Prospective edito: Prospective du tourisme : trop c’est trop ?

Des 7 milliards d’humains sur Terre, beaucoup ont la bougeotte. Ils sont de plus en plus nombreux à vouloir et pouvoir voyager, et ils ne s’en privent pas.

Nous sommes souvent bienvenus là où nous allons. En particulier dans les lieux de villégiature, dont c’est la raison d’être, dans les zones rurales, auxquelles le tourisme apporte des ressources et de l’animation, dans les grandes villes, dont Paris et Londres. Mais pas partout.

Les résidents des destinations les plus prestigieuses s’énervent de voir arriver des foules de plus en plus nombreuses. Le problème de Venise est bien connu. Le même sentiment de saturation est ressenti dans d’autres lieux à travers le monde. C’est, par exemple, le cas des îles Baléares ou de certaines régions de Grèce, dont les habitants se replient dans les montagnes, comme le faisaient leurs ancêtres à l’approche des hordes ennemies.

Le tourisme, à l’évidence, c’est bien : bien pour les personnes qui voyagent, bien pour celles qui les accueillent, bien pour le monde. C’est l’expression d’une liberté fondamentale pour tous les Terriens. Et il nous a fait prendre conscience de la diversité et de l’unité de l’humanité.

Il y a forcément des dérives.

Ce sont les comportements inappropriés, irrespectueux, qui mettent en péril des richesses que nous devons préserver : les Galapagos, certains sites au Mexique, au Guatemala, au Pérou… et justifient ce propos du paléoanthropologue Antoine Balzeau : « Jamais nous ne trouverons des traces de tous les hommes qui nous ont précédés. Il n’y a que nous pour en laisser partout. » (Les Échos, 18.02.2019)

Ce sont les étranges chenilles processionnaires, ces files de touristes, dont il nous arrive de faire nous-mêmes partie…

Ce sont ces centres de triage que sont devenues certaines gares, où le monde entier se croise, sévèrement encadré, pour avoir la chance d’apercevoir brièvement un site unique au monde et d’en rapporter un selfie…

Ces spectacles nous imposent de nous demander : qu’arrive-t-il à l’humanité ? qu’est-ce que tout cela nous dit de ce que nous sommes ?

En ne réfléchissant pas aux conséquences extrapolées du tourisme de masse, nous allons vers de nouvelles questions. Comment, par exemple, continuer à voyager tout en diminuant notre empreinte carbone ? Certains, persuadés que la liberté individuelle doit céder le pas à leur conception de l’intérêt général, proposent de réglementer l’accès aux voyages aériens, par hypothèse à quelques centaines de milliers de chanceux par an, au hasard d’une loterie. Mais le libre déplacement des personnes est une valeur essentielle et le tourisme n’en est qu’un aspect. Nous devrions être capables d’imaginer des solutions qui rendraient tout compatible.

Afin d’encourager la réflexion, que l’on nous permette d’évoquer la tribu Sentinelle, dans les îles Andaman au large de l’Inde, qui a trouvé sa solution pour vivre heureuse, tranquille et cachée : repousser les visiteurs à coups de flèches !

Hélène Braun

Un court film sur les Sentinelles a pu être tourné en 1993 depuis un petit bateau par la réalisatrice indenne Aruna Haprasad. Pour le visionner : https://vimeo.com/195412554

La réussite scolaire et sociale par la musique

« Orchestre à l’école » est un dispositif créé en 2008 et destiné au plus grand nombre de jeunes possible. Il a pour vocation la réussite de tous les enfants par le biais d’une pratique musicale collective en milieu scolaire. Un orchestre est constitué au sein d’une école primaire et au collège, en milieu citadin ou rural. Les classes sont transformées en orchestres pendant trois ans. Les élèves apprennent à jouer, écouter, se concentrer, faire preuve de rigueur et de discipline, s’entraider, se respecter les uns les autres. Cette pratique de la musique leur redonne confiance, a un effet positif sur leur scolarisation en général.

Le dispositif est gratuit pour les enfants et fonctionne grâce à un partenariat public/privé. L’objectif est de créer 250 nouvelles formations par an. On en est aujourd’hui à près de 1500 orchestres et 66 000 jeunes ont déjà participé à cette aventure.

L’agenda à venir des jeunes orchestres est impressionnant : master class au Festival de Vézère, classe découverte au Centre Pompidou, ciné-concert à la Cinémathèque de Paris, concert avec le Paris Mozart Orchestra au Palais des Congrès du Mans et à Marigny, animations en nocturne au Louvre, concerts au château de Fontainebleau, à l’Assemblée nationale… Une vraie tournée de stars.

Martine Robert - Les Échos - 22 février 2019

Le pôle Nord magnétique perd la boussole

Une boussole indique toujours le nord. En fait, son aiguille aimantée n’indique pas le nord géographique, celui qui nous intéresse pour nous orienter, mais pointe vers le pôle Nord magnétique, l’endroit où les lignes de champ magnétique terrestre plongent à la verticale vers le centre de la Terre. Plusieurs milliers de kilomètres séparent le pôle magnétique du pôle géographique.

En revanche, mystérieusement, le pôle Nord magnétique se déplace d’une dizaine de kilomètres par an et de manière imprévisible. Ce qui impose de mettre à jour régulièrement le modèle. Normalement, celui-ci est ajusté tous les cinq ans. Mais la machine s’est emballée depuis le milieu des années 1990 : le pôle Nord magnétique se déplace quatre fois plus chaque année.

Initialement situé dans le Grand Nord canadien, il a gagné l’océan Arctique en 2001, puis l’hémisphère est et la Sibérie en 2018. Il a tellement poussé vers l’est depuis la dernière mise à jour de 2014 que les géologues vont devoir mettre à jour leur modèle plus tôt que prévu.

Heureusement, il y a peu à craindre pour les moyens de transport modernes qui naviguent grâce à un guidage satellitaire. Et plus on est loin des pôles, moins le décalage importe.

Fabien Goubet – Le Temps- repris par Le Monde – 20 février 2019

L’espérance de vie plafonne

Au XXe siècle, l’espérance de vie des Français a gagné trente ans, passant de 45 à 74 ans pour les hommes et de 49 à 82 ans pour les femmes. Ceci grâce à l’amélioration globale de l’état sanitaire du pays, des progrès sociaux et techniques réduisant la pénibilité du travail et surtout d’une succession d’avancées médicales majeures.

La médecine a réduit la mortalité infantile. Celle-ci est passée en un siècle de 150 décès avant l’âge d’un an pour 1000 naissances à moins de 4. Au milieu du siècle, les maladies infectieuses ont vu à leur tour leur impact diminuer. Enfin, à partir des années 1970, la révolution cardio-vasculaire a prolongé la vie des seniors. Ces bouleversements successifs ont contribué à donner à l’espérance de vie à la naissance une croissance d’une impressionnante régularité. Ce rythme s’est poursuivi jusqu’en 2010.

Mais cette progression s’est arrêtée. Depuis quatre ans, l’espérance de vie des Français a cessé de croître. L’espérance de vie à la naissance des hommes qui atteignait 79,2 ans en 2014 s’est arrêté à 79,4 en 2018 ; celle des femmes est passée dans le même temps de 85,4 ans à 85,3 ans. L’avantage des femmes a diminué avec leur évolution de mode de vie plus semblable à celle des hommes.

Le phénomène concerne tous les pays développés, parmi lesquels la France se porte plutôt mieux. Aux Etats-Unis, l’indicateur vient d’enregistrer trois baisses successives, certainement dues à l’obésité galopante et à la crise des opioïdes.

Passé 80 ou 90 ans, il faudra une nouvelle révolution médicale pour continuer à progresser. Mais si la cause de fond alors était ailleurs ? Si l’homme approchait simplement de ses limites ?

Nathalie Herzberg – Le Monde – 20 février 2019

Fonte des glaciers : faire d’une menace une opportunité ?

En Suisse, à cause du réchauffement climatique, 1 500 glaciers ont rétréci chaque année depuis 2001. Beaucoup auront sans doute disparu d’ici à 2090. Outre tous les autres problèmes que cela pose, on se rend compte qu’au moment du dégel, il y a moins d’eau pour faire tourner les turbines hydroélectriques qui fournissent 60% de l’énergie électrique du pays.

L’un de ces glaciers est le Trift. La glace qui emplissait pratiquement toute la vallée a tellement fondu que le glacier est devenu un lac. D’où l’idée d’agrandir encore ce lac à l’aide d’un barrage et d’y ajouter une installation hydroélectrique. Celle-ci constituerait une réserve pour les périodes où l’on manquerait d’électricité. Un projet d’autant plus utile que la Suisse se défait de ses installations nucléaires et que les changements climatiques altèrent encore le rythme des précipitations.

Après quatre ans de négociations avec les écologistes, on est enfin parvenu à un accord et la construction de cette structure va commencer en 2022 pour s’achever en 2030. Il y aura alors encore moins de glace…

Henry Fountain – International New York Times – 20 février 2019

Small is beautiful

La recherche scientifique est de nos jours avant tout un travail d’équipe. Depuis quelques dizaines d’années, on est passé de petits groupes collaboratifs à de larges équipes interlaboratoires et internationales. Pour répondre à des questions difficiles et complexes comme la détection des ondes gravitationnelles dans l’espace ou la génétique du développement cérébral, les laboratoires ont besoin de mettre ensemble leurs ressources et leurs données. Quels en sont les avantages ? Quels en sont les inconvénients ?

Une étude publiée dans Nature s’est attachée à répondre à ces questions. Les grands groupes de chercheurs sont indispensables pour confirmer ou consolider les avancées, mais c’est des groupes restreints que jaillit l’innovation.

De combien de personnes parle-t-on ? Qu’importe. Une personne seule sera plus innovante que deux, 10 que 20, 25 que 26. Cette constatation est contre intuitive. Mais c’est un fait. Plus on est nombreux, moins on est réceptif aux idées extérieures. Et cela quel que soit le domaine envisagé : la physique, la psychologie, l’informatique, les mathématiques, la biologie…

Autrement dit, moins on est de fous plus on a des idées folles.

Benedict Carey – International New York Times – 20 février 2019

La ronde du feu
La disparition des espèces

Il n’est pas ici question des espèces animales mais d’argent.

Les billets de 500€ sont voués à disparaître. Les centimes n’existent déjà plus en Irlande et dans d’autres pays.

Chez certains commerçants, aux bornes de stationnement et même pour le denier du culte dans certaines églises, le paiement par carte de crédit, avec ou sans contact, et par appli tend à remplacer les espèces que certains prestataires refusent carrément. 35% des Suédois n’utilisent jamais d’argent liquide. Et il n’est pas impossible que d’ici à 2050, celui-ci disparaisse partout.

Aux Etats-Unis, de plus en plus d’enfants considèrent que l’argent n’est pas un billet de 1 dollar mais un compte bancaire pour jeune avec une carte de crédit adaptée, voire une appli qui les informe de l’état de leur compte. Ceux qui reçoivent des billets en cadeau les donnent immédiatement à leurs parents pour qu’ils les mettent dans leur compte et, s’ils et vont quand même faire des achats avec ces billets, semblent déboussolés.

Il existe maintenant une version du Monopoly sans les billets factices mais avec une carte de crédit factice. Les parents remarquent que cela ôte l’aspect arithmétique du jeu. Surtout, les joueurs se rendent moins compte qu’ils perdent et prennent davantage de risques.

Problème qu’il faudra résoudre : deviendront insolvables certaines personnes qui, pour toutes sortes de bonnes raisons, n’ont pas accès à ces nouvelles technologies, parmi elles des personnes âgées, des malvoyants, des immigrants, des SDF…

La presse
Harriet Torry – The Wall Street Journal – 11 février 2019

Le microbe grand voyageur

La résistance des microbes aux antibiotiques est un problème de santé de plus en plus préoccupant, provoquant le décès d’au moins 700 000 personnes par an. Et ce n’est pas terminé car plus on trouve d’antibiotiques puissants, plus les bactéries évoluent pour y résister. Ces bactéries super-résistantes se répandent là où l’on utilise le plus d’antibiotiques : dans les services hospitaliers et dans les installations agricoles. Mais elles se développent aussi sans intervention humaine car elles font naturellement évoluer leurs gènes pour lutter les unes contre les autres.

Une équipe de chercheurs a analysé les gènes de bactéries recueillies dans le sol d’une île norvégienne de l’océan Arctique, inhabitée et vierge de toute intervention humaine. On y a trouvé 131 gènes associés à une résistance aux antibiotiques. Et notamment un gène décrit en 2008, qui rend les microbes intestinaux réfractaire aux antibiotiques de dernière génération. Or, ce gène avait été découvert en 2010 dans des eaux souterraines en Inde. Trois ans plus tard, il avait atteint l’Arctique à 13 000 km de là !

Brianna Abbott – The Wall Street Journal – 30 janvier 2019

Un être humain sur sept est « invisible »

Un être humain sur sept n’existe pas… du moins de manière officielle. En effet, ces personnes ne possèdent pas de papiers d’identité. Elles n’ont donc accès ni aux aides sociales, ni aux services de santé, notamment les vaccinations, ni à l’enseignement, à la retraite, aux abonnements téléphoniques, aux emprunts… Elles ne peuvent protester en justice, monter une entreprise, acheter un commerce, louer un appartement, voyager…

Selon une estimation de la banque mondiale, ces « invisibles » seraient au nombre de 1,1 milliard, une évaluation approximative, car comment compter des gens sans existence officielle ?

La moitié sont en Afrique subsaharienne et le tiers en Asie du Sud-Est.

Le phénomène s’explique par le fait que les parents ignorent combien il est important d’enregistrer leurs enfants à la naissance, ou bien se trouvent à plusieurs jours de marche ou de pirogue des services administratifs.

En Inde, a été lancé en 2010, un système numérique permettant d’enregistrer facilement et à moindre coût les caractéristiques biométriques des gens : photo du visage, forme de l’iris de l’œil empreintes digitales. Un milliard d’Indiens ont été ainsi scannés grâce à ce dispositif appelé Aadhaar.

Depuis a été révélée une faille du système, qui donne accès aux données privées et permet par exemple de se doter d’une fausse identité… pour 6 euros ! Ce qui ne condamne pas le principe mais oblige à le perfectionner.

Yves Bourdillon – Les Échos – 21 janvier 2019

Comment va-t-on l’appeler, ce bébé ?

Le choix d’un prénom est porteur d’un ensemble signaux socioculturels qui sont loin d’être neutres.

Ainsi en 2018, 20% des Juliette ont obtenu la mention « très bien » au bac, contre 5% des Anthony. Le prénom est d’abord une cuirasse qui doit permettre à l’enfant de survivre dans le champ de bataille qu’est la cour de récréation. C’est pourquoi la plupart des parents optent pour des prénoms raisonnables.

Mais depuis que l’officier d’état civil ne peut plus s’opposer au choix des parents lors de la déclaration de naissance, on trouve tout et n’importe quoi : « Jean-Bryan », « Euthanasia », « Merdive », « Retcharles », « Huterin », « Jessico », « Didro » (hommage à l’encyclopédiste ?), « Crissolorio », « K’Pucine », « Dayvertson », « Kill-Yann », « Zac-Harry », j’en passe et des pires.

L’enfant est un inconnu que l’on se doit d’accueillir dignement, sans lui infliger dès le berceau le poids de passions souvent passagères des parents. « Djihad », pas facile à porter par les temps qui courent, continue à être attribué !

Et que dire de cette nouvelle mode venue d’outre-Atlantique consistant à donner à ses enfants des noms d’aliments sains tel que « Kiwi » ou « Kale ». Imaginez cette remarque (fondée sur des prénoms réellement attribués) : « Kinoah, je t’interdis d’aller jouer chez Curly, je trouve que ce garçon n’est pas très sain. Je préfèrerais que tu fréquentes Toufoou »…

Nicolas Santoralia – Le Monde – 20 janvier 2019

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