personne. Nous espérions être libérés des épreuves d’hier et voici que s’annoncent les épreuves de demain. Mais le génie humain a toujours fini par l’emporter. Enfin la haute mer. Partageons l’optimisme et la résolution du capitaine et de son équipage. Hissons haut la grand-voile !

Armand Braun

Un berger pyrénéen nous écrit

Suite à notre éditorial du mois d’octobre, « Les ours et la démocratie », nous avons reçu d’un berger pyrénéen un message dont nous publions les principaux extraits.

« Je ne suis pas né anti ours mais je le suis devenu. Si le déménagement de deux malheureuses ourses ne peut changer l'état de la planète, il va effectivement apporter son lot de difficultés aux éleveurs.

Les jeunes éleveurs devront sacrifier leur vie de famille pour s’en prévenir, s’en défendre. Pour ramasser les cadavres d’animaux qu’ils ont aidés à naître, soignés, vus grandir. Pour éventuellement les égorger afin d’abréger leur souffrance, notamment celle des brebis qui, n’ayant pas eu la chance de mourir de suite ont été amputées vivantes de leur pis, morceau de choix pour le prédateur. La violence faite aux bergers d’avoir à gérer ces petits matins d’attaques d’ours ne fait pas partie des considérations supérieures des gens supérieurs.

Pourquoi cette obstination de certains pour amener des ours ici ? Pour que les Pyrénées soient classées par l’Europe « Natura 2000 », un dispositif qui permet d’envisager de concert l’aménagement du territoire et la protection de la nature. Ce dispositif permet aux grands groupes s’occupant d’infrastructures d’avoir accès aux prêts, aides financières, subventions européennes. Et il faut proposer des compensations : pour l’accès Bordeaux -Saragosse, qui passe par le tunnel du Somport, la compensation était de réintroduire deux ourses. Les Alpins, pour être classés « Natura 2ooo » ont dû importer des loups des pays baltes.

Sans autorisation préalable les grands groupes s’occupant d’infrastructures ne peuvent avoir accès aux prêts, aides financières, subventions européennes. Au nom des générations futures et de l’argent européen on démantèle le pastoralisme.

Plus loin dans le temps, en embuscade, se tient le WWF, qui veut faire du territoire pyrénéen, enfin débarrassé de ses bergers, un Yellowstone européen, ou une réserve à l’africaine en refoulant les dernières tribus pyrénéennes à la périphérie de la réserve pour laisser place à la faune. Nombre de migrants africains qui arrivent en France ont été expulsés de leur territoire : Courrier international avance le chiffre de 14 millions d’expulsés par le WWF.

Mon engagement anti ours ne tient du seul fait que je suis berger. Il tient à mon statut de citoyen qui craint une société dominée par des barons écologistes. À leur manière, les bergers pyrénéens sont des lanceurs d’alerte. »

lire aussi l'édito d'octobre à ce sujet.

Honorer sa signature

La signature a été conçue comme un moyen d’exprimer l’individualité d’une personne et, par extension, elle est devenue un moyen d’identification. À ce titre, les registres paroissiaux sont un bon indicateur de l’évolution de l’alphabétisation. Autrefois, beaucoup d’actes de naissance et de mariage étaient signés d’une croix par des personnes illettrées. Dans les actes enregistrés dans les mairies, cette façon de « signer » est devenue rarissime.

Qu’en est-il aujourd'hui, à un moment où l’écriture manuscrite est de moins en moins utilisée, où, dans les messages électroniques – sauf les actes notariés électroniques et les accusés réception de courrier effectués avec le doigt ou un stylet sur la tablette du facteur - les gens remplacent leur signature par un émoticône ?  Les administrations et les entreprises ont mis au point des méthodes différentes : identifiant + mot de passe, en général.

Les récentes élections de mi-mandat aux États-Unis ont donné lieu à un pittoresque conflit entre les Anciens et les Modernes. Dans l’État de Floride, la signature manuscrite des électeurs est exigée et comparée avec un modèle enregistré antérieurement. Le résultat du vote ayant été contesté, il a fallu recompter et l’un des candidats s’est plaint du fait que beaucoup de signatures étaient différentes de la signature préenregistrée.

C’est l’occasion de découvrir qu’aux États-Unis, seulement dix États requièrent encore l’apprentissage de l’écriture manuscrite à l’école…

Prospective.fr

Le dilemme d’Harvard

Le monde actuel, en raison de sa complexité et de l’interdépendance entre tous les facteurs, nous met de plus en plus souvent face à des dilemmes insurmontables.

C’est le problème actuellement posé à l’université Harvard. Celle-ci reçoit chaque année, pour ses différents départements, des milliers de candidatures en provenance du monde entier. Tous les candidats sont excellents. La sélection n’est plus possible. Il n’est pas non plus envisageable de donner la préférence aux candidats les plus solvables. À partir de là, comment s’y prendre ?

Certains proposent de limiter le nombre des étudiants étrangers. D’autres argumentent qu’il s’agirait là d’un excès de pouvoir.  Quelques-uns proposent que la puissance publique américaine soit invitée à intervenir, mais quelle serait la valeur ajoutée de son intervention ? D’autres soulignent que les immenses réserves financières accumulées par l’Université grâce aux dons d’anciens élèves pourraient être mobilisées en fonction de critères sociaux, par exemple. Mais pourquoi accorder aux étudiants d’aujourd'hui une préférence d’accès à ces ressources qu’on n’a pas octroyés aux étudiants d’hier et qui n’iront peut-être pas aux étudiants de demain ?

Il serait tellement pratique de se défausser sur des instruments d’évaluation. Il y en aura peut-être un jour, mais ce n’est pas encore le cas. Les plaidoyers fondés sur la science sont de moins en moins convaincants car on peut toujours démontrer une chose et son contraire.

D’autres considérations surgissent ensuite. Les minorités américaines riches (souvent d’origine asiatique) défendent les performances exceptionnelles de leurs candidats. Les minorités défavorisées (Amérindiens, Hispaniques, Noirs…) exigent d’avoir leur place au nom de la discrimination positive. L’université est soucieuse de préserver la diversité de ses étudiants… L’opinion publique et les étudiants eux-mêmes donnent leur avis…  L’impossibilité de décider se traduit par des palabres et des controverses sans fin. À un moment donné, c’est le dernier qui aura parlé qui l’emportera.

La presse américaine

Au-delà de l’intelligence humaine

Y a-t-il des choses que nous ne saurons jamais, qui se situent au-delà de notre intelligence ?

Alors que nos cerveaux sont restés ceux de nos plus anciens ancêtres dans la savane africaine, nous pouvons quand même percevoir et comprendre les mystères de cosmos, de l’infiniment grand et de l’infiniment petit. Il y a là de quoi s’émerveiller de notre talent.

Il n’empêche qu’il pourrait exister d’autres phénomènes très que nous ne comprenons pas sans même en avoir conscience. Exactement comme un singe n’a pas idée des étoiles et des galaxies.

Et s’il existe des extra-terrestres, il n’est pas impossible qu’ils possèdent des cerveaux différents des nôtres, une conscience différente de la nôtre, une perception de la réalité différente de la nôtre.

Les ordinateurs nous aident à concevoir ces choses extraordinaires. De même que les jeux vidéo ne cessent de devenir plus élaborés, de même le pouvoir d’expérimentation des ordinateurs devient plus réaliste et plus utile. C’est ainsi que, dans le monde virtuel d’un ordinateur, les astronomes sont en mesure de simuler la formation d’une galaxie ou encore le choc d’une autre planète contre notre Terre pour savoir si c’est ainsi que la Lune a été formée.

Les ordinateurs sont capables de faire des découvertes que les cerveaux humains laissés à eux-mêmes ne sont pas en mesure de faire. C’est d’ailleurs ce qui est en train de se produire. Par exemple, dans la recherche d’un super-conducteur qui travaillerait à la température ordinaire. Ceci permettrait la transmission transcontinentale sans perte d’électricité et rendrait possible la multiplication des trains Maglev.

En principe tous les processus sont numérisables. Cependant être capable de numériser quelque chose ce n’est pas en avoir une compréhension profonde. L’esprit humain est-il capable de tout comprendre ? J’en doute. Nous devons admettre qu’il est possible que certaines réalités fondamentales soient trop complexes pour nous être accessibles sans l’aide des ordinateurs. Comment des atomes peuvent-ils s’assembler pour former la matière grise et devenir un cerveau qui a conscience de soi-même et s’interroge sur ses origines ? Nous ne le saurons peut-être jamais…

Il n’est pas impossible que demain, des machines intelligentes iront plus loin que nous ne le pouvons aujourd'hui. Mais c’est raisonner de manière trop anthropocentrée que penser qu’une compréhension complète de la réalité physique sera à la portée de l’humanité et qu’aucune énigme ne résistera à nos descendants post-humains.

Martin Rees, astrophysicien – Prospect – décembre 2018

https://www.vivrelejapon.com/a-savoir/voyager-au-japon/maglev-train-sustentation-magnetique

Adieu Madame de Sévigné

« Les correspondances sont une source de savoir. Cette source est aujourd'hui coupée car on ne s’écrit plus de lettres. Les courriels, on les supprime, ou ils s’effacent, et puis ça va vite. Les lettres de philosophes pouvaient s’étendre sur 8, 15 ou 20 pages pour exprimer un raisonnement. Si la correspondance est fondamentale pour la vie intellectuelle, c’est que, en général, la censure ne s’y exerce pas, on peut y exprimer toutes ses pensées. Dans les correspondances du XVIIIe siècle, même les gens très collet monté finissent toujours par se lâcher, et donc par éclairer quelque chose de leur personnalité. Aussi les correspondances régulières sont-elles la source d’une connaissance approfondie des destinataires et de controverses fécondes. On n’est pas inquiet et même si on a tort parfois, on estime qu’on peut parler librement. Or je ne pense pas qu’on puisse parler librement sur Internet. Je n’ai jamais participé à une polémique intellectuelle par courriel. D’ailleurs je n’entretiens aucune correspondance digne de ce nom par courriel. Quand j’écris une lettre, je suis plus confiante. »

Elisabeth Badinter – propos recueillis par Jean Birnbaum – Le Monde des Livres – 30 novembre 2018

Touchez plus au grisbi !

Dans le monde entier, les citadins règlent la majorité de leurs dépenses par carte ou application numérique. En Asie, les paiements par smartphone sont pratiquement la règle. En Europe, une personne sur cinq déclare avoir rarement du cash sur elle. En Belgique, au Danemark et en Norvège, l’usage des cartes de crédit atteint des records.

La Suède est à la pointe. Ayant constaté que seulement 1% des consommateurs réglaient en espèces et que 15% du temps de travail des employés était consacré à compter, encaisser, rendre la monnaie, recharger les caisses, Ikea fait actuellement l’expérience d’un magasin sans cash. Et la moitié des commerçants du pays compte ne plus accepter les paiements en espèces d’ici à 2025.

Effectivement, un cinquième de la population ne retire jamais d’argent aux distributeurs. Les 18-34 ans règlent toutes leurs dépenses par carte ou à l’aide d’une application dédiée de leur smartphone : Swish. Et 4 000 Suédois (sur une population de 10 millions) ont une puce implantée dans la paume de leur main qui leur sert de badge pour entrer dans leur bureau et de moyen de paiement pour leurs voyages et leurs dépenses courantes.

Les autorités financières ont cependant demandé aux banques de continuer à fournir des billets et des pièces jusqu’à nouvel ordre. En effet, les pouvoirs publics, jusqu’à présent en faveur de la suppression totale de l’argent liquide, ont décidé de faire une pause pour réfléchir. Il s’agit d’évaluer le coût sociétal et économique d’un futur sans argent liquide, qui risque de laisser sur le carreau nombre de jeunes, de seniors, de handicapés et d’immigrés.

« Quand on en est arrivé où nous en sommes », dit Stefan Ingves, gouverneur de la Riksbank, la Banque centrale de Suède, « il ne faut surtout pas se contenter d’observer la disparition de la monnaie et de ne pas agir. Sans revenir en arrière, il importe de trouver des moyens pour gérer le changement. »

Liz Alderman – International New York Times – 27 novembre 2018

Au secours, je suis un « digitalosaure » !

Il y a d’abord ceux qui sont complètement largués. Pour beaucoup de personnes âgées, la dématérialisation des services administratifs est une véritable catastrophe, l’équivalent occidental du cocotier d’où on les ferait tomber pour prouver qu’ils n’ont plus Droit de Cité.

Mais il n’y a pas qu’eux. Vingt millions de Français ont plus ou moins des difficultés avec le numérique. Ce n’est pas faute d’être équipés : 81% des plus de 12 ans possèdent un ordinateur personnel. Ce n’est pas faute d’être intelligents et formés : nombre de messages angoissés sur les forums dédiés proviennent de professionnels qui sont loin d’être des novices en la matière.

En fait, le problème se situe dans les machines elles-mêmes. Il faut sans cesse s’adapter à du matériel qui se renouvelle de plus en plus vite. « Il m’a fallu des années pour me sentir à l’aise avec PowerPoint, explique un professeur du Secondaire. Et maintenant nos inspecteurs exigent que nous passion à Prezi, un nouveau logiciel de présentation. On perd de vue l’essentiel, on n’arrive plus à se concentrer sur notre travail d’enseignement à force d’être à la remorque de toutes ces innovations. »

La hantise d’avoir à affronter des événements qu’il ne saurait maîtriser est récurrente chez le digitalosaure : « dès que je mets un ordi, il plante, explique une quadragénaire. J’ai l’impression que la machine renferme un esprit qui développe contre moi une force négative ».

Au-delà de sa dimension pratique consistant à commander des billets de train en ligne, le numérique génère un climat d’obsolescence programmée dont l’utilisateur serait la principale victime. Ce sentiment d’être moins performant que nos outils, a été qualifié de « honte prométhéenne » par Günther Anders. Dans son ouvrage de 1956, Obsolescence de l’homme, il écrivait déjà : « Il serait tout à fait concevable que la transformation des instruments soit trop rapide, bien trop rapide, que les produits nous demandent quelque chose d’excessif, quelque chose d’impossible ; et que nous nous enfoncions vraiment, à cause de leurs exigences, dans un état pathologique collectif. »

Hébété, le digitalosaure ne pourrait alors que constater les effets de ce vertigineux paradoxe : courant à grandes foulées derrière les promesses d’un progrès évanescent, il a fini par tromper habilement la vigilance de son cerveau reptilien et par créer les conditions de sa propre destitution.

Nicolas Santolaria – Le Monde – 11 novembre 2018

Les araignées, petites fées du logis

De nombreuses publications scientifiques ont été consacrées aux cafards et aux termites, mais il existe dans les habitations des milliers d’arthropodes inoffensifs ou bienfaisants dont nous ne savons pas grand-chose. C’est pourquoi Rob Dunn, biologiste spécialisé dans l’évolution à l’université de Caroline du Nord, a lancé le projet « Never Home Alone ». Son but : reunir au moins 10 000 observations d’arthropodes (insectes, araignées et autres minuscules créatures) à travers le monde. Chacun est invité à participer en postant des photos sur la plateforme iNaturalist. Une seule condition : que ces animaux aient été vus à l’intérieur de la maison.

Les gens qui ont des animaux domestiques et ceux qui vivent fenêtres ouvertes hébergent, bien sûr, une plus grande diversité d’insectes que les autres. Mais l’étude révèle des surprises. Le Dr. Dunn lui-même a été bien étonné de trouver chez lui 10 espèces différentes d’araignées. De la Suède au Pérou en passant par les Etats-Unis, il n’est pas rare de trouver des maisons abritant 200 espèces d’arthropodes.

Les psocoptères ou psoques, minuscules insectes bruns hantent aussi bien les arbres que les bibliothèques et sont d’ailleurs surnommés « poux de livres » (book lice) en anglais. D’ailleurs, ce ne sont ni des poux ni de simples amateurs de livres : certes, ils adorent la colle des reliures, mais se sentent encore plus à l’aise dans l’humidité des cuisines et des salles de bain. Vous croyez qu’ils ne vous concernent pas parce que votre maison est impeccablement tenue ? Détrompez-vous : « jusqu’à présent, dit le Dr. Dunn, nous en avons trouvé dans 100% des habitations ».

Différents insectes hantent des pièces différentes dans la maison et cela depuis des millénaires. À tel point que l’identification de leurs restes peuvent indiquer aux archéologues s’ils sont dans les ruines d’une cuisine ou d’une salle de bain.

Et si, à la vue d’un insecte, vous préférez manier le tue-mouche ou le fly-tox que l’appareil photo, lisez ce qui suit.

L’usage d’insecticides renforce l’immunité des nuisibles et élimine nos alliées que sont notamment les araignées. Oui, les araignées : elles mordent rarement et se nourrissent de punaises, moustiques, mouches, mites… En Asie tropicale, il existe même une araignée sauteuse très commune dans les maisons et dont les proies préférées sont les moustiques porteurs du virus de la dengue !

Nicola Twilley – International New York Times – 31 octobre 2018

À propos du genre

Le Code rabbinique, qui traite de toutes sortes de sujets, n’évite pas le cas des hermaphrodites. Il stipule que, selon les cas, ceux-ci doivent être considérés soit comme des femmes, soit comme des hommes. Les Romains, eux, croyaient qu’ils portaient malheur et les tuaient parfois. Aujourd'hui certains sont tentés d’agir de même : il est beaucoup de pays où, si vous n’entrez pas dans une catégorie bien définie, on ne vous tuera pas, mais on niera votre identité.

La science aujourd'hui prouve pourtant que la nature n’est pas simplement binaire. Certes la plupart des bébés issus de la fécondation d’un ovule porteur d’un chromosome X par un spermatozoïde porteur d’un chromosome X ou Y sont soit femelles (XX) soit mâles (XY). Mais il arrive que le spermatozoïde n’ait pas de chromosome sexuel ou en porte un supplémentaire. D’où toutes sortes d’autres combinaisons : XXY, XYY, ou X0. Et ceci n’est que le premier stade. Jusqu’à la naissance du bébé se succèdent encore d’autres étapes hormonales et morphologiques où le sexe apparent et ressenti peut aller dans un sens ou un autre.

Comme ce qui importe ce n’est pas l’absence ou la présence d’un gène, mais l’équilibre entre eux, un simple test génétique ne peut trancher quand il y a ambiguïté. La seule attitude honnête, est de laisser dans ce cas les gens libres de décider eux-mêmes le genre qu’ils sentent être le leur.

Anne Fausto-Sterling, professeur de biologie à l’université Brown – International New York Times – 27 octobre 2018

À la fac avec Maman

Yan Zheyu, 18 ans, a quitté sa campagne et a été admis cet automne en première année à l’université de Tianjin, à deux heures au sud de Beijing. Il a apporté l’essentiel : un anorak pour l’hiver, un dictionnaire, quatre paires de chaussures, du dentifrice…

… Et, dans un gymnase à quelques kilomètres du campus, sous une tente quetchua mise à disposition par l’université, sa maman !

La besace chargée de papier toilette, de produits d’entretien et de denrées alimentaires, celle-ci se tient sur le qui-vive, prête à se précipiter au moindre appel pour apporter un savon, un bol de nouilles, nettoyer sa chambre… Prête aussi à lui prodiguer des recommandations non sollicitées (concentre toi sur tes études, ne joue pas aux jeux vidéo, n’aie pas de copine…)

Les très nombreux parents réfugiés dans ce gymnase avec elle viennent comme elle de villages lointains où ils sont fermiers, enseignants, ouvriers. Ils sont trop pauvres pour loger en ville. Le soir, ils échangent des tuyaux sur les meilleures filières ou les magasins où se procurer le linge de maison ou les bouchées vapeur les meilleur marché.

Le phénomène a gagné d’autres université à travers le pays et elles sont ainsi des milliers et des milliers de mamans qui ont tout quitté pour se consacrer à l’installation de leur rejeton unique, bien souvent le premier de la famille à accéder aux études supérieures. La surveillance devrait se poursuivre après l’installation grâce à WeChat (l’équivalent chinois de WhatsApp).

Les anciens, qui ont souffert de l’extrême pauvreté et du chaos de la Révolution Culturelle des années 1960 et 1970, ne tarissent pas de critiques envers ces parents qui continuent à se sacrifier pour leurs « petits empereurs » à l’âge où ceux-ci devraient enfin devenir autonomes.

Javier C. Hernàndez – International New York Times – 29 septembre 2018

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