L’écrivain britannique Edward Morgan Forster (1879-1970) est surtout célèbre pour trois romans (qui ont été portés à l’écran) : Chambre avec vue (1908), Howards End (1910), La route des Indes (1924). Le caractère infranchissable des barrières sociales est le thème que l’on retrouve à travers son œuvre.

Moins connues sont ses nouvelles, dont The Machine Stops (1909). Il y décrit un futur technologique dans lequel les êtres humains habitent sous terre. « La Machine » pourvoit à tous leurs besoins dans leur appartement-cellule qu’ils n’éprouvent guère le besoin de quitter : le monde étant pareil partout, à quoi servirait-il de sortir, de voyager ? Les réseaux de transport ne sont que peu utilisés. Les télécommunications visuelles fonctionnant très bien, les humains n’ont pratiquement plus de relations directes. Ils sont nourris, habillés, soignés, distraits, employés… et contents.

Oui mais voilà, un jeune garçon, Kuno, ne supporte ni cet enfermement, ni la résignation à une existence toujours semblable et sans raison d’être. Il veut remonter à la surface, voir du pays, rencontrer des gens, vivre sa vie. Cela peut lui coûter cher : il est interdit d’avoir des idées et des aspirations « contraires à l’esprit de notre époque » …

Cette fiction a longtemps été interprétée comme une variante de 1984 de George Orwell : l’asservissement de tous à une machine inhumaine et totalitaire. Mais contrairement à 1984, avec de bonnes intentions :  veiller à la santé, au bien-être, à la sécurité de tous, pour autant qu’ils obéissent.

Comment ne pas se référer à l’actualité : le souci de nous protéger nous prive de notre besoin d’échange ; il nous soumet au flicage par le big data, la macro-surveillance, la micro-obéissance. Soixante-quinze ans après la Deuxième guerre mondiale, un policier peut nous arrêter dans la rue pour nous demander où nous allons. Notre conception personnelle de la vie doit s’effacer, au nom du bien, pour notre santé…

Ben Wright – Prospect (Londres) – Mai 2020

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