Le coronavirus va hâter notre transition vers la troisième grande révolution scientifique et technique des temps modernes. Ces révolutions sont issues de la découverte, débutant il y a un peu plus d’un siècle, des trois éléments fondamentaux de notre existence : l’atome, le bit, le gène.

La première moitié du XXe siècle, qui a commencé avec les écrits sur la relativité et la théorie des quantas d’Albert Einstein en 1905, a marqué une révolution entraînée par la physique. Les progrès de la science fondamentale sont devenus, comme toujours, le grain de semence d’où jaillirent des inventions utiles.

Pendant les cinq décennies qui ont suivi cette année miraculeuse due à Einstein, ses théories et celles de ses amis physiciens ont été à la source de la bombe atomique et du pouvoir nucléaire, des semi-conducteurs et des transistors, des vaisseaux spatiaux et du GPS, du laser et du radar.

La deuxième moitié du XXe siècle a été l’ère des technologies de l’information, à partir de l’idée que toute information pouvait être encodée en langage binaire et tous les processus logiques par des portes électroniques 0 ou 1. Il en est résulté, dans les années 1950, le microprocesseur, l’ordinateur et Internet. Quand ces trois innovations ont été combinées, ce fut la révolution digitale.

Nous sommes entrés maintenant dans une troisième ère, avec une impulsion scientifique encore accrue. C’est celle des biotechnologies, avec, au départ, la découverte du gène et des molécules (ADN et ARN) qui contiennent et mettent en œuvre l’information au sein des êtres vivants. Dès le début du XXIe siècle, le séquençage et la cartographie des gènes de tous les organismes devenaient possibles.

Désormais, nous allons pouvoir éditer des gènes. Ce succès a été rendu possible par nos progrès dans la plus longue et la plus perverse des guerres conduites sur cette planète. Pendant trois milliards d’années, les bactéries ont lutté pour contrer les attaques des virus, séquences courtes de matériel génétique spécifique se reproduisant en prenant le contrôle des cellules des organismes vivants. Nous avons maintenant une formidable méthode pour identifier et détruire le matériel génétique des virus.

Cette nouvelle révolution aura au moins trois composantes : lutter contre les virus au niveau moléculaire, identifier les mécanismes du cancer et trouver des moyens de personnaliser les traitements, éditer nos propres gènes. Nous aurons ainsi la possibilité d’assurer notre immunité contre les virus et le cancer, d’accroître les capacités de nos corps et de nos esprits et de ceux de nos enfants.

Ce sera la partie difficile. Nous aurons besoin non seulement de scientifiques et d’innovateurs, mais aussi de philosophes, d’humanistes et de citoyens bien informés pour déterminer s’il s’agit d’une utilisation judicieuse de cette étonnante technologie.

Walter Isaacson, auteur de biographies de Léonard de Vinci, Benjamin Franklin, Albert Einstein, Steve Jobs – The Wall Street Journal – 29 mars 2020

Avec la collaboration de Frédéric Cohen Tenoudji pour la traduction

Pour en savoir davantage sur la technologie CRISPR, le dernier en date des outils de génie génétique :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Clustered_Regularly_Interspaced_Short_Palindromic_Repeats

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