Au terme de onze années de recherches, de mises au point, de mesures et de calculs, une équipe internationale conduite par Jeremy Goldberg de l’université Stanford, a publié le 3 novembre dans la revue Nature, des conclusions concernant l’appétit des baleines, les plus gros animaux de notre planète : les baleines à fanons absorbent beaucoup plus de zooplancton qu’on ne le supposait… et c’est tant mieux ! 

Comment calculer l’appétit des baleines ? Leur taille et leur mode de vie interdisent de les observer en captivité. L’obscurité des eaux profondes rend impossible de les observer dans la nature. En outre, si compter le nombre d’antilopes croquées par un lion ne pose guère de difficulté, déterminer la quantité de proies microscopiques filtrées par les fanons des baleines relève de la gageure. 

Les chercheurs ont équipé 321 individus de sept espèces différentes, du rorqual commun à la baleine bleue, d’équipements dernier cri : caméra, micro, GPS et accéléromètre. Dans trois océans (Pacifique, Atlantique, Austral) les scientifiques ont pu suivre en détail les comportements des cétacés, très différents selon les espèces, et déterminer le nombre et la durée de leurs repas. Ils ont ensuite utilisé des drones pour prendre des images de 105 de ces spécimens, déterminer leur longueur, leur masse et ainsi évaluer le volume d’eau filtrée. Enfin, ils ont équipé des petits bateaux de sonars afin de mesurer la densité de krills, de copépodes et d’autres zooplanctons présents sur le terrain de chasse de ces Gargantua des mers. Pour les sept espèces étudiées, la moyenne de quantité ingérée est trois fois plus grande qu’on ne l’attendait. 

Or, loin de représenter une menace, les baleines, en consommant le krill, contribuent à son augmentation. C’est le « paradoxe du krill » déjà mis en évidence il y a plusieurs dizaines d’années. Alors que trois millions de baleines, pêchées sans limite, avaient disparu entre 1900 et 1970, leurs proies, bizarrement avaient vu leur quantité s’effondrer. C’est en effet le fer qui permet de produire le phytoplancton. Ce fer, les baleines l’absorbent en profondeur puis le libèrent en surface avec leurs déjections. Le phytoplancton qui se développe grâce au fer ainsi recyclé par les baleines, nourrit le zooplancton, qui à son tour nourrit poissons et cétacées. 

Nathaniel Herzberg – Les Echos – 10 novembre 2021

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