Étudiante, je me suis abonnée au quotidien américain International Herald Tribune, qui affichait une offre intéressante à la cafétéria du campus. Des années plus tard, il devint le New York Times International. Je continue à le recevoir chaque jour dans ma boîte aux lettres et cela durera tant que, contrairement à d’autres, il ne renoncera pas à sa version papier. Ce qui fait de moi peut-être l’un des plus anciens abonnés français à ce quotidien. 

J’avais l’habitude de dire – coquetterie à la Chirac, très cultivé, qui affichait son goût pour la musique militaire – que le New York Time était mon journal préféré parce qu’il était le plus grand pour éplucher les légumes et qu’il avait une demi-page de strips (mini bandes dessinées) humoristiques. 

Je lisais aussi le reste, mais cette rubrique était bien la première que je consultais, en avant-dernière page. Je ne devais pas être la seule.

Avec le temps, certains de ces strips ont disparu.  Nous dîmes adieu à Before JC, une fantaisie sur des hommes préhistoriques, au petit roi d’Id, à Blondie, à Calvin et Hobbes (dont on voyait aux représentations des objets de la vie quotidienne comme le téléviseur ou le téléphone qu’il s’agissait de republications mais qui n’avaient pas perdu leur sel). Les anciens Peanuts reparurent. Max l’enfant terrible fut remplacé par Non sequitur, un summum d’humour canadien qui dénonçait parfois les dangers de l’ours brun (totem de la famille Braun). 

Un strip caricaturait la vie au bureau avec le méchant patron, l’employé autiste, la collègue féministe… Un vilain jour, l’auteur osa un propos déplacé. C’était oralement en réunion de presse et non par écrit dans le journal. Mais c’était en pleine ère woke, c’est-à-dire maintenant. Il fut immédiatement congédié et on remplaça son espace, non par d’autres dessins humoristiques, mais par un sudoku, moins sujet à controverse et meilleur marché. Quelques jours plus tard, il y eut d’autres jeux de chiffres ou de lettres et l’ensemble de la rubrique humoristique disparut corps et biens sans préavis.

Je continue à apprécier l’International New York Times – comme vous vous en rendez peut-être compte, si vous êtes un fidèle lecteur de notre site, par l’indication des sources de certaines informations. Mais le plaisir de la lecture n’est plus le même : je ne puis commencer par sourire grâce à l’avant dernière page. 

Dommage !

Hélène Braun

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