Nous aurons des lits pleins d’odeurs légères,
Des divans profonds comme des tombeaux,
Et d’étranges fleurs sur des étagères,
Écloses pour nous sous des ciels plus beaux.
Usant à l’envie leurs chaleurs dernières,
Nos deux cœurs seront de vastes flambeaux,
Qui réfléchiront leurs doubles lumières
Dans nos deux esprits, ces miroirs jumeaux.
Un soir fait de rose et de bleu mystique,
Nous échangerons un éclair unique,
Comme un long sanglot, tout chargé d’adieux ;
Et plus tard un ange, entrouvrant les portes,
Viendra ranimer, fidèle et joyeux,
Les miroirs ternis et les flammes mortes.
Charles Baudelaire (1810-1857)