Les BigTech sont des entités hybrides, à l’intersection d’une multitude d’enjeux : technologiques, économiques, géopolitiques, démocratiques. Ajoutons la symbiose, au sens biologique du terme : symbiose entre vrai et faux, entre réel et virtuel, entre privé et public, entre civil et militaire, entre menaces intérieurs et extérieures, entre l’infiniment petit (ultrafragmentation, hyperpersonnalisation de masse, microciblage) et l’infiniment grand (la nation ou le monde selon le cas). La technologie apporte cela : la symbiose entre tout et son contraire.

C’est en comprenant cela que l’on peut appréhender ce qui se joue : la fin de la démocratie de masse, ce système politique vertical érigé à partir des différentes vagues de révolutions industrielles. La démocratie de masse oscille entre ultramassification et ultrapersonnalisation. On l’observe à propos de l’ubiquité de technologies de l’information qui sont dans le même temps des technologies de la désinformation, l’anachronisme d’institutions massifiantes et rigides (l’école par exemple), dans un monde qui parle désormais directement aux individus. L’atomisation individuelle n’est pas une mauvaise chose car elle correspond à l’exact lieu de l’autodétermination, de l’imprévisibilité, du besoin d’indétermination, de choix, donc de responsabilité. 

Asma Mhalla, enseignante à Sciences Po et à l’université Columbia – Les Échos – 26 septembre 2023

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